L’alimentation des individus est bien souvent dépendante de leur lieu d’habitation. Selon que l’on réside en province, dans une petite ville, ou bien au sein d’une agglomération – voire même à Paris, nos habitudes sont différentes, même si ces variations ont eu tendance à s’estomper au cours de ces dernières décennies.

Cependant, j’ai tendance à penser qu’il reste encore un pain des villes et un pain des champs. Le premier sera généralement beaucoup plus blanc, moins cuit, plus doux, assez moelleux voire sucré (le pain de mie est très apprécié chez les urbains !), tandis que le second sera plus fort, souvent réalisé sur levain donc assez acide, avec une belle croûte et une meilleure conservation. Forcément, il n’était pas toujours possible de réaliser du pain tous les jours par le passé, et les boulangers n’étaient pas implantés à chaque coin de rue comme ils le sont dans les grandes villes. Ainsi, il était nécessaire de constituer des réserves, et donc de produire un pain qui puisse être consommé sur plusieurs jours. Comment imaginer une baguette de tradition dans cet environnement ? Cela paraît assez difficile !

Ce qui est assez curieux dans le fond, c’est que nos urbains ont tendance à se tourner à nouveau vers des pains de plus en plus « rustiques », avec un retour des pains au levain naturel dans les boulangeries, ou bien de miches fortes en goût (que dire du succès du Pain des Amis, devenu une vraie star ?). Ce « retour aux sources » ne concerne pas que le pain : les consommateurs sont en quête de simplicité et d’authenticité.
A terme, les pains des villes et champs pourraient bien finir par se rejoindre… Toutefois, il me paraît important de noter que divers pains aromatiques apparaissent dans le paysage au fil du temps, comme c’est le cas chez Gontran Cherrier et ses pains épicés. Cela change un peu la donne, puisque les habitudes de consommation évoluent rapidement.

Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous qu’il existe toujours des différences aussi marquées entre ville et campagne, ou bien que tout le monde finit par manger le même pain ?

8 réflexions au sujet de « Pain des villes, pain des champs ? »

  1. Voilà un article qui m’intéresse beaucoup, car il traite de quelque chose dont nous parlons régulièrement entre nous

    Personnellement je ne pense pas qu’il y ait de façon générale une différence de consommation entre les gens vivant en ville ou les gens vivant à la campagne, et mon bilan serait plutôt le contraire du votre malheureusement, chaque foyer a sa façon de penser et de dépenser pour le pain comme pour tout le reste

    En effet je suis originaire d’un petit village (400 habitants, aucun commerce) et j’y retourne régulièrement le week-end

    Dans celui-ci et les villages environnants c’est un boulanger qui fait sa tournée tous les jours, et on ne peut pas dire que ce soit du bon pain (très blanc, pas très cuit, pas de vraie croûte) et pourtant il vend tout de même sa baguette à 85cts

    Sinon la majorité des gens qui travaillent et qui donc ne sont pas là pour le passage de la tournée, font comme un peu partout, que ce soit en ville ou à la campagne, ils achètent du pain en boulangerie avant de rentrer chez eux, ou pour beaucoup, du pain sous vide ou précuit, ou encore ils achètent du pain pour la semaine lorsqu’ils font leurs courses et le congèlent, ce qui est bien dommage ne serait-ce que pour le gout et la texture de ce pain

    Je dirai donc plutôt que effectivement les personnes, que ce soit à la ville ou à la campagne, cherchent de plus en plus à consommer bon sans pour autant payer trop cher, et c’est d’ailleurs mon cas

    Merci pour tous ces articles que je lis avec toujours beaucoup d’intérêt

    • Merci Amaury pour ce retour ! Effectivement, le pain fait souvent l’objet d’économies et il est considéré comme le reste. Je pense que cela tend tout de même à changer ces dernières années, avec un retour du « vrai bon pain »… mais je suis peut être un peu idéaliste !

  2. Comme Amaury, je trouve le sujet intéressant. D’autant que je situe de l’autre côté du « comptoir ».
    A la différence de Rémi, je trouve la clientèle urbaine très adepte du pain « de campagne »: belle croûte, farine bise, pain sur levain, Cuisson colorée. A l’inverse, pour avoir boulangé dans une petite ville de 3000 habitants, cette exigence de qualité, variété est moins importante.

    Pourtant, difficile pour moi de savoir si c’est l’offre qui fait le client ou l’inverse.
    Cette opposition entre pain-des-villes et pain-des-champs tient peut être à des situations bien différentes:
    – concurrences accrues entre boulanger dans les grandes villes avec donc obligation de jouer sur la variété et la qualité des produits
    – une différenciation entre le boulanger-spécialiste des villes(concurrence, demande exigeante) et le boulanger-généraliste des champs qui fait office de dépôts de presse, épicier, livreur…pas facile dans ces conditions de contenter tout le monde.
    – moins de clientèle en campagne; moins de demande « particulière » et des choix économiques qui contraignent le boulanger à ne pas multiplier sa gamme sous peine de jeter beaucoup trop
    – peut être une recherche d’authenticité des citadins et un retour à « leurs racines » rurales. Doublé en plus d’un petit sentiment de culpabilité qui les pousse à rechercher dans des pains rustiques ce qu’ils perdent avec une vie hyper active et avec peu de repères.

    En conclusion, il reste à faire, Rémi, une belle étude ethnologique sur le comportement des français des villes et des champs face à leurs habitudes culinaires et notamment sous l’angle du pain.

    • Merci pour ce commentaire très intéressant !
      La concurrence qui existe au sein des grandes villes n’est certainement pas étrangère au développement de pains plus intéressants, la différenciation devenant nécessaire. La peur de la perte joue aussi, bien sur (combien de boulangers refusent de vendre des demi-tradition !).

      Au final, les urbains sont peut etre plus exercés au bon pain… Une étude ethnologique serait certainement passionnante, en effet 😉

  3. Pardon Rémi, j’ai lu trop rapidement votre article. Vous concluez que les urbains ont tendance à se « rapprocher » du pain-des-champs. Je suis d’accord, c’est une situation que nous connaissons déjà.
    Comme le dit Amaury, l’obstacle restera toujours le prix. On assiste à une inflation terrible du prix des pains « dits » spéciaux sans que cela soit toujours justifié.
    Fabriquons déjà des produits simples et de qualité à des prix abordables. Un geste tout simple : pratiquer la vente à la coupe et tout un chacun pourra s’offrir la part de son choix.

    • Les prix sont effectivement trop élevés pour les pains ‘spéciaux’ et dignes d’intérêt. Cela nuit à l’accès au bon pain, ce qui est bien dommage…

  4. Cette idée du « pain des champs » au levain, acide et de bonne conservation me paraît une image d’Epinal qui ne correspond plus à la réalité (et ce depuis les années soixante probablement).

    Je ne ferai pas de généralités, mais mon expérience personnelle avec les boulangeries de campagne ou de petite ville — un peu partout en France d’ailleurs — a été en général très, très décevante. Pas moyen de mettre la main sur un vrai bon pain de fermentation lente, qui ait du goût et une belle croûte. C’est plutôt la fête du pain super blanc, à la mie cotonneuse et uniforme, qui ne met pas en appétit et rassit en deux heures.

    Il y a des exceptions évidemment, et comme pour tout on a intérêt à recueillir des recommandations pour trouver LE boulanger qui a le feu sacré et le talent qui va avec, mais je pense comme Eric que la concurrence a du bon, et qu’elle s’exerce mieux dans les grandes villes.

    • Plus j’y pense et plus je me dis que vous avez raison, j’ai croisé peu de bons boulangers en province. Les boulangeries sont généralement affiliées aux ‘réseaux’ tels que la Ronde des Pains, Baguépi et autres Banette… Avec le résultat que l’on connait. J’ai été un peu vite en besogne hier soir 😉

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