Chaque jour, le pain est sur nos tables, comme si tout cela était naturel, comme si cela avait toujours été ainsi et comme si cela allait toujours être le cas. Ce que l’on regarde moins, c’est tout ce qu’il y a avant, tout ce qui est fait en amont, et notamment les ingrédients mis en oeuvre pour la production de ce fameux pain.

Parmi eux, la farine est prédominante, et c’est un élément auquel les boulangers doivent prêter une attention toute particulière. Lorsque l’on se rend dans une boulangerie, différents pains nous sont proposés : des baguettes de tradition, des pains de campagne, du pain complet… qui impliquent autant de farines différentes. Au delà du type – défini par le taux de cendre contenu dans la farine – on peut aussi faire varier les espèces de blés : épeautre, kamut, froment… Les saveurs sont différentes, plus ou moins marquées et anciennes (le kamut était utilisé du temps des égyptiens, c’est dire si cette variété a traversé les siècles !).

Pendant une sombre période, c’est le pain blanc qui est devenu commun et demandé par les consommateurs. En effet, après la seconde guerre mondiale et son pain gris – réalisé à partir un mélange de farine complète, de blé et de farines de fèves, maïs, orge, pommes de terre, riz… -, la population gardait un mauvais souvenir des pains à la mie « sombre » et voulait ainsi se rapprocher de quelque chose de plus clair… mais aussi de bien plus insipide. Cette absence de goût a fini par lasser et la consommation de pain a chuté au fil du temps. Heureusement, ces dernières années ont marqué un retour vers un pain de meilleure qualité, et cela est notamment passé par l’action des pouvoirs publics, qui ont mis en place l’appellation de Pain de Tradition Française, qui ne doit inclure aucun additif, ne doit pas être surgelé et doit être réalisé simplement à partir de farine, d’eau, de sel et de levure ou de levain. C’est cependant loin de suffire : on néglige encore bien souvent la qualité de la farine.

La farine, c’est un vrai business. A la tête de celui-ci, des entreprises puissantes, telles que Nutrixo (Ronde des Pains, Copaline, Francine, Délifrance…) ou Soufflet (Baguépi). Bien sûr, quelques meuniers indépendants continuent à exister, mais leur force est bien plus limitée. Ces groupes ont développé des farines moulues industriellement, fabriquées à partir de blés cultivés intensivement. Au final, on obtient un produit de qualité très médiocre, aux qualités de panification plus que discutables. D’où l’utilisation d’additifs, pour compenser ce « manque » et parvenir à faire lever le pain. L’enjeu aujourd’hui, c’est de revenir à une agriculture plus raisonnée et respectueuse des cycles naturels. C’est ce que cherchent à faire des démarches telles que le label CRC (Cultures et Ressources Contrôlées) et Label Rouge. Au programme, une culture moins intensive (limitation de la quantité de blé cultivée sur les parcelles, notamment) et absence d’additifs pour le stockage. Bien sûr, l’agriculture biologique va dans le même sens.
Certains meuniers se sont bien impliqués dans cette démarche, comme le Moulin des Gaults, qui livre beaucoup de bons boulangers de la capitale. Ils se sont d’ailleurs regroupés sous la marque « Bagatelle », qui promeut l’utilisation d’une farine de qualité supérieure pour la réalisation de la baguette de tradition française et la viennoiserie (plus d’informations sur http://www.club-le-boulanger.com/).

Quelques boulangers, en province, vont même plus loin et réalisent leur propre farine, à partir de variétés de blés anciennes. C’est notamment le cas de Roland Feuillas, installé à Cucugnan. Au sein de sa boulangerie nommée « Les Maitres de Mon Moulin », il propose du pain réalisé à partir de ses farines, préparées dans un moulin que cet artisan – ancien informaticien – a remis en fonctionnement. Une belle histoire, et surtout un engagement remarquable.

Maintenant, il faudrait que l’ensemble de la filière s’engage dans le sens d’un meilleur respect de l’environnement et des cultures, ce qui aboutirait certainement à produire des pains plus savoureux. Les cours du blé n’ont cessé de grimper ces derniers mois, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut chercher à rogner sur les coûts en utilisant de la farine de qualité médiocre. Il y a énormément de chemin à parcourir, notamment quand on voit l’implantation marquée de « réseaux » tels que la Ronde des Pains, Banette, Baguépi ou encore Festival des Pains. Une belle avancée serait d’avoir des artisans passionnés par leur métier, qui l’ont réellement choisi. Ce type de vocation nous manque, et on peut le constater tous les jours en passant devant ces boulangeries médiocres qui remplissent nos rues. Rêvons un peu…

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