Les français n’ont pas le monopole du bon pain et de la boulangerie, même si c’est ce que l’on pourrait parfois penser. De nombreux autres cultures ont développé une vraie culture autour de cet aliment, et même s’il diffère des représentations que l’on peut en avoir, il n’en est pas moins intéressant.

Dans le cas présent, c’est un japonais qui nous apporte une vision intéressante du pain et des saveurs que l’on peut lui donner. Certes, le peuple japonais n’a pas réellement de culture particulière vis à vis de cet univers et s’est peu à peu approprié la nôtre, mais comme pour beaucoup d’autres secteurs, il a cherché à le réaliser de façon parfaite, et même améliorée.

Kenji Kobayashi et sa création, le pain Nikka

Kenji Kobayashi a rencontré le pain au Japon, chez une enseigne bien de chez nous : Paul. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le pain y est bien meilleur qu’ici. Impressionné par les arômes dégagés, il s’est intéressé de plus près à ce produit et s’est donc rendu en France pour mieux en saisir les différents aspects. Première déception, ici, Paul ne produit que des pains de qualité bien médiocre. Cela ne l’a pas pour autant découragé, et il a continué ses essais dans des boulangeries artisanales… jusqu’à passer lui même dans le fournil et passer son CAP de Boulanger grâce à une formation réalisée au sein de l’INBP. Par la suite, il a pu exercer ses compétences au sein du fournil de Jean-Luc Poujauran. Peu satisfait du caractère assez « massif » de sa production, Kenji a bien senti qu’il serait plus à sa place au sein d’une structure artisanale, où il pourrait exprimer sa sensibilité et sa créativité.

C’est grâce à l’une de ses amies, ayant réalisé un stage chez Du Pain et des Idées, que notre jeune boulanger a pu être introduit dans le fournil de Christophe Vasseur. Séduit par la passion de cet homme et le goût de ses produits, il a intégré son équipe, faisant de lui le seul ouvrier masculin de l’équipe. En effet, les autres salariés ne sont autre que des… salariées. Cela a nécessité quelques ajustements, comme pour l’enfournage a été automatisé, mais c’est une caractéristique assez remarquable. Revenons-en à notre ami.
Au delà du fait d’être un boulanger passionné, il est aussi particulièrement créatif et souhaite que l’on sorte du schéma traditionnel de la baguette « star » du boulanger. Ainsi, il apporte de nouvelles saveurs et développe des pains spéciaux originaux, bien en dehors des sentiers battus des céréales, farines de seigle…
Cette passion et ce goût de la recherche le pousse à rejoindre le fournil en dehors des heures de travail, le week-end notamment, moment privilégié pour effectuer des essais. Des essais, il y en aura eu pour aboutir à des créations telles que le pain de Campagne au miel, noix et moutarde, ou encore au pain Gingembre, noix et Sirop d’érable. Cela est souvent le fruit d’inspirations dans l’instant, passées ensuite au crible de la réalisation et du reste de l’équipe. Christophe Vasseur apporte son regard ainsi que des corrections lorsque cela est nécessaire. Il n’est par ailleurs pas le seul, puisque l’équipe de la Pâtisserie Pain de Sucre, dans le Marais – dont je vous avais déjà parlé précédemment, contribue également au travers d’échanges amicaux avec M. Kobayashi. C’est de cette façon que se mettent en place ces pains, mais également ces viennoiseries ou ces brioches tous plus créatifs les uns que les autres. Croissant à la rose, brioche à la châtaigne, et bien plus encore… où s’arrêtera-t-il ?

Christophe Vasseur et le pain Nikka

Malheureusement, il va bien devoir le faire, du moins temporairement. Des questions de Visa de travail le poussent à retourner dans son pays de façon prématurée, pour au moins trois mois. D’ailleurs, l’idée d’un retour définitif sur son sol natal ne touche pas encore réellement cet artisan, qui l’envisage d’ici à une dizaine ou quinzaine d’années. Dans cette attente, il compte bien continuer à régaler les gourmands français, et c’est pour cela qu’un rendez-vous « institutionnalisé » va être mis en place, chaque premier vendredi du mois. C’est ce jour là que l’on retrouvera chez Du Pain et des Idées ces fameuses créations. Initialement, cela devait se faire le samedi, mais l’organisation était assez compliquée, du fait du personnel limité ce jour de la semaine, habituellement période de fermeture pour la boulangerie.

Ce fut en tout cas un réel plaisir que d’échanger avec cet homme, partageant une vision très « painrisienne » de la boulangerie, à la fois ancré dans la tradition, le goût et la qualité du produit, mais cherchant également à proposer au consommateur de nouvelles saveurs, afin de créer de l’envie et d’éviter tout ennui à long terme.

Pain Nikka au Whisky, développé par Kenji Kobayashi

Justement, la nouvelle saveur du jour était un fameux pain au Whisky, développé à l’occasion d’un événement autour de la marque Nikka. Cette création très particulière intégrait des figues, des noisettes, des noix et des marrons, macérés dans l’alcool, en plus de l’incorporation de celui-ci dans la pâte à pain. Ces fruits secs, que le boulanger affectionne particulièrement puisqu’ils accompagnent la plupart de ses créations, prolongent les saveurs maltées et presque vanillées du Whisky, en plus du caractère ludique qu’ils apportent à la dégustation : croquant des noisettes et noix, auquel viennent s’ajouter les petites graines des figues.
Afin d’empêcher la présence de fruits secs à l’extérieur du pain, le coeur est « enveloppé » dans une pâte dépourvue de toute inclusion, tout cela pour éviter que ces ingrédients caramélisent à la surface et apportent des arômes trop soutenus, qui seraient venus perturber le plaisir de la dégustation.

Foie gras et fromage proposés pour accompagner le pain Nikka

D’ailleurs, avec quoi associer un tel pain ? Principalement au foie gras et à des fromages crémeux. Il se suffit également très bien à lui même, de par ses saveurs complexes et marquées et l’incorporation de nombreux ingrédients.
Comme d’habitude, la mie est d’excellente tenue, la cuisson bien aboutie et la croûte marquée et présente. Cette « signature » se retrouve sur l’ensemble des pains de Kenji Kobayashi, et je serais bien le dernier à m’en plaindre. L’ensemble est très gourmand et on y revient avec plaisir, sans lassitude puisque les notes sucrées restent bien dosées, malgré la présence de la figue. L’équilibre a été bien trouvé avec les noix et noisettes, qui créent une balance aromatique. On regrettera juste le caractère très éphémère et limité de ce produit, qui en deviendrait presque « haute couture », créé à façon pour une marque le temps d’un événement. Est-ce ainsi que le pain doit être ? Non, bien au contraire, car comme je le défends et le martèle souvent, c’est avant tout une histoire de partage !

Dans tous les cas, si comme moi vous souhaitez découvrir ce boulanger atypique, vous pourrez le trouver régulièrement en caisse chez Du Pain et des Idées, où il prend plaisir à accueillir la clientèle et à recueillir directement ses avis. Au fournil, à la création et en boutique, mais que ne fait-il pas ?! Une chose est sûre, du mauvais pain, en tout cas.

6 réflexions au sujet de « Rencontre avec un amoureux du pain, Kenji Kobayashi… et son pain au Whisky »

  1. Hello !

    Merci beaucoup pour ce très beau portrait et pour cette remise au point au début : la France n’est pas le seul pays du pain !

    En effet, nous sommes surtout connus pour notre célèbre baguette … Pour avoir longtemps habité en Allemagne, je peux dire que pour tous les pains plus « spéciaux » les Allemands sont autrement plus réputés !

    Au plaisir de te lire dans un prochain billet !

    PS : je passe chez Gontran Cherrier avant Noël. Tu me conseilles quel pain pour aller avec le foie gras ? Perso je me dis que celui au miso peut offrir un accord étonnant mais pas inintéressant !

    • Bonjour Camille,
      Effectivement, les allemands aiment les pains assez riches et noirs, seulement il n’y a plus vraiment la culture de la boulangerie telle que nous pouvons l’avoir en France, les pains sont, pour la plupart, vendus par la grande distribution.
      Pour le foie gras, le pain figue-citron-fenouil serait certainement bien à sa place, la figue fonctionne bien avec. Seigle miso, plutot avec des fruits de mer ou simplement du beurre…
      Belle soirée,
      Rémi

  2. Hello Camille et Rémi, peut-être Gontran va-t-il rééditer sa couronne de Noël 2010 qui permettait d’avoir des pains adaptés à différents mets. Pourquoi pas tenter celui aux pois chiches avec le foie gras ?!

    • A priori, il devait effectivement la rééditer. Je n’ai pas eu de nouvelles à ce sujet, il faut que je le relance 😉 mais effectivement, le pain pois chiche-citron peut créer un accord intéressant.

  3. Bonsoir,

    Je me permet de réagir à cet article (assez ancien), car je me demandais ce que devenait M. Kobayashi?

    Est-ce que vous auriez des informations à ce sujet?

    Cordialement

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