Nous ne sommes jamais conscients de notre chance, du moins, nous ne parvenons jamais à en saisir l’acuité. Certainement car les éléments qui font que nous devrions nous estimer heureux de ce que nous avons se fondent dans le quotidien, se perdent dans le bruit du monde. Cela ne manque pas d’avoir tout une somme de conséquences plus ou moins désagréables : on a plutôt tendance à se plaindre plutôt qu’à regarder le positif, et au final, on prend le risque de mettre en péril ce qui constitue nos forces et nos atouts.

Parmi ces choses que l’on a trop tendance à négliger, voire à malmener, il y a notre patrimoine culinaire et la façon dont les « institutions » qui doivent le partager le font au quotidien. Malheureusement, à Paris, il y a beaucoup à dire en la matière. Les grandes maisons ne manquent pas, je n’ai pas besoin de citer de noms, ils viennent naturellement à l’esprit.
Ce qui est assez regrettable, c’est que sous la dorure se cache un quotidien souvent peu enviable : créations sans intérêt, produits de qualité médiocre, à la fraicheur et à l’aspect parfois… discutables. Je me faisais la réflexion en passant chez Ladurée cette semaine, où les pâtisseries sont souvent malmenées malgré leurs prix particulièrement élevés. D’autres maisons se sont enfermées dans un classicisme presque forcené, avec un renouvellement très faible des créations. Pourtant, il faudrait savoir vivre avec son époque, savoir mettre de la fraicheur dans notre « capital » pour le renouveler.

Au final, en observant tout cela, il me vient à l’esprit l’image d’une pente douce, sur laquelle nous serions en train de glisser lentement. Certes, le chemin pris par des entreprises sur le déclin jusqu’alors pourrait nous inviter à espérer, à l’image de Fauchon, qui met en oeuvre une vraie politique de « retour » à la qualité ces derniers mois. Seulement, on ignore encore trop la vraie responsabilité que l’on peut détenir. En effet, il n’y a pas qu’une question de qualité pour nous, français, mais bien de l’image que l’on renvoie auprès des étrangers et des touristes qui viennent visiter notre capitale… et participent au fonctionnement de notre économie. Ils arrivent les yeux pleins d’étoiles, en suivant leurs guides, sans avoir de réelle culture de ce qui est bien et moins bien. Les chemins sont tout tracés, et assurent le fonctionnement de quelques marques mises en avant grâce à leur capacité à communiquer. Seulement, cela ne fait pas tout.

A titre personnel, je suis assez écoeuré par ce « rêve mensonger » que l’on cultiverait presque en France. Mensonger, il l’est sur tous les plans, à tous les niveaux : qualité, prix mais aussi humain. Dans quelles conditions travaillent les salariés au service de ces « grandes » entreprises ? Bien souvent, elles sont difficiles, voire écrasantes, que ce soit en production ou en boutique, à l’accueil. Ainsi on vend du rêve et du plaisir en créant des situations plutôt désagréables, voire… du malheur. Vous voyez, tout est une question de responsabilité, en l’occurrence elle est sociale. Ces institutions doivent prendre conscience du fait qu’elles vivent dans une communauté, et que dès lors il faut assumer le rôle que cela implique.

Malheureusement, on ne peut pas dire que Paris prenne vraiment ce chemin là. Au contraire. Avec le temps, je vois les prix augmenter, rarement la qualité et le plaisir dans les yeux des gens derrière le comptoir. La meilleure façon de parvenir à recréer un certain équilibre serait certainement de se détourner de ces « chemins », d’aller à la rencontre de vrais artisans authentiques, parfois un peu cachés, noyés dans la masse. C’est là toute la beauté de cette ville : elle nous offre de grandes possibilités, et il faut savoir les saisir. Mon rêve ? Donner la capacité à chacun de pouvoir le faire, locaux comme touristes. Il y a du travail… mais soyons un peu iconoclastes et pleins d’espoir. Responsables, tout simplement.

4 réflexions au sujet de « « Institutions » parisiennes : grandeur, décadence et… responsabilité »

  1. Bonjour Rémi,
    Comme souvent, vous mettez les pieds dans le plat avec cet article. Toutes les personnes qui ont l’habitude de fréquenter les quelques adresses « institutionnelles » de Paris ont sans doute déjà fait le même constat. Les prix augmentent de plus en plus sans que la qualité ne soit meilleure pour autant. On touche ici un véritable problème. De par mon expérience, ce genre d’endroit ne vit vraiment que grâce aux touristes qui viennent ici les yeux fermés, pensant déguster les meilleurs produits existants en France… Et comme vous l’avez sous entendu, ces gourmands ont vraiment l’impression de consommer le top du top c’est qui est loin d’être le cas. Les files d’attentes étant de plus en plus longues devant toutes ces boutiques, alors pourquoi est ce que ces institutions se remettraient elles en cause ? Je crois malheureusement que l’exemple de Fauchon restera une exception. Un exemple parmi d’autres, j’ai été acheter un mille feuille chez Dalloyau la semaine dernière et on m’a servi un gâteau préparé la veille… Pour ce qui est des conditions de travail des employés de ces grandes maisons, vous vous basez aussi sans doute sur votre expérience personnelle, est ce que je me trompe ? En tout cas, continuez votre quête du bon pain et des bons produits…

    • Bonjour Pitou,
      Effectivement, le succès continue d’être au rendez-vous, aucune raison de se remettre en question. C’est assez triste, mais il faut finir par l’accepter… Un millefeuille de la veille, c’est une honte ! C’est une des pâtisseries qui ne doivent surtout pas « repasser ». J’espère que vous avez déposé une réclamation?
      Concernant les conditions de travail, je n’ai pas été particulièrement à plaindre au cours de mes différentes expériences, même si ce n’est pas facile tous les jours. Il y a du positif et du négatif, comme partout…
      Merci et belle soirée,
      Rémi

  2. Bonjour Rémi,
    Ta critique est tout à fait juste mais je pense que l’on peut la relativiser car cette situation est malheureusement commune à toute personne détenant un atout. On a facilement tendance à vivre sur ce que l’on en a sans chercher à se remettre en question et à sans cesse s’améliorer.
    Tu t’en rends compte à Paris mais c’est tout aussi vrai dans les autres capitales étrangères et pour avoir passé un mois en Italie je peux te dire que certains Italiens ne se privent pas pour profiter au maximum des touristes.
    Alors certes ces institutions sont loin d’être parfaites mais leur cas n’est pas isolé (ce qui n’est pas une excuse) et je pense surtout que c’est au consommateur, au client et en l’occurrence au touriste de se faire respecter, d’être plus exigeant et de chercher à aller plus loin que ce que lui propose la plupart des guides…
    Merci encore pour ce formidable travail que tu fais et qui nous permet justement de découvrir des artisans motivés par la qualité de leurs produits.
    A bientôt

    • Bonjour Renaud,
      J’ai bien conscience que ce n’est pas un fait typiquement parisien et que le tourisme implique systématiquement ce genre de « dérive », effectivement très humaine. Le touriste n’ayant pas toujours de point de comparaison, il peut difficilement être plus exigeant, malheureusement.
      A bientôt,
      Rémi

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