Il y a des souvenirs qui vous marquent plus que d’autres, des lieux auxquels vous rattachez des émotions particulières. Je ne peux pas dire que j’en possède beaucoup rattachés à la gourmandise, mais c’est pourtant le cas vis à vis de quelques boutiques, sans que je puisse toujours bien les localiser.

Je me souvenais de cette boulangerie perchée dans les hauteurs de Montmartre – un vrai décor de carte postale -, où j’avais pu acheter avec ma mère et ma soeur quelques gourmandises étant enfant. Avec la délicieuse saveur des années et des souvenirs d’enfants, elles étaient forcément parfaites, d’autant que mes goûts de jeunesse n’étaient pas forcément aussi pointus que ceux que je peux exprimer aujourd’hui. J’avais noté l’adresse de la boulangerie de M. Risser, « Le Fournil du Village », 5è au Grand Prix de la Meilleure Baguette de la Ville de Paris cette année, sans savoir que c’était ce fameux endroit.
En montant les marches j’ai reconnu ces rues, un peu comme si je remontais le temps, même si ce n’était pas le cas alors que j’aurais bien voulu retrouver cette époque heureuse. Peut-être que les produits étaient de meilleure qualité, en ce temps là, d’ailleurs. Aujourd’hui, le cadre est toujours là, les touristes également mais malgré ce classement « prestigieux », la demoiselle de tradition n’est pas au rendez-vous.

Insipide, absente en bouche, déjà molle à l’achat, mes souvenirs n’ont pu qu’être déçus. Pourtant, au vu de la très courte gamme de pains développée par cet artisan, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle soit soignée : en effet, la baguette est à peu près le seul produit issu d’un processus de panification que vous pourrez trouver ici. Certes, les cuissons sont bien abouties, et l’apparence est, de fait, séduisante. Apparence, ce serait presque le nom de ce village – purement fictif aujourd’hui – dans lequel cet artisan s’est installé. Détail amusant, l’écrin dans lequel la baguette nous est remise : il met en avant les vertus de la « Festive », la baguette de tradition développée par le groupement Festival des Pains. La fête semble s’arrêter avant la dégustation, malheureusement.
Dans cette charmante boutique, il y a en définitive peu de produits : quelques sandwiches assez quelconques, des viennoiseries juste correctes, ainsi que des pâtisseries traditionnelles à la réalisation moyenne. Bien sûr, mis en lumière par le cadre et le quartier, cela ne manque pas d’un certain charme rustique, qui parviendrait presque à nous convaincre d’être indulgent et de se laisser tenter par le plaisir de s’asseoir autour de l’une des tables disposées dans la boulangerie. Rien ne nous l’interdit, mais il est impossible de ne pas trouver tout cela dommage : il serait tellement plus agréable de proposer à tous ces passants des produits de qualité, à la hauteur de la réputation de notre gastronomie.

Une fois encore, cela m’amène à remettre très sérieusement en question la pertinence des concours organisés par la ville de Paris avec le concours du Syndicat de la Boulangerie-Pâtisserie. Le fossé que l’on constate entre la réalité quotidienne et les classements est telle que cela porte atteinte au crédit accordé à ces institutions. Il est nécessaire de revoir en profondeur le mode de fonctionnement de ces événements.

Revenons-en à notre fameux fournil. Malgré la médiocrité des produits, l’accueil n’en est pas moins agréable et authentique, ce qui parvient à rendre l’endroit sympathique. Au final, on passerait presque sur le reste, pris par cette douceur montmartroise…

Infos pratiques

Angle 9 rue Norvins-12 place Jean-Baptiste Clément – 75018 Paris (métro Lamarck-Caulaincourt, ligne 12) / tél : 01 46 06 90 51
ouvert du mardi au dimanche de 8h à 19h30.

Avis résumé

Pain ? La gamme est plus que courte, et si l’on cherche du pain ici, il faudra bien souvent se contenter d’une baguette de tradition, malheureusement pas toujours fraîche. A moitié molle dès l’achat, cela nous offre une triste preuve de sa conservation plutôt moyenne. La déception se poursuit à la dégustation, du fait d’un caractère insipide et d’une quasi absence en bouche, l’ensemble laissant l’impression de ne manger que… de l’air. Difficile de croire qu’un tel produit ait pu être primé, et pourtant ! A mon sens, la farine utilisée – fournie par le groupement Festival des Pains – n’est pas étrangère à cette médiocrité.
Accueil ? Agréable et souriant, rien à redire de ce point de vue. Au sein de cette boutique perchée dans les hauteurs de la capitale, on se sent juste bien et on arrêterait presque le temps pour s’installer autour de l’une des tables disposées ici, uniquement pour profiter du calme et de l’ambiance.
Le reste ? A l’image du pain, rien de bien exceptionnel. Les sandwiches sont tout juste moyens, les viennoiseries également, et les pâtisseries – très traditionnelles (charlottes, millefeuilles, éclairs…) – ne brillent pas non plus. En définitive, rien n’attire plus l’oeil que le décor.

Faut-il y aller ? Pourquoi pas, après tout ? Simplement pour profiter du lieu, s’arrêter un peu et souffler. Qu’importe si les produits ne sont pas exceptionnels, ce n’est pas ce que l’on recherche ici. L’ambiance et le décor parviennent à compenser beaucoup de choses, à nous faire détourner le regard et à réduire nos exigences culinaires. Bien entendu, si l’on s’intéresse au pain et que l’on veut déguster une bonne baguette, ce n’est certainement pas la meilleure adresse – et c’est tellement dommage.

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