Les anglicismes ont une fâcheuse tendance à s’inviter partout, et ce y compris à des endroits où ils n’auraient vraiment rien à faire. Je ne suis sans doute pas le dernier à en utiliser, surtout quand je considère que cela rend l’expression moins lourde et plus claire, mais il ne faudrait pas pour autant oublier de défendre notre chère langue française… surtout que nous parlons ici de pain, d’artisanat, de tout ce qui fait notre richesse culturelle !

Sur la rue Saint-Honoré, Yannick Martin est loin d’être un nouvel arrivant. Cela fait en effet plus de 13 ans qu’il oeuvre ici, dans cette petite boutique entourée d’échoppes de mode, hôtels et autres endroits huppés. Son commerce trouve toutefois naturellement sa place dans cet environnement, car il y aura toujours des employés à nourrir, et malgré le caractère plutôt luxueux de leurs employeurs, on ne peut pas dire que leurs salaires le soient tout autant… On pourrait même regretter le fait que si peu de boulangers soient installés dans la rue portant le nom de leur saint patron, mais ne nous arrêtons pas à des considérations spirituelles.

Si j’ai commencé par parler d’anglicismes, c’est parce que l’artisan a choisi d’en ajouter un pour seconder son patronyme. En effet, depuis cet été et des travaux de rénovation, la devanture affiche fièrement « Yannick Martin, gustative corner ». Est-ce une démarche visant à attirer les nombreux touristes en vadrouille dans le secteur, ou à mettre en avant les quelques chocolats que l’on retrouve en entrant ? La question reste entière, mais ce qui demeure le plus intéressant dans ce changement de décor, au delà du caractère plus moderne et élégant qu’offre à présent l’endroit, est sans doute la petite enseigne « boulanger Bio, farines de Verdelot ».

Peu de boulangers ont déjà adopté cette signalétique, développée récemment par les moulins Bourgeois. Elle met en avant le savoir-faire – autant meunier que boulanger – développé autour de cette filière biologique, visant à aboutir à un produit plus « naturel ». L’effort est ici d’autant plus appréciable que la restauration rapide représente sans aucun doute une grande part de l’activité de l’entreprise, au vu de sa localisation.
J’ai souvent eu l’occasion de le dire, et même de le constater (notamment lors du concours du pain Bio organisé récemment), Biologique ne signifie pas forcément meilleur pour autant. Cependant, chez Yannick Martin, le pain est de très bonne facture. A commencer par la baguette de Tradition, avec son façonnage soigné – où la mie joue en majeur – et ses extrémités pointues, sa mie fraiche et bien alvéolée ainsi qu’une croûte fine et craquante. Attention toutefois, des notes de levain plutôt persistantes s’y développent, et même si l’acidité sait rester contenue, cela pourra dérouter les amateurs de pains plus « lactiques ».
On retrouve les mêmes qualités du côté du Pavé Saint-Honoré, vendu au poids (7,5€ le kilogramme), ou encore des « Cordes ».

Bien sûr, on ne saurait rater la large gamme de sandwiches et en-cas proposés ici. Du jambon-beurre – proposé à 3€ – au dinde-curry (4,3€), en passant par les quiches variées, baguettes garnies à réchauffer, salades… l’ensemble est de bonne facture, pour des tarifs très acceptables. La qualité du pain sert d’ailleurs cette gamme traiteur.
Les plus gourmands ne manqueront pas d’accompagner leur repas d’une douceur, avec des pâtisseries traditionnelles (tartes, pâtes à choux, entremets chocolatés) et plutôt soignées, dans la moyenne. Petit bémol sur les tartes aux fraises vendues hors-saison, et du côté des viennoiseries, juste passables.

Tout cela ne serait rien sans l’humain, et en la matière, le personnel de vente sait y faire : les vendeuses et leur habit de travail reprenant fièrement la dimension de « gustative corner » développée par les lieux nous offrent un service efficace et chaleureux. Un point particulièrement appréciable dans un quartier où les files d’attente ont tendance à s’allonger au déjeuner, et qui explique sans difficulté le succès rencontré par l’affaire de M. Martin.

Infos pratiques

300 rue Saint-Honoré – 75001 Paris (métro Tuileries, ligne 1 ou Pyramides, lignes 7 et 14) / tél : 01.42.60.58.61
ouvert du lundi au vendredi de 7h à 20h.

Avis résumé

Pain ? La gamme développée par Yannick Martin autour des farines Biologiques des Moulins Bourgeois ne manque pas de qualités. Cet effort autour de la certification, mis en avant depuis ses travaux de rénovation estivaux, se retrouve dans des pains aux notes acidulées, aux mies fraîches et aux croûtes craquantes. Certes, on pourra regretter le tarif relativement élevé de sa baguette de Tradition (1,30€ les 250g), cependant sa bonne conservation, ses cuissons généralement bien menées et ses arômes en font une valeur sûre dans un secteur plutôt sinistré en terme de bon pain. On notera également la présence d’un pain proposé à la coupe, le Pavé Saint-Honoré (7,5€ le kilogramme) ainsi que de quelques créations gourmandes, comme un petit pain au cacao ou d’une ficelle noix-fromage, en plus des pains complets ou de campagne traditionnels.
Accueil ? Efficace, et il le faut, tout en sachant rester sympathique et avenant. L’organisation déployée au sein de la boutique permet de gérer l’affluence sans trop de difficultés au déjeuner, et c’est bien appréciable dans un quartier où le temps est souvent compté au déjeuner.
Le reste ? Les sandwiches, quiches, salades et autres produits traiteur sont proposés à des tarifs tout à fait abordables, en plus d’offrir une qualité de réalisation tout à fait honorable. Pour les becs sucrés, les pâtisseries sont classiques et dans la moyenne, elles complètent un repas pris sur le pouce, il ne faut pas en demander plus. On passera par contre sur les viennoiseries, plutôt passables.

Faut-il y aller ? Rares sont les boulangeries de qualité dans ce secteur, et Yannick Martin parvient à faire honneur à son titre d’artisan boulanger en proposant des produits de bonne facture, en plus d’être certifiés biologique. On prend ainsi plaisir à venir y chercher son pain, et pas uniquement un casse-croûte. Un endroit où, malgré un bien curieux anglicisme, le goût n’a pas filé à l’anglaise.

5 réflexions au sujet de « Yannick Martin, Paris 1er, un « gustative corner » où le pain ne file pas à l’anglaise »

  1. bonjour,
    utiliser les anglicismes avec parcimonie est oh combien louable et malheureusement de plus en plus rare ,félicitation.Une suggestion:quels sont les mots du boulanger pour décrire son travail ,farine et autre?une petite chronique lexique?

  2. Pour le pain cette boulangerie est très acceptable, comme vous le dites, farines des Moulins Bourgeois. Et il faut aller jusque Place des Petits Pères pour trouver une autre bonne boulangerie dans la quartier.
    Je n’en dirait pas tant des pâtisseries, très, très moyennes, voire insipides. Je ne recommande pas non plus les chocolats (entre la couverture, sèche, et la ganache -très quelconque- 1 bon mm de vide).
    Mais manifestement cet artisan veut tout faire. Sandwiches, soupes, salades, pains, pâtisserie, chocolats, pâtes de fruits, pâte cacao-praliné-huile de noisette (genre Nutella maison, à 9 € le petit pot), etc. Vu l’étroitesse de la boutique je me demande comment sont les cuisines, avec combien de personnel pour faire autant de produits.

  3. Il est important de vérifier -et de sélectionner- ce qu’on achète dans cette boulangerie avant de sortir.
    Coursier à vélo, j’apprécie entre deux courses de recharger mes batteries avec un pain au raisin.
    Ceux présentés dans la vitrine sont plus garnis en raisins que dans les autres boulangeries.
    Ce n’est pas le cas de celui qu’on vous fournira spontanément.
    J’ai été surpris la première fois, ai demandé à en avoir un autre plus fourni qu’on m’a donné avec une petite moue gênée -il était délicieux-.
    J’y suis retourné deux fois après pour vérifier si cette différence était systématique.
    OUI, ELLE L’EST.

  4. J’ai l’habitude d’acheter mes viennoiseries et sandwichs (depuis maintenant 3 ans) dans cette boulangerie où l’équipe est très accueillante et leurs produits très bons
    Le seul hic et qui n’est pas des moindres, c’est un cheveu blanc retrouvé dans le chausson aux pommes acheté un matin.
    J’ai appelé tout de suite pour le signaler.
    A ma question …  » Le personnel ne met pas de bonnet d’hygiène ?  » … La réponse à été lapidaire :  » Je ne sais pas … « .
    De toute évidence, s’il y avait des bonnets d’hygiène, cet incident ne serait pas arrivé…
    Je reconnais que la vendeuse a voulu faire un geste en me proposant un autre chausson aux pommes, mais j’avoue que ça m’avait coupé l’appétit.

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