En boulangerie comme dans le commerce en général, il est difficile de ne pas céder aux attentes de la clientèle, ce qui peut parfois amener à des décisions pas forcément très heureuses, mais il en va de la subsistance de la boutique.
Gaetan Romp n’a pas eu d’autre choix que de proposer une large gamme de sandwiches et autres éléments pour constituer le déjeuner de la très large clientèle des bureaux environnants. En effet, le quartier de l’Opéra est certainement l’un de ceux où la « population » est la plus pressée car prise entre deux rendez-vous ou deux réunions. Il faut donc lui proposer ce qu’elle attend, un produit qui soit consommable rapidement.
Ce jeune boulanger a d’ailleurs adopté cette démarche tout en y imprimant une note d’individualité, puisqu’il met l’accent sur la modernité et sur des saveurs originales. J’y reviendrai par la suite.
Le concours de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris, où Gaetan Romp est arrivé second cette année, a eu un effet positif sur les ventes et la motivation du personnel de la boulangerie, alors que tout cela était plutôt sur le déclin avant cette récompense. Forcément, cela a fait parler de cette petite boulangerie d’angle, qui pourrait passer relativement inaperçue sinon.
Dans sa boutique récemment rénovée, l’artisan propose principalement… des sandwiches et autres gourmandises, alors que le pain devrait être la star d’une boulangerie. Il est ici « pris en sandwich », un peu marginalisé. En effet, il ne représente qu’une faible part du chiffre d’affaire et il n’est pas intéressant d’y prêter plus d’attention que cela, semble-t-il. La gamme est courte et traditionnelle, avec un pain aux céréales, notamment. Malgré tout, la baguette de tradition devait parvenir à compenser tout cela, mais sa réalisation est bien loin des sommets qu’elle devrait atteindre au vue de sa récompense. Certes, elle exprime un beau parfum de froment, mais pas beaucoup plus. Elle ne possède pas de caractère particulier, son façonnage est plutôt aléatoire, de même que sa cuisson, et sa conservation est plutôt moyenne. C’est dommage, car ce secteur manque de bons artisans boulangers, l’offre étant très réduite et aux mains de quelques entreprises puissantes.
La spécialité de l’endroit, vous l’aurez compris, ce sont les sandwiches. On y trouve en effet une grande variété, avec des saveurs originales et des produits frais. Ajoutez à cela des tarifs particulièrement abordables au vu du quartier, et vous avez une explication du succès de cette boulangerie, ce qui lui permet de continuer à exister. De plus, Gaetan Romp n’est pas avare de découvertes gustatives, qu’il fait découvrir à ses clients. Sandwich à la mangue, éclair à la fraise tagada, autant d’expériences qui sauront égayer le quotidien des cadres et salariés du tertiaires, fortement représentés dans ce quartier. La boulangerie leur propose ainsi d’autres horizons que ceux de leur ordinateur et de leur open-space.
Des salades viennent compléter l’offre salée, avec quelques autres en-cas, qui ne marqueront pas les esprits.
Les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt particulier. Les pâtisseries tentent d’offrir des saveurs innovantes, malgré leur finition plus que moyenne, c’est dommage. Cela parviendra toutefois à compléter les formules proposées par la boutique, sans pour autant surprendre ou satisfaire particulièrement. Ce qui est nettement plus agréable ici, c’est l’accueil, chaleureux et efficace malgré l’affluence. Le boulanger lui même participe à l’effort et sert la clientèle avec le sourire. L’ambiance est donc agréable, vivante, avec des conversations entre collègues pendant les quelques minutes d’attente dans la file de la boulangerie.
Infos pratiques
14 rue de La Michodière 75002 Paris (métro/RER Opera, ligne A/3/9/8 ou Quatre Septembr, ligne 3) / tél : 01 40 06 93 09
Avis résumé
Pain ? Malheureusement, on l’oublierait presque, installé négligemment au fond de la boutique. Il n’est pas suffisamment mis en avant, la gamme proposée est courte et sans relief. La baguette de tradition, qui devrait pourtant être exceptionnelle, déçoit par une réalisation approximative : façonnage peu élégant, conservation moyenne et cuisson trop courte, ce qui ne permet pas à sa croûte de se développer autant qu’elle le devrait. Malgré tout, on retrouve un agréable parfum de froment et la mie est assez alvéolée, agréable à la dégustation.
Accueil ? Souriant, chaleureux et efficace. La clientèle a même parfois le plaisir d’être servi par M. Romp lui-même. Sa femme est également de la partie et contribue à l’effort, car il est important : les passants sont nombreux à l’heure des repas, et il faut parvenir à les servir rapidement. Ce qui est le cas ici.
Le reste ? Les sandwiches sont variés et frais, on y trouve des saveurs originales, c’est une des postes les plus sollicités de la boulangerie. Les produits sont frais et proposés à des prix tout à fait abordables, ce qui explique leur succès. A côté, les viennoiseries ne présentent pas d’intérêt, et les pâtisseries seraient plus intéressantes si leur finition était plus aboutie, car les saveurs proposées sont originales. On notera toutefois la présence de quelques pâtisseries boulangères plutôt alléchantes (far breton, …).
Faut-il y aller ? On sent que la maison est pleine de bonne volonté, qu’elle cherche à proposer des saveurs innovantes à sa clientèle, mais la qualité de réalisation du pain est assez rédhibitoire à mon sens. Il est dommage que M. Romp ne parvienne pas à proposer une baguette aussi exceptionnelle que celle présentée au concours au quotidien. Pour autant, cette boulangerie constitue un arrêt intéressant si l’on cherche de quoi déjeuner rapidement dans le quartier de l’Opéra. Le pain n’est malheureusement pas aussi présent qu’il devrait l’être dans une boulangerie, mais c’est un travers assez commun sur Paris, où les activités les plus rentables prennent progressivement le pas sur le reste.
Il faudra bien qu’un jour la profession « revisite » (le verbe est très à la mode) les concours qu’elle organise afin de promouvoir « l’excellence » de certains.
Les règlements stipulent souvent que le produits présentés doivent être équivalent à ceux présentés à la clientèle. C’est très, très loin d’être le cas. Il ne faut donc pas s’étonner des « distorsions » existantes entre la réalité et la fiction des concours.