C’est la crise ma petite dame. Certes, ce n’est pas faux, mais il ne faudrait pas non plus tirer un bilan catastrophique de la situation. Les cours des matières premières subissent des variations importantes ces derniers mois, mais le fait n’est plus vraiment nouveau : nos artisans ont fini par être habitués à ces augmentations qui touchent aussi bien la farine, le lait, le beurre, les oeufs… tout ce qui est mis en oeuvre dans leurs produits, en bref.

Toutefois, je pense qu’il ne faut pas céder à la « panique » et garder la tête froide. En effet, il convient de prendre le problème avec sérieux et recul, car celui-ci comporte plusieurs aspects.

A commencer par considérer la part que représentent les matières premières dans le prix des produits finis. Pour une baguette de pain, nous étions à près de 20% l’an passé, la main d’oeuvre, les charges salariales… tout ce qui est humain, en bref, restant l’un des postes les plus coûteux – près de la moitié de l’addition. En définitive, la part dévolue à la matière première augmente, certainement plus rapidement que ne le font les salaires. Cela pose donc la question de l’augmentation des prix : qu’ils soient salariés de la filière ou d’une autre, les consommateurs peuvent-ils, ou veulent-ils, encaisser ces fluctuations ? Rien de moins sûr.

Il faut dire que le climat pousse beaucoup d’entre nous à avoir les yeux rivés sur les dépenses quotidiennes, et nous avons souvent tendance à nous serrer la ceinture sur les produits de première nécessité, moins sur les loisirs et ce qui est considéré comme des achats de « plaisir » (même si à mon sens, le pain demeure l’un des plaisirs les plus quotidiens et accessibles !).
La logique agit donc de cette façon :
– Les matières premières augmentent, les artisans boulangers répercutent le phénomène sur les clients ;
– Ces derniers ressentent immédiatement la hausse et vont privilégier des modes d’approvisionnement moins onéreux et souvent plus pratiques (grande distribution, (semi)-industriels…) ;
– La boulangerie artisanale perd donc de la clientèle et ne parvient pas à assumer son équation économique autrement que par les prix…

Le phénomène est donc dangereux à long terme, mais il ne se réalise que si nos artisans ne font pas preuve de clairvoyance et adoptent un autre raisonnement.
En effet, il est aussi possible de choisir d' »encaisser » les variations, pour maintenir un produit de qualité accessible, tout en développant une gamme « plaisir » simple et à la portée du quotidien (sur ces produits, les marges sont bien souvent plus élevés, même si l’on conserve des prix bas !). A mon sens, c’est de cette façon que les boulangeries peuvent se démarquer nettement de leurs concurrents : difficile de trouver des viennoiseries, tartes ou même sandwiches et quiches de qualité en industrie…

Les exemples ne manquent pas, et devraient en inspirer certains : on peut notamment citer la maison Pichard et sa fameuse baguette, toujours maintenue à 1 euro, proposée conjointement à un large assortiment de gourmandises de qualité, tout aussi accessibles. Inutile de chercher d’autres preuves du bien fondé de la démarche que la longue queue qui se déroule devant les lieux chaque week-end. Même idée chez les Rouget à Beaumont-sur-Oise, chez Dominique Saibron dans le 14è arrondissement, … dans tous les cas, on retrouve des artisans passionnés, qui savent sortir de leur fournil pour comprendre leurs clients et s’adapter à leurs attentes. La profession ne doit pas adopter une position de victime, mais bien être force de proposition pour continuer à avancer.

14 réflexions au sujet de « Tension sur le prix des matières premières : l’augmentation du prix du pain est-elle une fatalité ? »

  1. Pour le prix des baguettes dont tu parle en prenant pour modèle ces artisans , je te dirait simplement qu’il n’ont pas les mêmes contraintes de tarifs , ainsi la maison Pichard qui achète 120 QTX de farine au mois et l’artisan du coin avec ces 30 QTX n’auras pas le même prix et aura moins de facilité à tenir ces prix. A celà ajouter les augmentations de l’électricité quand tu connais la consommation des machines et leur nombre sans compté les artisan qui ont encore des fours au fioul ou à gaz il faut se mettre à leur place et la liste est longue Rémi , assurance et la pénurie de main d’oeuvre qualifier font monter les prix des salaires des Artisans . Aujourd’hui si tu ne donne pas au minimum 2000€ net à un pâtissier il ne reste pas et les bon sa monte entre 2500 et 4000€ , un boulanger un bon il faut mettre 2000 à 2500 € voir plus .
    Donc tu voit les préoccupations sont nombreuse et je trouve que les prix sont justifier voir bas .

    • Je comprends bien les problématiques face auxquelles les artisans doivent faire face Jacky, mais malheureusement les consommateurs sont eux aussi touchés par ces changements et il n’est pas possible de leur faire assumer l’ensemble des variations de façon directe, du moins pas en touchant aux prix des produits de première nécessité. Le principal risque pour la boulangerie artisanale est d’assister à une fuite de la clientèle, qui risquerait bien d’être irréversible. Il faut trouver des moyens d’assurer l’équation tout en faisant en sorte que les hausses de prix soient acceptables pour tous.

      • je ne pense pas que tu réalise les montants qui tombe sur la tronche des artisans …. c’est pas du 10 même du 100€ d’augmentation c’est en millier d’euros que l’on parle …

  2. Bien entendu je reste un peu sur ma faim avec tes explications. Il faut aller plus loin et se rendre compte que la demande mondiale en blé aujourd’hui est squattée par les Chinois. Leur régime alimentaire de base change. Quand tu sais qu’aujourd’hui 1 chinois sur 3 consomme de la viennoiserie au pdj….je te laisse imaginer la demande.
    En europe, comme les OGM sont interdits, les prix du conventionnel explosent….et le OGM reste hyper – cher.
    Bien entendu, je suis contre les OGM :p

    @+ Ton blog est super interessant. bravo

    • L’idée n’était pas de parler des causes mais de l’attitude à adopter face au problème, même si j’admets volontiers que j’aurais du être un peu moins léger sur ce plan. Effectivement, la demande chinoise et ses évolutions rapides ne sont pas étrangères à la tension ressentie sur les céréales.

  3. Ajoute à cela les sécheresses aux états unis … Bref l’important c’est que chacun fasse un effort . Je dirait que quand je vois un artisan vendre sa trad 1€ 30 là oui je pète un câble c’est scandaleux …. Mais je n’oublie pas aussi que le petit artisan qui à cause des prix doit la mettre à 1€ 10 ou 1€15 bon je comprend .

  4. Il faut savoir que la boulangerie industrielle fait venir des pays de l’est, Pologne, Tchéquie des produits congelés comme la baguette qui se retrouve dans notre pays dans les Lidl, Casino, Cafétéria, forcément là au niveau prix le commerçant ne peux s’aligner, mais si l’artisan faisait un vrai travaille d’artisanat de qualité les prix serait justifié.

  5. Bonjour,

    les effets même de la crise nous conduisent souvent à des réactions, ou des actes, que, hors crise nous aurions jugés déraisonnables. Avant même que nos portefeuilles aient été profondément écornés, nous agissons comme si notre notre vie était remise en question.
    La hausse des produits céréaliers déclenche systématiquement des réactions épidermiques. Les médias reprennent alors en chœur le modèle économique de la baguette de pain pour expliquer que le pouvoir d’achat des français va encore diminuer et que la boulangerie artisanale va droit dans le mur. Que seuls (je suis un peu de mauvaise foi) les GMS défendent le porte-monnaie de nos compatriotes.
    Mais tout le monde ne va pas chez Fauchon acheter sa baguette de pain. Quand bien même l’artisan bloque ses tarifs (1,05 € la baguette de tradition chez nous depuis deux ans), certains consommateurs continuent de se rendre chez les différentes enseignes de supermarché pour acheter leur pain. Ceux-là seront difficilement récupérables.
    Mais personnes ne s’élève pour remettre ne cause notre modèle de consommation.
    La hausse des céréales (du blé tendre dans notre cas) s’élève à près de 13.3% pour nous. soit 0.017 euros ou, autrement dit 1.7 cts d’euros.pour sa part dans une baguette de tradition.
    Je comprends la difficulté du consommateur face à cette hausse brutale du cours de la baguette de tradition.
    1.7 centimes…soit 6.2 euros de plus par an si il consomme une baguette par jour. Je comprends son déchirement si il doit choisir entre acheter le dernier Iphone à 600 euros ou acheter une baguette de tradition fabriquée en France avec des blés cultivés sur. place. Calculons 600 euros divisés par 1.7 centimes représente 35 300 fois la hausse du prix du blé sur une baguette. Mais personne ne s’en étonne.
    Mon forfait de téléphone? 35€ par mois soit près de 2000 fois la hausse de prix que l’on reprocherait au boulanger. Mais qui s’en effraie?
    La répercussion de la hausse des tarifs des céréales serait dangereuse Rémi?
    Je ne devrais pas adopter cette position car sinon je serai une victime?
    Mais nous sommes incapables d’accepter de payer des produits locaux et artisanaux à leur juste prix alors que nous sommes prêt à consommer des produits obsolètes dans 6 mois.
    Qui est victime de quoi? Le consommateur ne supporte pas l’idée que le boulanger de proximité puisse augmenter ses tarifs alors qu’une multinationale US lui fait changer son téléphone tous les ans et qu’e la dite société représente la première capitalisation mondiale…?
    Vraiment je ne comprend plus rien.
    Je fabrique tous les jours des baguettes que je vendrait pas le soir car des clients ne seront pas venus les acheter. Ils auront préféré sans doute s’offrir le dernier smartphone ou la dernière tablette à la mode; peut être qu’ils iront sur le blog de Rémi et qu’ils liront ces quelques lignes après avoir oublié de passer me voir. Nous aurions pu aussi échanger quelques mots et j’aurais pu leur expliquer en quoi il est important (quelques fois) de choisir ses priorités. Et qu’à sans cesse accuser le boulanger de s’enrichir, ils finiront par aller définitivement chercher leur pain chez Auclerc car j’aurais mis la clé sous la porte.
    Je n’accepte pas le statut de victime car tous les matins nous devons nous lever à pas d’heure; que ces heures de sommeil en perdues, personnes ne nous les rendra mais je l’accepte, je l’ai choisi.
    Et les jours fériés,et les dimanches passés au fournil ou au magasin sans voir nos enfants je suis prêt à les accepter pour donner (pardon vendre) du bonheur aux autres si ils en acceptent aussi d’en payer le juste prix pour avoir des viennoiseries maison et des baguettes au levain dès 7 heure du matin et jusqu’à 19h30 le soir.
    Passez donc me voir (pas vous Rémi car s’est déjà fait ), je serais heureux de partager avec vous mon pain et pardonnez-moi ma mauvaise humeur mais il est des jours ou je suis las de défendre mon beau métier

    • Voilà exactement un argumentaire réaliste, et je note que tes baguettes lorsqu’elles ne sont pas vendu sont perdu, ce qui n’est pas le cas du Smartphone avant qu’il soit passé de mode, une tradition à 1,00€ c’est même pas le prix réel, car qui sait réellement le travail derrière 😉
      Peser + mettre en cuve + pétrissage + décuvage + pointage rabat + division + balancelle détente + façonnage + pause sur couche + ranger en chambre froide pour l’apprêt + sortir les baguette de la chambre froide + mise sur enfourneur une par une + coup de lame + cuisson + défournement rangement en caissettes + mise en rayon en boutique + vente = 1,00€

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