Billets d'humeur

21
Août

Le meilleur

Si je devais sélectionner une question parmi toutes celles que l’on me pose, ce serait sans doute celle de savoir qui est le meilleur boulanger parisien que je retiendrais. A cela plusieurs raisons, tout d’abord pour sa fréquence, mais aussi parce que je me sens bien incapable d’y répondre. En réalité, je ne sais pas et je ne veux pas.

Comme tout le monde, j’ai sans doute voulu prendre « le problème » dans ce sens, partir en quête de cet absolu, trouver le meilleur pain, le manger et ressentir un certain sentiment d’accomplissement. Seulement voilà, au fil des mois, des rencontres, des réflexions, on se rend bien compte que le pain ne saurait fonctionner de cette façon, que notre relation avec cet aliment ne répond pas à des critères purement objectifs et techniques. Pour le comprendre et l’apprécier à sa juste valeur, il faut intégrer des sentiments, des morceaux de vie, des souvenirs, des envies… De l’humain, en réalité. Aucun classement ne saurait en rendre compte.

Le « meilleur boulanger » ne se partage pas. C’est une vision et une appréciation purement personnelle. Plutôt que de parler ainsi, il faudrait évoquer une capacité à nous toucher, à nous raconter des histoires, ou à nous en faire revivre. Comment ne pas se laisser aller à la rêverie quand on retrouve des saveurs d’enfance ? Ainsi, on pourra toujours essayer d’établir des classements, organiser des concours et des dégustations, le goût reste le domaine du subjectif et nous ne pourrons pas y faire grand chose.
Dès lors, comment pourrais-je justifier l’intérêt du painrisien ? Je tente simplement de partager mon expérience avec la large palette de produits boulangers que j’ai pu goûter au fil du temps.

En définitive, quand bien même on élirait le meilleur boulanger, la meilleure baguette ou le meilleur être humain, il ne pourrait pas l’être éternellement. De par notre propre nature, ce titre aurait de toute façon tendance à atteindre les qualités qui auraient permis d’y parvenir : l’orgueil est rarement facteur de remise en question… or, pour conserver ses lettres de noblesse, il faut se réinventer chaque jour, sans cesse se poser des question. Le pain est comparable à la vie, tant il est imprégné des hommes qui le façonnent.

Tout cela ne fait qu’exprimer les traits d’une société où la performance est devenue reine, dépassant de loin toutes les autres considérations humaines. Je me demande bien où tout cela peut bien nous conduire, car les choses n’ont du goût que si l’on prend du temps pour les faire, que l’on y met de la sincérité… rien de révolutionnaire, bien au contraire, puisque c’est tout simplement revenir à des valeurs passées. Ce sera peut être de cette façon que nous serons meilleurs… sans chercher à être les meilleurs.

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