Parfois on pourrait comparer la banlieue à une sorte de « nuit boulangère », où tout est sombre, rien ne brille et ne se distingue vraiment. Difficile de se repérer dans cette obscurité, les risques d’acheter du mauvais pain étant nombreux. Plus encore qu’à Paris, le parcours vers du pain savoureux est semé d’embuches et j’avoue avoir été parfois découragé lors de mes recherches…

Dans la nuit, il y a aussi des étoiles. L’Etoile du Berger, notamment. C’est le nom des boulangeries de Franck Debieu, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles portent bien leur nom. Certes, l’origine de cette marque est plus liée à l’emplacement de la boutique historique (située rue du Docteur Berger à Sceaux) qu’à mon rapprochement un peu tiré par les cheveux, mais tout cela est assez cohérent, au final.
La boulangerie, c’est un peu l’histoire d’une vie pour Franck Debieu. Ayant commencé son apprentissage à 15 ans, il rejoint les Compagnons du Tour de France deux ans plus tard, pour y rester 7 années et participer à la formation des apprentis pendant une période. Par la suite, il a beaucoup travaillé sur les techniques de panification, et notamment sur le travail du levain liquide, caractéristique de ses pains (chose qu’il partage d’ailleurs avec la maison Kayser).
Au delà de la qualité des produits, il porte des valeurs fortes telles que la transmission des savoirs, l’accompagnement et l’épanouissement des jeunes au travers de leur métier au sein de la boulangerie. Bien entendu, cela pourrait demeurer très abstrait, mais c’est plutôt l’inverse que l’on peut constater en tant que client : l’ambiance au sein des boutiques est chaleureuse, le personnel bien formé et très professionnel. Point à signaler – et qui devrait être reproduit plus régulièrement – les boulangers oeuvrant au fournil sont formés à la vente et sont présents en boutique de temps à autre, ce qui leur permet d’être toujours « en phase » avec les attentes de la clientèle. La maison ne manque décidément pas d’idées pour se différencier.

Cette fameuse différence, elle s’exprime tout d’abord par la qualité des produits. Lorsque l’on regarde l’offre proposée dans les autres boulangeries à Sceaux, il y a de quoi se dire que l’Etoile du Berger n’a pas vraiment de soucis à se faire.
Dès que l’on pénètre dans la boutique, l’oeil est attiré par ces pains aux belles cuissons, au grignage quasi-artistique et au façonnage soigné. Ce qui frappe également, c’est l’étendue de la gamme. Pains biologiques (Epeautre, Kamut, Seigle, …), de tradition (baguette, Pavé du Berger, …) ou bien divers pains spéciaux, des plus classiques (céréales, fruits secs…) aux plus originaux, comme le « Bolivien » – associant graines de courges et de quinoa.
Tout fait envie, et la dégustation ne déçoit pas : les croûtes sont bien marquées et craquantes, les saveurs présentes. Le Pavé de Sceaux, réalisé avec une farine de sarrasin, est une belle réussite. On y retrouve un certain caractère rustique et sauvage, une mie bien alvéolée et une croûte présente. Le levain liquide utilisé pour sa fabrication n’y est pas étranger, il procure au pain une saveur assez douce, à l’inverse du levain sec, qui est facteur d’acidité. Cela n’est pas sans rappeler le process de fabrication employé au sein des boulangeries Kayser, pour un résultat relativement similaire lorsque le travail est bien réalisé (notamment rue Monge).
Les tarifs demeurent assez élevés, en particulier pour une boulangerie « de banlieue », mais cela se trouve justifié par l’emploi de matières premières de qualité (farines CRC ou Label Rouge, fournies par le moulin des Gault) et l’innovation technologique développée par Franck Debieu, en partenariat avec son meunier. La technique « PanovA » (« pain nouveau ») met en place une production en « flux tendu » au sein de la boulangerie et rompt avec les méthodes traditionnelles. Cela assure notamment un pain toujours frais, car réalisé en fonction de la demande exprimée par la clientèle (on retrouve là un des principes du kanban japonais, « juste à temps » si on devrait l’exprimer en termes locaux).

 

Cette qualité et cette exigence se retrouve pour le reste des produits : les pâtisseries ne sont pas excessivement recherchées (même si une nouvelle gamme « Haute Couture » sera proposée à partir du 4 novembre), mais elles sont réalisées avec soin, de même que les viennoiseries, qui sont par ailleurs réalisées sur levain liquide, à l’image du pain. Les gourmandises – kouglofs, brioches ou cakes – ne sont pas dénuées d’intérêt et promettent des petits déjeuners ou goûters tout en douceur. Même constat du côté de la partie traiteur, les sandwiches sont frais et variés, de même que les diverses salades et quiches. Des formules sont proposées, avec des ristournes pour les étudiants.

Les fameuses ficelles aromatiques... Ce n'était pas vraiment une réussite.

Diverses créations (en pain, viennoiseries ou gourmandises) sont proposées au fil des mois et des saisons. La boulangerie s’associe également à des événements tels que la semaine du Goût. Ainsi, des ficelles aromatisées étaient proposées ces deux derniers week-ends. Je vous avoue que je n’ai pas été convaincu par celles-ci, notamment en ce qui concerne la ficelle framboise-citronnelle, qui avait été enrobée de sucre. L’ensemble n’était pas de très bon goût.

Il est possible de déguster les produits sur place, à l’intérieur ou en terrasse, moyennant un petit supplément. Cela permet de créer un peu plus de vie dans la boulangerie, c’est appréciable et beaucoup plus convivial. En s’asseyant, on profite du « spectacle » que nous offre cette file d’attente perpétuelle, signe du succès de l’endroit.

Ce succès est notamment rendu possible par l’implication du personnel de vente, particulièrement efficace tout en étant disponible et à l’écoute des clients. Le conseil n’est pas mis de côté, grâce à une bonne formation au sujet des différents produits. Malgré l’affluence, l’attente est de courte durée et on a le sentiment que tout est mis en oeuvre pour la satisfaction de la clientèle.

Infos pratiques

Deux boutiques (je ne trouve plus de trace de celle qui se situait à Fontenay-aux-Roses, peut-être a-t-elle fermé ?) :
6, rue du Docteur Berger – 92330 Sceaux (RER B Sceaux) / tél : 01 46 60 57 56
ouvert tous les jours sauf jeudi de 7h à 20h.

21, rue Marcel Allégot – 92190 Meudon Bellevue (RER B Meudon) / tél : 01 46 26 80 36
ouvert tous les jours sauf mardi de 7h à 20h

Avis résumé

Pain ? La gamme est très variée et elle est réalisée avec beaucoup de sérieux et de réussite. Les pains sont bien cuits, façonnés avec élégance, les grignes sont bien marquées et ils se conservent bien. Le Pavé de Sceaux, « spécialité » de la maison, réalisé à partir de farine de sarrasin, est très agréable, avec une mie bien alvéolée, un caractère assez brut et une croûte bien présente à la dégustation. Le travail sur levain liquide – signature de l’Etoile du Berger – procure au pain une bonne conservation tout en lui laissant de la douceur. A noter la belle gamme de pains bio (le Kamut est vraiment très savoureux, c’est une farine assez exceptionnelle) et de pains spéciaux.
Accueil ? Dynamique, efficace, de bon conseil, on sent que la clientèle est bien considérée et que tout est fait pour la mettre à l’aise. Malgré l’affluence, les clients sont servis rapidement.
Le reste ? Les pâtisseries sont simples mais soignées, même si cela va bientôt changer car une gamme de « haute pâtisserie » a été développée et sera proposée en boutique à partir du 4 novembre. Les viennoiseries et autres gourmandises sont dans la même veine, tout comme la partie traiteur. Ici, tout est d’une très grande fraîcheur, ce qui est permis d’une part par la chalandise, et par l’organisation ‘en flux tendu’ développée par Franck Debieu. Au final, l’ensemble fait preuve d’une belle cohérence.

Faut-il y aller ? C’est une belle occasion de sortir de Paris et de découvrir la charmante ville de Sceaux, ainsi que son fameux parc.  Le concept développé par Franck Debieu est assez remarquable en terme d’innovation et de qualité, ce qui rend la visite intéressante, malgré le relatif éloignement de cette boulangerie de notre chère capitale. Bien sûr, c’est avant tout un plaisir pour les scéens, qui peuvent s’approvisionner en pain de qualité sans avoir à trop chercher. Sceaux est décidément une ville très gourmande, puisque c’est ici qu’a élu domicile le fameux chocolatier Patrick Roger.

7 réflexions au sujet de « Détours en banlieue : L’Etoile du Berger, Sceaux, une boulangerie vraiment pas sotte »

  1. Belle gamme de pains. Des arômes intéressants.

    Par contre, je déteste le système Panova (ou équivalent chez d’autres constructeurs). Ça donne des pains tous carrés et souvent plats. On dirait des pains industriels de supermarché.

    A comparer à la beauté toute en courbes et rondeurs que l’on trouve dans des boulangeries où l’on façonne à la main. Je suis allé ce week-end chez F. Lalos, quelle spectacle!

    • Il est vrai que les pains n’ont pas des formes très élaborées, c’est assez uniforme, mais quand on voit les horreurs de façonnage que sont capables de produire certains artisans, on se dit que c’est peut-être mieux comme ça…
      Concernant Lalos, il y a d’autres choses à redire mais j’y reviendrai plus tard.

  2. Bonjour remi,
    Je constate non sans un certain sourire, que vous positionnez la Province à un niveau éloigné (d’un point de vue géographique mais aussi compétence boulangère). Pour avoir la chance d’être souvent en déplacement dans toute la France, je peux vous assurer que les artisans provinciaux n’ont rien à envier à Paris. Certains grands noms de la Boulangerie sont à Paris (tels que Saibron, Kayser, Lalos etc…), mais en venant à Paris, la plupart du temps je ne vois que concept et autre travail approximatif. Beaucoup de boulangers provinciaux, fréquemment sans nom, développent un travail formidable en Province. Etant plus au fait de la réalité économique, ils proposent une gamme, qui d’un point de vue qualitatif est souvent très au dessus de la moyenne parisenne, et qui d’un point tarif, sans commune mesure. Des gens passionnés, mais aussi entrepreneurs ont su créer des lieux qui à mon sens, sont le devenir de la boulangerie. On peut citer la plus belle réussite : La boulangerie de Marie (chaîne boulangère où tous les produits vendus sur place sont fabriqués aussi), mais aussi le comptoir Loranger à Aix en Provence ou dans cette même ville Le Farinoman fou. Ces artisans mettent un point d’honneur à faire une production in situ complète. Ainsi même derrière le comptoir d’un grand nom aucun risque de retrouver un croissant fabriqué dans une usine en Province :-).

    Amicalement

    • Bonjour Mickael,
      Vous vous méprenez 😉 c’est le travail réalisé dans une bonne partie de la banlieue parisienne que je mésestime, pas celui que l’on retrouve en Province. C’est justement dans des zones moins denses et plus authentiques que des artisans peuvent laisser libre cours à leur créativité et à leur savoir-faire, en dehors des fortes contraintes économiques imposées par la capitale (nécessité de proposer des produits pas forcément maitrisés, comme les sandwiches, salades ou patisseries, notamment…).
      Effectivement, le travail réalisé par Benoit Fradette est exceptionnel, tout comme celui d’autres artisans dans diverses régions. Ne soyons pas centrés sur Paris… C’est pourquoi je pense tenter de m’organiser un ‘tour’ dans les boulangeries provinciales.

      Belle journée et à bientot,

      Rémi

  3. Pas encore boulanger, et de passage à Paris, je suis passé chez Franck il y a à peu près 3 ans pour tester son pain. J’ai été tellement emballé par la qualité de ses tourtes que j’ai décidé sur le moment de faire comme Debieux, à savoir un tour d’Europe du pain et de créer ma boulangerie. Ce que j’ai accompli! Je suis installé à Bruxelles et connais un succès grandissant! Un de mes rêves serait de rencontrer Franck pour qu’il me révèle ses secrets quant à la tourte de seigle. Mon site perso est trouvable dans google, tapez « c’est si bon – bruxelles », page en format facebook.

  4. Ca fait de nombreuses annees que je suis client de l’Etoile du Berger, j’en ai probablement fait l’ouverture.
    Depuis plusieurs annees, j’ai note que la qualite du service a baisse, c’est un peu devenu l’usine.

    Aujourd’hui j’ai achete une buche de Noel a 60 euros, on me l’a servie sans sac, ce n’etait pas prevu.

    Il y a a d’autres tres bonnes boulangeries a Sceaux et dans les environs … je ne retournerai pas a l’Etoile du Berger.

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