Les noms que l’on utilise pour décrire des éléments de notre « patrimoine gastronomique » y sont parfois arrivés de façon bien curieuse, un peu détournée, et peuvent aisément surprendre si l’on s’y intéresse de plus près. En effet, à peu près tous les éléments de la vie finissent par s’imbriquer pour donner des résultats plutôt curieux. Il ne faudrait pour autant pas essayer de toucher à ces traditions, puisqu’elles ont un caractère presque naturel à présent.

Prenez l’exemple des mendiants, vous savez, ces petites spécialités chocolatées que l’on retrouve chez la plupart des artisans. Constituées d’une base (un palet, en quelque sorte) en chocolat noir, au lait ou même blanc, elles sont incrustées d’un mélange de fruits secs variés (raisins secs, amandes, écorces d’orange confite, noisettes… les recettes varient parfois) et proposent aux gourmands une friandise alternant entre le croquant, le moelleux, l’amer, le doux, l’acide… Une expérience très divertissante. Pour autant, on pourrait se dire que ces fameux mendiants sont bien riches, car ces ingrédients ne sont pas particulièrement bon marché. En réalité, ce nom provient des ordres mendiants, une organisation chrétienne dont les membres passaient leur temps à prêcher l’évangile et à servir les pauvres. Dessert initialement nommé « fruits de carême » et composé de figues de Provence, raisins de Malaga, amandes et avelines, le choix de cette nouvelle dénomination serait lié à un prêche du père André Le Boullanger, qui aurait soutenu que ces fruits étaient nommés ainsi parce qu’ils avaient pour patrons les quatre ordres mendiants, savoir : les Franciscains capucinaux qui représentaient les raisins secs, les Récollets qui étaient comme des figues sèches, les Minimes qui semblaient des amandes avariées, et les Moines-déchaux qui n’étaient que des noisettes vides.

Trêve de considérations religieuses, puisqu’il s’agit aujourd’hui d’un produit bien savoureux, qui ne manque pas d’inspirer certains de nos artisans. En effet, Gontran Cherrier a souhaité redonner à cette gourmandise sa dimension de dessert en la déclinant sous la forme d’une tarte.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que son aspect ne mendie pas grand chose, mis à part la curiosité. En effet, elle peut surprendre par son caractère très sobre, constituant au final un simple disque de couleur marron foncé. Rien qui puisse laisser présager son contenu riche et savoureux, si l’on ne consulte pas l’étiquette présentant le produit.

Dès lors que l’on se décide à rompre cette élégante simplicité, on prend bien conscience de toute la dimension gourmande que peut avoir cette « tarte façon mendiants ». Dès la première bouchée, c’est la ganache qui nous offre une belle richesse et densité, sans pour autant tomber dans l’écueil d’un quelconque caractère collant ou amer. On profite ainsi d’un parfum de cacao d’une belle pureté, avec un côté presque moelleux. Vient ensuite le fond de pâte, bien croquant, foncé et beurré. Il apporte une note de douceur en contraste avec l’intensité du chocolat, même si l’on pourrait regretter le fait qu’il soit un peu épais. Un peu plus de finesse aurait peut être rendu la dégustation plus aisée et serait parvenu à un meilleur équilibre.
Enfin, on découvre les fruits secs, nichés, presque cachés, entre ces deux éléments. C’est à ce moment là que l’expérience prend tout son sens. Légèrement parfumés au miel, ce qui contribue à donner quelques notes sucrées et douces, ces fruits croquent et fondent, que ce soit tantôt de la noix, de la noisette, des écorces d’orange… Un peu d’amer, d’acidulé, qui viennent relever le chocolat noir et compenser sa puissance, en prolongement du fond de tarte. Le tout est très ludique, puisque l’on peut s’adonner au loisir d’associer ou de dissocier les saveurs. Ce mendiant-là a autant à nous offrir que l’on aimerait lui donner.

En définitive, Gontran Cherrier nous propose ici une gourmandise peu sucrée, à la fois simple et riche en sensations. Une pâtisserie un peu plus que boulangère, même si elle a parfaitement sa place dans les vitrines d’une telle boutique. De plus, cela reste un produit assez accessible, ce qui permettra à chacun de s’offrir un peu de plaisir.

Tarte au chocolat façon mendiants, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, vendue en portion individuelle au prix de 4,20 euros. 

3 réflexions au sujet de « Pâtisserie du jour : Tarte façon mendiants, Gontran Cherrier (Paris 17 & 18è) »

  1. Effectivement cette tarte est on ne peut plus sobre. Un peu trop à mon goût. Je ne suis pas fan des desserts visuellement trop sophistiqués (même si la technique m’impressionne) mais là il manque quand même quelquechose. Un petit morceau de feuille d’or? 🙂
    En tout cas ce petit historique sur les mendiants est intérssant.
    Lorsque j’étais apprenti pâtissier, mon patron appelait les mendiants des « Croq’ télé ». Terriblement addictif et efficace quand tu regardes le petit écran.

    Message à caractère informatif : Continue Rémi, malgré les commentaires négatifs par rapport à ton billet sur la manifestation du Parvis Notre Dame.
    Dommage également qu’il n’y ait pas plus de commentaires concernant tes billets.

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