Nous avons tous une fâcheuse à utiliser des acronymes, souvent pour aller plus vite, parfois pour cacher des messages, des idées… en bref, tous accros aux acronymes. Il fallait bien la faire. Heureusement, ils servent parfois à sceller des unions, à rapprocher des individus de façon efficace autour d’une même idée. Apprenons simplement à lire entre les lignes et à réduire ce qui doit l’être pour être pertinent.

Devanture, Boulangerie bo, Paris 12è

En arrivant devant le 85bis rue de Charenton, on peut légitimement se demander la signification de ce nom aussi court que mystérieux : bo. Boulangerie bo, est-ce un subtil jeu de mots pour former bo-ulangerie, serions-nous en présence d’un repaire de bo-bos…? Non, rien de tout ça.
Bo, c’est tout simplement l’association de Benoit Gindre et Olivier Haustraete. Les deux amis ont repris ensemble la boulangerie Bazin en février 2014, s’engageant ainsi dans une grande aventure.
Aventure, le mot n’est pas usurpé : il n’est jamais facile de passer après un couple aussi installé, d’autant plus quand on choisit une boutique classée. En effet, impossible de marquer le changement par des modifications de façade ou autres transformations plus profondes. Les réactions de certains habitués n’ont pas manqué d’être vives, parfois violentes. Pour autant, cela n’a pas entamé la détermination des deux compères pour faire souffler un air neuf en ces murs.

Une partie des pains sont réalisés à partir de farine Biologique, comme la tourte de Seigle, le pain de Kamut, l'intégral...

Une partie des pains sont réalisés à partir de farine Biologique, comme la tourte de Seigle, le pain de Kamut, l’intégral…

Puisque l’emballage ne pouvait pas être changé, ils se sont attelés à changer le contenu, et c’est sans doute l’exercice sur lequel chaque repreneur devrait se concentrer. Réduction des gammes, nouveau meunier, nouvelles recettes… si les vitrines ont bien changé d’allure, ce n’est pas le cas des équipes qui les garnissent. La plupart des pâtissiers et boulangers repris avec l’affaire sont toujours en place et ont accueilli avec beaucoup de réceptivité ces transformations, d’autant qu’elles s’accompagnaient d’une meilleure valorisation et responsabilisation de leur travail.

Des brioches façon Cramique Belge, aux raisins et sucre grain.

Des brioches façon Cramique Belge, aux raisins et sucre grain.

C’est bien là que s’exprime l’une des forces de ce couple d’entrepreneurs : grâce à un parcours professionnel riche et varié, ils apportent une vision plus moderne de la boulangerie artisanale.
Ainsi, Benoit Gindre met en pratique ses compétences en gestion, comptabilité et ressources humaines tout en assurant la supervision de la production boulangère au quotidien. De son côté, Olivier Haustraete déploie son savoir-faire pâtissier et sa créativité. Intéressons-nous au parcours de cet artisan atypique, porté par des inspirations d’ici et d’ailleurs.

Ici, les tartes salées se vendent à la part : chacun choisit selon son appétit et ses envies. La pissaladière accompagne très bien ce début d'été.

Ici, les tartes salées se vendent à la part : chacun choisit selon son appétit et ses envies. La pissaladière accompagne très bien ce début d’été.

« J’avais l’impression de ne plus évoluer, d’avoir atteint une limite. »

En ayant fait ses armes au sein de la Grande Epicerie de Paris, le pâtissier avait acquis des bases solides pour tracer sa route, son chemin. Les volumes et l’exigence ne lui faisaient pas peur, et c’est ainsi qu’il a participé à l’ouverture de Beige, le restaurant d’Alain Ducasse à Tokyo. Cette expérience a encore développé son goût pour des produits aboutis, réalisés avec des matières premières de grande qualité. Toujours en quête de nouveaux challenges, il s’envole pour l’Australie en 2006 et rejoint alors les rangs d’un club privé, suite à la sollicitation d’un de ses amis.
La liste de références aurait pu sans doute s’allonger beaucoup plus, portée par une volonté permanente de faire plus, de faire mieux. L’absence d’évolution et la routine ennuient profondément cet homme bouillonnant d’idées.

Les grues en origami décorent la vitrine... et nous rappellent les inspirations japonaises d'Olivier Haustraete.

Les grues en origami décorent la vitrine… et nous rappellent les inspirations japonaises d’Olivier Haustraete.

La sagesse et la stabilité viennent parfois de l’extérieur. Son épouse exprimant un besoin d’ancrages, ils regagnent la France en 2008, au coeur d’une période assombrie par la « crise ». De difficultés à obtenir des rendez-vous en occasions manquées, le réseau et les bons rapports entretenus avec son ancienne hiérarchie ne permettent pas à Olivier de trouver rapidement un poste correspondant à ses attentes.

Parmi ces tartes et gâteaux, le Mont-Azuki surprend par sa couleur rose. Inspiré du Mont-Blanc, il est composé de vermicelles de purée d'haricots rouges à la fleur de cerisier, d'une crème mousseuse à la vanille, de meringue, d'un coulis de fraise et de crème d'amandes, le tout reposant sur un fond de pâte sablée. Une création réfléchie, savoureuse et aboutie... pour seulement 4,2€.

Parmi ces tartes et gâteaux, le Mont-Azuki surprend par sa couleur rose. Inspiré du Mont-Blanc, il est composé de vermicelles de purée d’haricots rouges à la fleur de cerisier, d’une crème mousseuse à la vanille, de meringue, d’un coulis de fraise et de crème d’amandes, le tout reposant sur un fond de pâte sablée. Une création réfléchie, savoureuse et aboutie… pour seulement 4,2€.

Une opportunité se présente alors chez Coup de Pâtes, il la saisit. Sur le CV d’un artisan, cela pourrait faire tâche. Aurait-il cédé aux sirènes et pratiques de l’industrie ? Sur la forme, peut-être, mais certainement pas sur le fond. Cela lui a permis au contraire d’aller toujours plus loin dans la sélection des meilleurs processus, de mettre en place des produits aboutis et réfléchis. Cahiers des charges à rallonge, séances de dégustation répétées, … la tâche en aurait découragé plus d’un. Pas lui. Progressivement, il a gravi les échelons du département R&D de l’entreprise, avec la confiance de son management.

La tarte framboise est très travaillée.

La tarte framboise est très travaillée.

On ne se refait pas. Après plusieurs années, cette envie d’autre chose s’est réveillée. Un peu de conseil, puis la boulangerie. Le pâtissier rencontre le pain, et s’y engage avec force.

Le pain fermier était une des signatures de Jacques Bazin. Dès lors, difficile de le retirer de la boutique. Ce pain à base de farine de meule et de levain naturel ne manque pas de caractère. Il est décliné en de nombreuses variations gourmandes - ici aux noix - et est façonné en de grosses pièces vendues au poids.

Le pain fermier était une des signatures de Jacques Bazin. Dès lors, difficile de le retirer de la boutique. Ce pain à base de farine de meule et de levain naturel ne manque pas de caractère. Il est décliné en de nombreuses variations gourmandes – ici aux noix – et est façonné en de grosses pièces vendues au poids.

« Entre deux rabats, nous discutions de philosophie. »

Après avoir passé son CAP de Boulanger, Olivier Haustraete suit un cursus classique : ouvrier boulanger dans des entreprises « traditionnelles »… avant de partir à la rencontre de véritables aventuriers du pain, entre passionnés et paysans boulangers. Ici, au delà du savoir-faire acquis sur le métier en lui-même, il a pu développer une vision plus globale et inscrite dans le vivant de la boulangerie.

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Il ne s’agissait pas uniquement de produire du pain, mais de comprendre comment et pourquoi. Les journées mêlaient ainsi pétrissage, rabats, façonnages… et philosophie. Au point de le convaincre d’ouvrir son commerce dans une région reculée, pour faire du beau et bon pain, avec des valeurs d’authenticité et de partage. La vie a fait que ce rêve ne s’est pas réalisé, qu’il a bien fallu revenir au bruit parisien. Peut-être plus tard, qui sait ?

Le Pain des Voisins est une des créations d'Olivier Haustraete et Benoit Gindre. Il associe des farines de seigle, de sarrasin et de froment, sur base de levain naturel. Initialement très acide, ce dernier a été nettement adouci ces derniers mois, et on ressent mieux les parfums des céréales. Ainsi, on obtient un pain de caractère au notes rustiques et typées du blé noir. La déclinaison aux graines de sarrasin est également très intéressante.

Le Pain des Voisins est une des créations d’Olivier Haustraete et Benoit Gindre. Il associe des farines de seigle, de sarrasin et de froment, sur base de levain naturel. Initialement très acide, ce dernier a été nettement adouci ces derniers mois, et on ressent mieux les parfums des céréales. Ainsi, on obtient un pain de caractère au notes rustiques et typées du blé noir. La déclinaison aux graines de sarrasin est également très intéressante.

« Mon challenge quotidien est de proposer des produits de qualité et accessibles. »

Ces expériences n’ont pas été vaines et marquent profondément l’approche de l’artisan sur le métier et sa façon de le pratiquer. Au sein de la Boulangerie bo, il a à coeur de proposer des gammes savoureuses et accessibles à chacun. Conscient du caractère encore populaire du quartier -Aligre n’est pas loin !-, il prépare des douceurs pour toutes les bourses.

La tarte aux fraises est décorée d'une poudre issue de malt d'orge, qui apporte des notes très brutes et souligne le parfum du fruit.

La tarte aux fraises est décorée d’une poudre issue de malt d’orge, qui apporte des notes très brutes et souligne le parfum du fruit.

De la part de flan au dessert élaboré en passant par les brioches à la coupe, les propositions restent sagement tarifées, sans pour autant négliger le choix des matières premières. Farines Label Rouge et Biologique de chez Foricher, chocolat Weiss, beurre AOP, fruits frais de saison, … chaque choix est pesé, mesuré.

Les viennoiseries au beurre AOP

Les viennoiseries au beurre AOP

« J’aime surprendre et proposer des créations qui marquent notre identité. »

La mixité au sein de la clientèle se retrouverait presque dans les vitrines : les cultures se mélangent harmonieusement, et c’est ainsi que le chou au thé vert matcha côtoie la tarte coco-mûre ou le Fraisier, dessert traditionnel français s’il en est. Le plus remarquable pour moi est sans doute cette capacité de traiter des saveurs délicates comme d’autres beaucoup plus brutes : l’utilisation de la fleur de cerisier créé des desserts subtils, tandis que la poudre à base de malt d’orge qui recouvre certaines tartes nous entraine sur des terrains beaucoup plus escarpés, avec des notes profondes et marquées.

L'entremets au chocolat invite les notes épicées des baies de Sichuan.

L’entremets au chocolat invite les notes épicées des baies de Sichuan.

Si les « grands classiques » sont respectés, avec un Paris-Brest de qualité, des viennoiseries bien feuilletées ou des tartes aux fruits très gourmandes, la capacité de création d’Olivier Haustraete distingue nettement sa boulangerie de la concurrence. L’association d’une rigueur et d’inspirations japonaises avec un savoir-faire bien de chez nous… un mélange de grande valeur.

Les choux se déclinent selon l'envie et les saisons : l'indémodable vanille mais aussi le thé vert-framboise, le fraise-fleur de cerisier...

Les choux se déclinent selon l’envie et les saisons : l’indémodable vanille mais aussi le thé vert-framboise, le fraise-fleur de cerisier…

« Nous avons encore beaucoup de travail pour stabiliser nos acquis et continuer à nous développer. »

Hors de question de brûler les étapes. Si le chemin parcouru en 16 mois est considérable, notre boulanger-pâtissier sait que cela reste fragile et qu’il faut continuer à s’investir pour asseoir ces acquis. C’est d’autant plus compliqué que l’artisan doit aujourd’hui se placer sur tous les fronts : en production, mais aussi en communication, avec les réseaux sociaux, les différents magazines… ou auprès de restaurateurs. Connaître et faire connaître ses produits est un travail de longue haleine, mais je dois dire que je trouve cet homme parfaitement à sa place dans cette tâche : à la fois sensible aux détails et capable d’assumer des productions importantes, il mène son équipe et sa barque avec brio.

Olivier Haustraete, Boulangerie bo, Paris 12è

Je ne doute pas que Benoit Gindre et Olivier Haustraete feront partie des artisans « qui comptent » dans le paysage boulanger parisien au cours des années à venir. Ce n’est pas un hasard si L’Express, Télérama, Fou de Pâtisserie, … les ont déjà repérés. Affaire à suivre !

Infos pratiques

85bis rue de Charenton – 75012 Paris (métro Ledru-Rollin ligne 8 ou Gare de Lyon, RER A & D, métro 1 & 14) / tél : 0143077521
ouvert tous les jours sauf le mercredi de 7h à 20h

Nous pouvons chaque jour nous faire les spectateurs de reconversions professionnelles, plus ou moins réussies. La plupart d’entre elles sont franches, nettes, et tournent tout à fait la page sur une « ancienne vie » : des contrôleurs de gestion se font boulangers, des joueurs de tennis se recyclent dans la chanson avec un côté bohème et vaguement sympathique, … Les exemples ne manquent pas, mais je trouve qu’il peut parfois faire sens de réutiliser son savoir-faire « initial » pour sublimer le travail que l’on réalisera au sein de sa nouvelle activité. Certes, beaucoup de boulangers ayant opté pour ce métier sur le tard mettent à profit leur expérience en matière de gestion, de marketing, … mais cela reste des éléments extérieurs.

Carole n'aime pas être prise en photo... alors elle se concentre sur la préparation des tartes !

Carole n’aime pas être prise en photo… alors elle se concentre sur la préparation des tartes !

Carole Belenus est sans doute la pâtissière la plus atypique que je connaisse. Je vous en parlais pour la première fois il y a un peu de moins de deux ans. Découverte sur le marché des Enfants Rouges, cette artiste des douceurs sucrées et salées s’échine à nous proposer des créations et concepts hors-les-murs, en développant une vision de la gourmandise particulièrement fraiche et décomplexée. Sa Petite Fabrique avait séduit le marché très bourgeois-bohème du Marais, grâce à des produits léchés et associant aussi bien saveurs que couleurs.

Prenez deux tranches de cake très fondant au citron, ajoutez du coulis de framboise, des cerises, de la menthe fraiche, des framboises et une fleur comestible, vous obtenez un résultat simple et gourmand.

Prenez deux tranches de cake très fondant au citron, ajoutez du coulis de framboise, des cerises, de la menthe fraiche, des framboises et une fleur comestible, vous obtenez un résultat simple et gourmand.

Ce n’est certainement pas un hasard si cette ancienne styliste de mode -elle a notamment occupé des responsabilités au sein d’un important groupe japonais- en est arrivée là : en associant son goût pour la gastronomie à son savoir-faire graphique, elle est parvenue à créer un univers singulier. Bien sûr, il aura fallu pour cela travailler dur et développer ses compétences au travers d’expériences variées : son CAP de Pâtisserie en poche, elle a oeuvré pendant plus de 3 ans au sein de maisons plus ou moins prestigieuses de la place de Paris, dont Fauchon, Pierre Hermé ou encore la Pâtisserie des Rêves. Même si ces belles références apportent une assise et de jolies lignes sur un CV, notre amie voulait plus de fraicheur et de fantaisie – cela tombe bien, nous aussi.

« Créer une pâtisserie fraiche et locale »

A la Petite Fabrique, le crédo a toujours été de proposer aux clients des produits d’une extrême fraicheur, à l’image des tartes minute, un produit particulièrement appréciable car la réfrigération dégrade considérablement textures et saveurs. De plus, pour que les pâtisseries « tiennent », il faut alors produire des crèmes plus denses, des compotées plus réduites et/ou associées à de la pectine… Autant d’éléments qui contribuent à rendre les pâtisseries de boutique plus lourdes et bien moins charmantes.
Carole Belenus casse ainsi les codes de la profession, tout en évitant soigneusement de tomber dans les travers très haut de gamme et luxueux qui se développent dans le secteur dès lors qu’il s’agit de proposer des produits de haute qualité. L’esprit des marchés lui convient ainsi complètement, car un échange simple et ouvert peut se mettre en place avec les clients… mais aussi les autres commerçants.

Cakes et tartes constituent l'offre sucrée, comme au marché.

Cakes et tartes constituent l’offre sucrée, comme au marché.

La démarche ne s’arrête pas au produit fini mais se déroule bien en amont : on voit ainsi beaucoup de pâtissiers mettre en avant la sélection de leurs matières premières, mais souvent sans notion de terroir. Certes, certaines régions françaises produisent de très bons beurres et crèmes, mais il devient aujourd’hui important de valoriser les productions locales. En Ile-de-France, des agriculteurs parviennent à proposer des fruits et légumes de grande qualité, et nous devrions avoir plus à coeur de les valoriser en les transformant avec tout le savoir-faire que peuvent avoir nos artisans. A la Petite Fabrique, les fruits venaient du marché, avec notamment les productions de Pierre Rigault, installé dans le Val d’Oise. Une « pâtisserie locale » se met ainsi en place, et contribue à faire vivre tout un écosystème gourmand.

La carte est courte, ce qui permet d'utiliser des produits de qualité avec des prix abordables.

La carte de la Cabane est courte, ce qui permet d’utiliser des produits de qualité avec des prix abordables.

« Continuer à créer et faire créer en toute simplicité »

Cela n’aura sans doute pas échappé aux plus assidus d’entre vous, la Petite Fabrique avait disparu du marché depuis plusieurs mois. Difficultés à trouver un laboratoire adapté, besoin de temps pour d’autres projets, saison difficile, … les raisons sont nombreuses à l’absence de ce petit espace de douceur urbaine. Il faut dire que Carole Belenus ne manque pas de projets et d’envies : elle accompagne depuis plusieurs années des créateurs guadeloupéens – sa région d’origine – pour valoriser leurs produits et leur permettre de se développer. Une activité qui l’amène ainsi à avoir un pied en France mais aussi dans les îles, où elle a tissé des liens forts avec l’Office de Tourisme local.

Dans la Cabane du Jardin du Mac/Val de Vitry-sur-Seine, la table de préparation des tartes feuilletées et wraps occupe une place importante. A chaque ingrédient son bac... avant de rejoindre son contenant. Pour le service, plateaux de bois ou pots de fleurs complètent ce tableau champêtre.

Dans la Cabane du Jardin du Mac/Val de Vitry-sur-Seine, la table de préparation des tartes feuilletées et wraps occupe une place importante. A chaque ingrédient son bac… avant de rejoindre son contenant. Pour le service, plateaux de bois ou pots de fleurs complètent ce tableau champêtre.

Hors de question de nous oublier, et c’est pour le plus grand plaisir des gourmands amateurs d’art qu’elle propose sa « cabane gourmande » depuis la semaine passée, et chaque week-end du mois d’août, au sein du jardin du Musée du MAC/VAL à Vitry-sur-Seine. Au programme ? Côté salé, wraps voyageurs ou tartes feuilletées associant purée crémeuse de petits mois à la menthe, poulet mariné au curry, graines germées, légumes crus et cuits, entre autres astuces et saveurs… Côté sucré, toujours les charmants cakes à  la part, cookies gourmands aux épices et fruits secs, tartes feuilletées aux fruits de saison, mais aussi des glaces – réalisées par une de ses amies. Pomme granny citronnée, amarena (glace au yaourt & coulis de cerises), vanille, … des propositions à la texture onctueuse et au sucre bien dosé.

Glaces, La Petite Fabrique au Jardin, Vitry-sur-Seine (94)

C’est aussi là que s’exprime tout le talent de Carole Belenus : elle sait aussi bien créer – en sucré et en salé ! – que s’entourer de producteurs discrets mais partageant la même passion qu’elle pour le beau et le bon. Ainsi, notre pâtissière va cueillir ses fruits et légumes au sein des Vergers Champlain, un petit producteur d’Ile de France (94), installé à 20km du musée.

« Se développer en ne perdant pas de vue ses fondamentaux »

Le talent de la pâtissière n’est pas passé inaperçu, et les sollicitations ont été nombreuses : on l’avait ainsi consultée pour mettre au point l’offre sucrée d’un lieu de restauration ouvert sur les Grands Boulevards par un important groupe agro-alimentaire, en plus des nombreux événementiels sur lesquels elle est intervenue et continue d’intervenir. On la retrouvera ainsi en septembre aux côtés du CERVIA pour une semaine autour du « consommer local », avec sa petite cabane.
Hors de question de se laisser bercer par le succès et oublier les marchés qui l’on faite connaître : de retour en septembre aux Enfants Rouges, elle inaugurera à la fin du même mois un comptoir-laboratoire plus pérenne dans le 18è arrondissement, en plein coeur du Marche de l’Olive.

La Cabane affiche des couleurs vives et s'inscrit parfaitement dans le paysage du jardin.

La Cabane affiche des couleurs vives et s’inscrit parfaitement dans le paysage du jardin.

La Petite Fabrique deviendra-t-elle donc grande ? Peut-être, mais pas tout à fait. Une chose est sûre, elle conservera ce côté naïf, simple, vivant et accessible. Un havre de paix où tout le monde se retrouve : les créations de Carole Belenus parlent à tous, petits et grands. Rendez-vous donc à Vitry-sur-Seine en ce mois d’août, avec une dernière édition « spéciale » pour la dernière semaine, puisque des créations gourmandes, élaborées avec la complicité de 4 artistes inspirés par la nature (Karine Bonneval, artiste, Vaulot et Dyèvre, scénographes-designer, Zelda Georgel, artiste plasticienne, Simone Fehninger, designer graphiste vidéaste), seront proposées. Puis, pour oublier la tristesse de la rentrée, on retrouvera le chemin des marchés… sur la trace de cette artiste-artisan.

Infos pratiques

La Petite Fabrique au Jardin – Jardin du Musée d’art contemporain du Val-de-Marne – MAC/VAL
Place de la Libération – 94400 Vitry-sur-Seine / tél : 01 43 91 64 20
Moyens d’accès : http://www.macval.fr/francais/pratique/article/plan-d-acces

Tous les week-ends du mois d’août, de 12h à 19h.

Mon parcours painrisien s’est teinté de souvenirs, au fil du temps et des rencontres. Des hommes, des femmes, autant de couleurs, d’envies, d’aspirations et de vues sur la profession qui ont fait évoluer ma connaissance et mon appréciation des boulangeries au quotidien. Pour autant, je reviens toujours à mes premiers amours, à ces adresses qui ont développé mon goût pour le pain et cet univers que je méconnaissais bien, avant d’y « plonger » comme j’ai pu le faire depuis 2 ans.

En descendant la rue Caulaincourt vers la place de Clichy, la belle boulangerie d'angle de Gontran Cherrier attire l'oeil par ses larges baies vitrées et son aménagement sobre. Cette boutique tout en longueur offre aux clients la possibilité de consommer sur place, grâce à des tables-mange debout disposés face aux vitrines extérieures. Autant lieu de vie que de passage, cette boulangerie contemporaine ne manque pas de charme, de simplicité et d'élégance.

En descendant la rue Caulaincourt vers la place de Clichy, la belle boulangerie d’angle de Gontran Cherrier attire l’oeil par ses larges baies vitrées et son aménagement sobre. Cette boutique tout en longueur offre aux clients la possibilité de consommer sur place, grâce à des tables-mange debout disposés face aux vitrines extérieures. Autant lieu de vie que de passage, cette boulangerie contemporaine ne manque pas de charme, de simplicité et d’élégance.

Décembre 2010, alors vendeur au sein d’une prestigieuse maison pâtissière de la capitale, j’entendais pour la première fois parler de Gontran Cherrier… avec visiblement un sacré train de retard, car le patronyme de ce boulanger-animateur de télévision-auteur-… était déjà à l’époque bien loin d’être inconnu au bataillon de la grande « sphère culinaire ». J’ai appris à le connaître par ses produits, pour ma part, car c’est le 18 de ce fameux mois que l’artisan a ouvert sa première boutique au 22 rue Caulaincourt, dans le 18è arrondissement. Le 18 dans le 18è, était-ce un signe ? Pourquoi pas.

« J’avais besoin du contact avec la clientèle »

L’ancrage de ce boulanger dans la profession est plus que profond : issu d’une famille de boulangers – plus précisément de la 4è génération de celle-ci -, il a autant profité du savoir-faire transmis par ses ancêtres que par sa propre expérience. Au delà du fournil familial de Luc-sur-Mer puis de Marcoussis, le jeune artisan a voulu voir plus loin. Loin dans la gastronomie, avec des expériences chez des chefs étoilés comme Alain Passard ou Senderens. Géographiquement également, au travers de nombreux voyages – Russie, Roumanie, Italie, Chine, Maroc… Il y découvre des goûts et des cultures qu’il incorpore aujourd’hui encore dans ses créations, tout en développant sa technique avec notamment la mise en place d’outils de production boulangers.

Chez Gontran Cherrier, les cultures et saveurs se croisent, se rencontrent, s'entrechoquent. L'offre de pains rassemble ainsi des saveurs d'ici - baguette de Tradition, pain de campagne, ... - et d'ailleurs - miso, curry, muscade, poivre... beaucoup d'épices des 4 coins du monde, mais aussi des spécialités comme le bagel ou le bun. Beaucoup de produits sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir sa quantité et de goûter, picorer, pour découvrir l'univers gourmand de Gontran Cherrier.

Chez Gontran Cherrier, les cultures et saveurs se croisent, se rencontrent, s’entrechoquent. L’offre de pains rassemble ainsi des saveurs d’ici – baguette de Tradition, pain de campagne, … – et d’ailleurs – miso, curry, muscade, poivre… beaucoup d’épices des 4 coins du monde, mais aussi des spécialités comme le bagel ou le bun. Beaucoup de produits sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir sa quantité et de goûter, picorer, pour découvrir l’univers gourmand de Gontran Cherrier.

Gontran Cherrier est loin pour autant d’en oublier le relationnel… et même les médias : on le voit sur Canal+, M6 ou encore Cuisine TV, en plus de la rédaction de plusieurs ouvrages autour du pain et de la boulangerie : Les tartines de Gontran, Gontran fait son pain, Pains… les titres ne manquent pas et on retrouve là une belle volonté de transmission, qu’il avait déjà eu l’occasion de mettre en oeuvre au sein de l’École de boulangerie et de pâtisserie de Paris, où il a reçu la casquette de formateur.

Même si Gontran Cherrier n'est plus impliqué directement dans le domaine de la restauration, il continue à y contribuer en apportant ses pains aromatiques. Ainsi, de nombreux restaurant parisiens ont fait appel à lui pour leur fournir des produits. Ici, un carton de buns jus de roquette-graines de courge en partance pour le Drugstore Publicis.

Même si Gontran Cherrier n’est plus impliqué directement dans le domaine de la restauration, il continue à y contribuer en apportant ses pains aromatiques. Ainsi, de nombreux restaurant parisiens ont fait appel à lui pour leur fournir des produits. Ici, un carton de buns jus de roquette-graines de courge en partance pour le Drugstore Publicis.

Ce savoir-faire a naturellement trouvé du sens auprès d’industriels, de restaurateurs ou encore d’organismes variés à l’étranger, pour lesquels il travaille au travers de sa société de conseil créée en 2007. Seulement voilà, nos artisans n’oublient jamais tout à fait leurs origines, et c’est ainsi qu’est née l’idée d’ouvrir sa propre boulangerie à Paris. Plusieurs mois de travaux auront été nécessaires pour transformer le 22 rue Caulaincourt, une boutique d’angle n’ayant pas connu le succès nécessaire à sa survie. Le résultat répond aux attentes du boulanger et de ses associés : un lieu clair, associant boiseries et carrelage blanc biseauté style métro. Je me souviens d’y avoir vu Gontran Cherrier au service de nombreuses fois, après l’ouverture. Mettre les choses en place, s’inscrire dans le quartier… puis avancer, encore et encore.

« Je voulais dès le début me développer à l’international »

Avancer, il l’a fait en ouvrant de nouvelles boutiques : cela a commencé avec celle de la rue Juliette Lamber, dans le 17è arrondissement, acquise principalement pour son grand laboratoire, en comparaison avec l’espace très exigu de la rue Caulaincourt. Le plus important pour notre boulanger gourmand était le développement à l’international : il portait cette idée depuis le début de cette nouvelle aventure.
Pour cela, Gontran Cherrier n’est pas seul : ses associés et investisseurs l’accompagnent et lui permettent d’assurer le fonctionnement serein de l’entreprise. Ce « modèle » est bien différent de celui du boulanger traditionnel, qui engage souvent ses fonds et sa famille, mais cela se défend par un positionnement particulier.

Ici, on cuit toute la journée, afin de proposer du pain frais. Cette fraicheur est essentielle pour Gontran Cherrier, qui envie parfois les volumes réalisés dans ses boutiques asiatiques, permettant de proposer des gammes plus larges avec une rotation optimale.

Ici, on cuit toute la journée, afin de proposer du pain frais. Cette fraicheur est essentielle pour Gontran Cherrier, qui envie parfois les volumes réalisés dans ses boutiques asiatiques, permettant de proposer des gammes plus larges avec une rotation optimale.

Singapour puis le Japon, où il vient d’inaugurer sa seconde boutique, l’Asie est une terre fertile pour la boulangerie française et ce n’est pas un hasard si le succès est si important là bas : la clientèle est particulièrement ouverte et passionnée par cet univers gastronomique autour du pain, des viennoiseries et des douceurs « à la française ». Cela permet de proposer des gammes plus variées, de laisser libre cours à la généreuse créativité de l’artisan et de ses équipes. A l’inverse de plusieurs de ses confrères, Gontran Cherrier a fait le choix d’utiliser une grand partie des matières premières disponibles localement : le beurre est japonais, la farine le sera au terme d’un travail mené avec Agrisystem, afin d’obtenir un produit 100% local – un challenge qui motive vraiment l’artisan. A Singapour, l’approvisionnement est plus « classique », avec de la farine des moulins Foricher et du beurre normand.

Au fournil, on s'active toute la journée pour préparer, façonner, cuire le pain et les douceurs proposées en boutique et aux restaurateurs. L'espace contraint du 22 rue Caulaincourt a incité Gontran Cherrier et ses associés à s'installer rue Juliette Lamber, où le laboratoire est bien plus spacieux.

Au fournil, on s’active toute la journée pour préparer, façonner, cuire le pain et les douceurs proposées en boutique et aux restaurateurs. L’espace contraint du 22 rue Caulaincourt a incité Gontran Cherrier et ses associés à s’installer rue Juliette Lamber, où le laboratoire est bien plus spacieux.

D’autres projets d’expansion sont d’ores et déjà planifiés, avec une nouvelle boutique au Japon dès le début de l’année prochaine. Cela n’exclut pas pour autant d’autres surprises, selon les opportunités à venir.

« J’aime aller vite, je ne suis pas très patient »

On ressent bien dans ce bouillonnement une certaine impatience, une volonté d’aller toujours plus vite, toujours plus loin. C’est sans doute pour cela qu’il s’est installé à Saint-Germain-en-Laye, en marge de ses implantations asiatiques. Pourtant, là-bas, il a vite compris qu’il faudrait du temps pour convaincre une clientèle plutôt traditionaliste. Depuis décembre dernier, Charles – son responsable de boutique – et ses équipes réalisent un important travail en ce sens.

Chez Gontran Cherrier, les cultures et saveurs se croisent, se rencontrent, s'entrechoquent. L'offre de pains rassemble ainsi des saveurs d'ici - baguette de Tradition, pain de campagne, ... - et d'ailleurs - miso, curry, muscade, poivre... beaucoup d'épices des 4 coins du monde, mais aussi des spécialités comme le bagel ou le bun. Beaucoup de produits sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir sa quantité et de goûter, picorer, pour découvrir l'univers gourmand de Gontran Cherrier.

Chez Gontran Cherrier, les cultures et saveurs se croisent, se rencontrent, s’entrechoquent. L’offre de pains rassemble ainsi des saveurs d’ici – baguette de Tradition, pain de campagne, … – et d’ailleurs – miso, curry, muscade, poivre… beaucoup d’épices des 4 coins du monde, mais aussi des spécialités comme le bagel ou le bun. Beaucoup de produits sont vendus au poids, ce qui permet à chacun de choisir sa quantité et de goûter, picorer, pour découvrir l’univers gourmand de Gontran Cherrier.

Le pain, lui aussi, aime se faire désirer et c’est ainsi qu’il revêt ses formes les plus nobles et riches : avec la fermentation, le produit développe sa palette aromatique, ses différentes qualité (de conservation, notamment)… Un processus que Gontran Cherrier aime étudier et mettre en valeur, tout en gardant son côté un peu frondeur : certaines de ses créations ont eu un recours important aux épices, ces dernières n’attendant pas pour parler. A côté de cela, le produit de Tradition demeure et il convient de lui donner ses lettres de noblesse.

« La boulangerie doit se tourner vers le terroir pour continuer à exister »

Justement, les traditions et les recettes se rattachant au terroir sont vitaux pour notre boulanger qui s’est transformé pendant quelques semaines en une sorte de routard des fournils français, avec 84 boulangeries visitées pour le compte de M6. Au travers de ces visites, il a pu découvrir de nombreuses spécialités locales et constater le succès rencontré par ces dernières auprès de la clientèle. En effet, en des temps troublés, les individus ont besoin de se retrouver dans des histoires simples et vraies, et nos artisans sont particulièrement bien placés pour réaliser ce travail.

Même si tous les pains sont proposés "nature", Gontran Cherrier n'en propose pas moins ses propres recettes réalisées sur place par ses ouvriers. Sandwiches sur base de baguette (de Tradition, mais aussi Céréales-Curry), focaccias garnies... les propositions ne manquent pas.

Même si tous les pains sont proposés « nature », Gontran Cherrier n’en propose pas moins ses propres recettes réalisées sur place par ses ouvriers. Sandwiches sur base de baguette (de Tradition, mais aussi Céréales-Curry), focaccias garnies… les propositions ne manquent pas.

Ce travail de réappropriation des coutumes doit se faire en complément de celui qui nous rapproche de nos racines… et plus précisément des matières premières locales, avec la mise en place de filières courtes. Certes, la pratique est plus difficilement applicable en Ile-de-France, mais elle ne manque pas de sens en terme de goût et de qualité des relations producteur-transformateur. La question pourrait paraître moins centrale en boulangerie-pâtisserie, mais c’est tout le contraire : farines, oeufs, lait, beurre, légumes, fruits… Les activités de pâtisserie et de traiteur – toujours plus importantes – élargissent le champ des produits présents dans le fournil d’un artisan.

C'est mignon et c'est bon, la tarte aux oignons roses surprend les yeux avant de séduire les papilles.

C’est mignon et c’est bon, la tarte aux oignons roses surprend les yeux avant de séduire les papilles.

Gontran Cherrier a fait le choix, depuis le début, d’utiliser la farine des Moulins Foricher, car il partage avec cette entreprise un état d’esprit d’ouverture et de dynamisme. Malgré tout, le prix des matières premières a globalement tendance à s’envoler et il y a là matière à se poser quelques questions.

« Je suis inquiet pour l’avenir de notre filière en raison de la contrainte des prix »

Même si les cours du blé, des oeufs et autres produits laitiers s’enflamment, il sera bien difficile pour un boulanger de répercuter pleinement la hausse auprès de sa clientèle : dès lors, la part que prennent ces éléments dans le prix final du produit augmente… et la marge diminue. Ce n’est pas toujours facile à assumer, d’autant plus dans certaines zones où la clientèle possède des moyens limités. A terme, c’est l’ensemble de la filière qui est en danger.

L'offre de pâtisseries a le bon goût de rester très boulangère : la signature de Gontran Cherrier, ce sont ces tartes "au mètre" vendues à la part, dont la fameuse amandine et sa pointe de rhum. L'idée est de toujours proposer des goûts francs et marqués.

L’offre de pâtisseries a le bon goût de rester très boulangère : la signature de Gontran Cherrier, ce sont ces tartes « au mètre » vendues à la part, dont la fameuse amandine et sa pointe de rhum. L’idée est de toujours proposer des goûts francs et marqués.

Rue Caulaincourt, rue Juliette Lamber ou à Saint-Germain-en-Laye, les prix pratiqués par les boulangeries Gontran Cherrier demeurent assez élevés, un fait qui a souvent été reproché à l’entreprise. Historiquement, ce choix avait été fait en raison des capacités de production limitées : le fournil de la première boutique est très exigu, et il était donc difficile de fabriquer en grande quantité. A défaut, il valait mieux vendre plus cher, pour assurer la pérennité de l’affaire.
Sur ce point, l’artisan mène de nombreuses réflexions et souhaiterait revenir à une boulangerie plus accessible, comme elle devrait toujours l’être. La clientèle Saint-Germinoise est riche en étudiants aux moyens naturellement limités. Il serait bien malvenu de se priver de leurs visites.

Impossible de ne pas tartiner son pain au petit déjeuner. Pour cela, Gontran Cherrier nous propose des confitures artisanales, réalisées dans la région de Besançon par Marie Petit, la fondatrice de "Ô Jardin Sucré". Cette dernière se révèle toute aussi créative que notre boulanger, avec des propositions qui sortent de l'ordinaire, comme la confiture Banane-Pomme-Café, la Poire-Carambar, entre autres déclinaisons gourmandes et savoureuses.

Impossible de ne pas tartiner son pain au petit déjeuner. Pour cela, Gontran Cherrier nous propose des confitures artisanales, réalisées dans la région de Besançon par Marie Petit, la fondatrice de « Ô Jardin Sucré ». Cette dernière se révèle toute aussi créative que notre boulanger, avec des propositions qui sortent de l’ordinaire, comme la confiture Banane-Pomme-Café, la Poire-Carambar, entre autres déclinaisons gourmandes et savoureuses.

« Parvenir à transmettre le métier et assurer une qualité de vie aux ouvriers »

Les jeunes, toujours les jeunes. Si l’on en parle autant, c’est qu’ils doivent occuper une place centrale en boulangerie-pâtisserie : sans eux, l’avenir de notre savoir-faire est nul. Un fait qui ne pouvait échapper à cet ancien professeur de l’EBP, une expérience qui lui permet aujourd’hui d’être plus efficace dans la transmission du savoir. Son nom est aussi une excellente source de candidatures : de nombreux apprentis ou stagiaires sont attirés par le certain prestige qui lui est associé, et il reçoit ainsi de nombreuses candidatures.
Ainsi, ses fournils se font autant lieux de rencontres, d’étude que de production. Ajoutez à cela un caractère cosmopolite et vous obtenez un mélange qui correspond parfaitement à Gontran Cherrier : cette micro « entreprise-monde » s’enrichit quotidiennement des expériences et aspirations de chacun.

Le tableau noir reprend les principes de la maison : proposer des produits originaux, destinés à mettre en valeur les mets placés sur une table... avec toujours beaucoup de gourmandise.

Le tableau noir reprend les principes de la maison : proposer des produits originaux, destinés à mettre en valeur les mets placés sur une table… avec toujours beaucoup de gourmandise.

Le pain est une excellente source de dialogue, car il touche à peu près tout le monde, peu importe ses origines. Il faut aussi qu’il soit produit dans des conditions acceptables pour parvenir à fidéliser les ouvriers et assurer une qualité régulière : l’artisan a ainsi instauré un jour de fermeture « non négociable », où les boulangeries sont entièrement à l’arrêt. Même si cela pourrait changer à l’avenir du fait des demandes parfois pressantes de la part des partenaires et restaurateurs, la qualité de vie du personnel est essentielle. Rue Juliette Lamber, les opérations de tourage sont effectuées de plein-pied, tout comme la préparation des produits traiteur. A Saint-Germain-en-Laye, c’est l’ensemble de la boutique et de son laboratoire qui s’étendent sur un seul niveau.

Les pâtons attendent sagement d'être façonnés pour devenir de beaux pains...

Les pâtons attendent sagement d’être façonnés pour devenir de beaux pains…

La production n’est pas le seul secteur concerné : les vendeurs doivent bénéficier du même régime pour offrir à la clientèle un conseil pertinent et cohérent avec la démarche de la maison, axée autour de l’idée d’utiliser le pain comme un objet gastronomique. Pour cela, il faut également parvenir à leur transmettre du savoir, à les former : ainsi, Gontran Cherrier et ses responsables de boutique Felipe et Charles devraient aboutir à la mise en place d’un leaflet décrivant l’ensemble des produits, comme cela a déjà été fait pour les boutiques asiatiques.

« Les artisans sont plus ouverts qu’ils ne pouvaient l’être par le passé »

On néglige bien souvent l’importance de la transmission entre artisans. Certes, il faut former des apprentis, mais nous avons aussi à apprendre de notre voisin, de par sa vision différente du métier et de ses expériences. Chacun possède ses recettes, ses tours de main. Gontran Cherrier a pu le constater sur le terrain : les artisans boulangers sont aujourd’hui plus ouverts, ils hésitent moins à échanger et à se fédérer autour du beau projet qu’est celui de faire du beau et bon pain. En effet, la profession a fini par intégrer le fait qu’il fallait créer de la cohésion pour survivre et se développer. Les enjeux sont en effet nombreux, avec une concurrence directe des industriels mais aussi des grosses chaines boulangères du type Boulangerie Louise, Marie Blachère, etc. Pour le boulanger montmartrois, il s’agit là d’une forte incitation à se réinventer. Lui-même l’a fait en apportant un vrai souffle nouveau et en donnant une vraie dimension « cuisinée » au pain, en plus de tous les ouvrages et émissions de partage qu’il a pu réaliser.

C'est mignon et c'est bon, la tarte aux oignons roses surprend les yeux avant de séduire les papilles.

C’est mignon et c’est bon, la tarte aux oignons roses surprend les yeux avant de séduire les papilles.

« Avant de développer quoi que ce soit de nouveau, je veux ré-assurer les fondations de mes boutiques »

L’actualité a été chargée ces dernières semaines pour celui qui s’est fait, en compagnie de Bruno Cormerais, le juge des « meilleures boulangeries françaises ». Une expérience enrichissante, où il a notamment pu découvrir une belle joie de vivre chez nos artisans, chose que l’on peine à imaginer depuis notre petite lucarne parisienne.
De retour à Paris, ce sont des clients beaucoup moins télévisuels qu’il faut parvenir à satisfaire, et pour cela Gontran Cherrier a bien repris en mains les rennes de ses boulangeries : même si les équipes en place assurent leur travail avec application au quotidien, la présence de l’artisan pour assurer une « ligne directrice » est bien souvent nécessaire. Il va ainsi prendre le temps de reprendre avec ses collaborateurs les différentes gammes et habitudes, avant d’entamer un quelconque nouveau développement.

Si il y a bien une signature que l'on retrouve dans l'ensemble des boutiques de Gontran Cherrier, c'est ce plafond : multicolore, lumineux, il reflète bien l'état d'esprit de l'artisan qui ne s'inscrit pas dans des codes et conventions dépassés, mais se plaît au contraire à chahuter les habitudes.

Si il y a bien une signature que l’on retrouve dans l’ensemble des boutiques de Gontran Cherrier, c’est ce plafond : multicolore, lumineux, il reflète bien l’état d’esprit de l’artisan qui ne s’inscrit pas dans des codes et conventions dépassés, mais se plaît au contraire à chahuter les habitudes.

Pour autant, les projets ne manquent pas, avec des réflexions autour du moment du goûter, une ouverture en novembre au sein du futur centre commercial One Nation Paris aux Clayes-sous-Bois (en créant des synergies avec la boulangerie de Saint-Germain-en-Laye, … nul doute que l’on entendra encore beaucoup parler de cet homme talentueux et dynamique, à commencer par le 28 août, date de début des diffusions du programme « A la recherche de la Meilleure Boulangerie de France ».

Non, non, Gontran Cherrier n'est pas surfeur comme on pourrait le penser de prime abord... mais bel et bien boulanger !

Non, non, Gontran Cherrier n’est pas surfeur comme on pourrait le penser de prime abord… mais bel et bien boulanger !

Les grosses machines ont un côté attirant. Elles sont capables de produire le pire comme le meilleur, selon les hommes et les moyens que l’on place derrière. Il faut savoir les nourrir, leur apporter tout le soin nécessaire pour qu’elles continuent à fonctionner… ce qui est parfois usant, à long terme. Néanmoins, l’expérience demeure toujours très enrichissante, car cela permet d’acquérir des compétences pointues, que ce soit en terme de relations humaines ou sur le métier en lui-même. Au delà de ce mot de « machine », on devrait sans doute s’intéresser aux personnes qui sont derrière, à toutes ces petites mains habiles qui oeuvrent à actionner les manettes et ficelles, en coulisse.

Chez Joséphine Bakery, on ne partage pas qu'une tranche de pain... mais une tranche de vie ! La boutique a peu changé depuis sa reprise, ce qui rend le changement difficilement identifiable pour certains passants. Ainsi, l'ouverture du samedi n'est pas encore bien rentrée dans les habitudes.

Chez Joséphine Bakery, on ne partage pas qu’une tranche de pain… mais une tranche de vie !
La boutique a peu changé depuis sa reprise, ce qui rend le changement difficilement identifiable pour certains passants. Ainsi, l’ouverture du samedi n’est pas encore bien rentrée dans les habitudes.

Le fait est que cela manque de fantaisie, et que Benoît Castel sait bien en mettre dans ses créations, où il continue à s' »amuser »… c’est d’autant mieux que ce sont nos papilles qui sont, par la même occasion, amusées. Le chef pâtissier, que l’on a connu pendant 8 ans aux commandes du laboratoire sucré de La Grande Epicerie, a pris son envol à la fin de l’été dernier. Il a choisi de quitter cette grande maison pour atterrir… quelques centaines de mètres plus loin, au 42 rue Jacob, passant ainsi du 7è au 6è arrondissement.

On pourrait dire que Benoît Castel a un petit vélo dans la tête... mais en réalité, il est devant la boutique. Le triporteur est un outil idéal pour les livraisons à proximité, avec un caractère écologique bien dans l'air du temps.

On pourrait dire que Benoît Castel a un petit vélo dans la tête… mais en réalité, il est devant la boutique. Le triporteur est un outil idéal pour les livraisons à proximité, avec un caractère écologique bien dans l’air du temps.

Pour en arriver à la tête de ce vaisseau, ce breton d’origine a naturellement commencé son apprentissage à Rennes, avant de céder rapidement aux sirènes de la capitale. C’est dans ses hauteurs, et plus précisément à la Pâtisserie de l’Eglise, qu’il recevra des bases solides pour la suite de sa carrière. Tourage à la boulangerie attenante – le fameux 140, pâtisseries de boutique, … Jean-Claude Vergne et Pierre Demoncy ont tout particulièrement marqué Benoît Castel, en lui apportant plus que des connaissances techniques mais aussi une véritable vision humaine et juste du métier. Un univers bien différent de celui développé par Hélène Darroze, où il officiera pendant 4 ans, après avoir participé à l’ouverture du salon de Thé « Le Valentin », toujours présent dans les dédales du passage Jouffroy. Un passage par le service militaire et une saison en restauration le conforteront dans son idée de persister sur cette voie.

Benoît Castel, toujours le sourire aux lèvres, dans sa boutique du 42 rue Jacob.

Benoît Castel, toujours le sourire aux lèvres, dans sa boutique du 42 rue Jacob.

A chaque fois, ce travailleur acharné prend des virages importants, qui lui permettent d’élargir sa vision du métier. Cela continue avec sa prise de responsabilité au sein de la centrale de production du groupe Costes, où il est sensibilisé au respect du produit par Jean-Louis Costes. Puis 8 ans de Grande Epicerie, de nombreuses créations emblématiques et un style affirmé qui continue encore à marquer les vitrines de l’institution parisienne.

La boutique est remplie de détails qui nous renvoient à un univers doucement désuet et charmant. Ici, une boite de confiseries en fer, décorée avec soin.

La boutique est remplie de détails qui nous renvoient à un univers doucement désuet et charmant. Ici, une boite de confiseries en fer, décorée avec soin.

« Revenir aux fondamentaux du métier »

Juillet 2012, l’opportunité de reprendre cette petite affaire proche de Saint-Germain-des-Prés, le rapprochement avec son ami de longue date Jean-François Celbert (originaire de la même ville bretonne), la remise en question de l’année de la quarantaine… Autant d’éléments réunis qui ont amené Benoît Castel à revenir aux fondamentaux de son métier, à se tourner vers une clientèle de quartier, bien loin des desserts à l’assiette qu’il avait pu réaliser en restauration.

Ici, on ne trouve que des baguettes de Tradition. Ces dernières ont leur petit caractère, avec une note de levain, sans tomber dans l'acidité. Les cuissons sont parfois un peu courtes, mais on trouve toujours de quoi satisfaire l'ensemble des goûts.

Ici, on ne trouve que des baguettes de Tradition. Ces dernières ont leur petit caractère, avec une note de levain, sans tomber dans l’acidité. Les cuissons sont parfois un peu courtes, mais on trouve toujours de quoi satisfaire l’ensemble des goûts.

Ici, le parti-pris de l’artisan a été imposé immédiatement : des produits simples, honnêtes, réalisés avec des matières premières de haute qualité. Farines des Moulins Bourgeois, charcuteries Bellota, beurre Lescure, légumes frais et aussi locaux que possible… Des choix qui ont eu pour effet direct de perdre une partie de la clientèle, du fait du positionnement prix logiquement plus élevé, tout en attirant des amateurs du goût et de l’authentique.

Les sablés représentent une véritable "signature" chez Joséphine Bakery. Nature, au chocolat, garnis de confiture d'abricot ou de framboise, au gingembre... Ils s'invitent même en fond de tarte ! Les madeleines et financiers ne sont pas en reste, et offrent un moelleux remarquable.

Les sablés représentent une véritable « signature » chez Joséphine Bakery. Nature, au chocolat, garnis de confiture d’abricot ou de framboise, au gingembre… Ils s’invitent même en fond de tarte ! Les madeleines et financiers ne sont pas en reste, et offrent un moelleux remarquable.

Parmi les « gestes forts », on pourra aussi noter l’abandon pur et simple de la baguette de pain courant. Le ticket d’entrée est donc placé à 1,30€ les 275g avec la baguette de Tradition. L’idée était de simplifier l’organisation au sein du fournil, tout en développant une gamme de pains plus « pointue » et mieux maîtrisée.

La gamme de viennoiserie s'est resserrée au fil des mois. On y retrouve des classiques, très étudiés et travaillés. Chausson à la compote de pomme maison, croissants, pains au chocolat... Leur caractéristique ? Un goût de beurre bien présent : 1/3 de leur pâte en est constitué. Un parti-pris de l'artisan, qui exprime bien ses origines bretonnes. On appréciera également le travail sur la base du même levain naturel que pour le pain, avec un temps de fermentation de 3 jours... pour un résultat savoureux et croustillant !

La gamme de viennoiserie s’est resserrée au fil des mois. On y retrouve des classiques, très étudiés et travaillés. Chausson à la compote de pomme maison, croissants, pains au chocolat… Leur caractéristique ? Un goût de beurre bien présent : 1/3 de leur pâte en est constitué. Un parti-pris de l’artisan, qui exprime bien ses origines bretonnes. On appréciera également le travail sur la base du même levain naturel que pour le pain, avec un temps de fermentation de 3 jours… pour un résultat savoureux et croustillant !

« Créer un pain comme une recette de pâtisserie »

Le pain est un nouveau terrain de jeu pour notre artisan, reconnu pour ses talents de pâtissier. Même si la viennoiserie était loin de lui être étrangère, il lui fallait donc faire ses preuves dans un milieu différent. Dès le début, le travail du levain l’a particulièrement intéressé, et la plupart des pains développés par Joséphine Bakery en incorporent. C’est le cas pour la baguette de Tradition, qui conserve malgré tout une belle douceur sans acidité, avec un fond plus « tonique ».

Le fameux Pain du Coin, façonné en grosses pièces vendues à la coupe. Notez la cuisson toujours très aboutie, qui permet d'obtenir une croûte épaisse et caramélisée. Difficile de passer à côté des parfums dégagés par ce produit de caractère : le sel fumé de Salish fait merveille, tout comme la note de miel incorporée à la pâte.

Le fameux Pain du Coin, façonné en grosses pièces vendues à la coupe. Notez la cuisson toujours très aboutie, qui permet d’obtenir une croûte épaisse et caramélisée. Difficile de passer à côté des parfums dégagés par ce produit de caractère : le sel fumé de Salish fait merveille, tout comme la note de miel incorporée à la pâte.

Le secret ? Un levain naturel cultivé sur une base de coing, ce qui permet de ne pas tomber dans un caractère acétique trop marqué. L’autre secret, même s’il n’en est pas un, c’est la présence dans le fournil d’un boulanger expérimenté et passionné.

Au sous-sol, Didier Marchand confectionne avec beaucoup de soin les petits pains gourmands, garnis de leurs mélanges de légumes et fromages.

Au sous-sol, Didier Marchand confectionne avec beaucoup de soin les petits pains gourmands, garnis de leurs mélanges de légumes et fromages.

Dès les premières heures de la journée, Didier Marchand veille sur la fabrication du pain avec beaucoup d’attention. Ayant intégré l’équipe pour un dépannage, il l’a finalement rejointe de façon durable depuis près de 8 mois. Au cours de cette période, un dialogue permanent avec Benoît Castel s’est mis en route, pour aboutir à la gamme proposée aujourd’hui en boutique.

Une étape essentielle avant l'enfournement des baguettes : le lamage. Une opération que Didier Marchand réalise près de 600 fois dans une journée, puisque c'est le volume de baguettes produit ici, sandwiches y compris.

Une étape essentielle avant l’enfournement des baguettes : le lamage. Une opération que Didier Marchand réalise près de 600 fois dans une journée, puisque c’est le volume de baguettes produit ici, sandwiches y compris.

S’il y a bien une signature au 42 rue Jacob, c’est le Pain du Coin. D’un produit à la farine de Meule, poussé avec peu de levure et du levain, nous sommes aujourd’hui arrivés à un vrai pain de caractère. Pour cela, une démarche singulière s’est mise en place pendant 6 mois : l’idée était de créer sa recette comme celle d’une pâtisserie. Le résultat ne manque pas de panache : 10kg de farine par pièce, une hydratation proche des 70%, une fermentation pouvant aller jusqu’à 72h… puis une cuisson très marquée, pour une croûte épaisse et remplissant parfaitement son rôle de concentration des arômes. La mie, dense mais souple, surprend par ses notes de miel, mais aussi de fumé. Ce n’est pas le fruit du hasard, mais plutôt d’une rencontre.

Les croûtons incorporés aux salades font l'objet d'autant d'attention que le reste : des tranches de Pain du Coin ou de fougasse frottés à l'ail puis grillées... Le tour est joué !

Les croûtons incorporés aux salades font l’objet d’autant d’attention que le reste : des tranches de Pain du Coin ou de fougasse frottés à l’ail puis grillées… Le tour est joué !

En découvrant le sel de Salish, Benoît Castel a été immédiatement séduit par son parfum particulier et a souhaité l’intégrer à son pain. L’artisan « rencontre » des matières premières et fait évoluer son produit…

Comme un clin d'oeil à l'attachement de Benoît Castel aux matières premières, on trouve en boutique des tubes présentant des grains de blés... essentiels pour une farine de qualité !

Comme un clin d’oeil à l’attachement de Benoît Castel aux matières premières, on trouve en boutique des tubes présentant des grains de blés… essentiels pour une farine de qualité !

« Les rencontres font évoluer notre façon de concevoir et de faire notre métier »

Puisque nous parlons de rencontres, ces dernières sont essentielles pour l’artisan, d’autant plus dans un métier où l’humain demeure un facteur clé. Notre pâtissier demeure encore marqué par sa collaboration avec les chefs de la Pâtisserie de l’Eglise, et essaie d’avoir le même rôle à son tour auprès de l’équipe de 9 personnes qui compose aujourd’hui Joséphine Bakery. Il ne s’agit donc pas d’être chef d’entreprise, de superviser les opérations ou de participer à la production quotidienne. Non, c’est une vision et une patte qui doivent être imprimés sur l’entreprise.

Non, Benoît Castel et Marie n'admirent pas une oeuvre d'art mais s'assurent de la pertinence de l'assemblage d'une salade. Au quotidien, les recettes sont remises en question pour tenter de faire toujours plus savoureux.

Non, Benoît Castel et Marie n’admirent pas une oeuvre d’art mais s’assurent de la pertinence de l’assemblage d’une salade. Au quotidien, les recettes sont remises en question pour tenter de faire toujours plus savoureux.

Dans le laboratoire, les idées se rencontrent et se confrontent au quotidien : questions de goût, de tours de main, d’objectif… la remise en question est permanente et permet de consolider l’acquis mis en place depuis la reprise des lieux. En parallèle, des chantiers de plus longue haleine sont menés : 3 mois ont été ainsi dédiés à la mise au point d’une gamme de viennoiseries affinée, une ligne de tartes est en réflexion pour la rentrée, … Pour chacune de ces évolutions, c’est l’ensemble de l’équipe qui goûte et donne son avis. Vente ou production, Benoît Castel met un point d’honneur à impliquer chaque personne dans le processus.

Arnaud est un collaborateur de longue date de Benoît Castel : il ont en effet travaillé ensemble pendant 4 ans au sein des laboratoires de la Grande Epicerie. Une relation de confiance et de respect.

Arnaud est un collaborateur de longue date de Benoît Castel : il ont en effet travaillé ensemble pendant 4 ans au sein des laboratoires de la Grande Epicerie. Une relation de confiance et de respect.

« Faire rêver les jeunes et les salariés »

Que ce soit en boutique ou au laboratoire, le personnel a d’ailleurs très peu « tourné » depuis l’installation de Joséphine Bakery. Que ce soit Clémentine, responsable des ventes, ou Arnaud, responsable de la production, et les petites mains agiles qui créent ou vendent ces douceurs jour après jour (Marie, Sarah, Didier, …), chacun participe à l’aventure… et cela n’est sans doute pas étranger à l’état d’esprit bien particulier développé ici : même si l’exigence est de mise, il faut aussi savoir rêver et faire rêver, accorder de la confiance. Se détacher un peu des préoccupations quotidiennes, prendre de la distance pour voir plus loin, pour apprécier le goût des choses et de ce que l’on fait… Un programme que bien d’autres devraient intégrer à leurs préoccupations. C’est sans doute de cette façon que l’on parviendra à faire accepter ce métier à plus de jeunes, malgré son caractère assez « marginal » – lié aux horaires et aux difficultés physiques de ce dernier.

La fin d'année scolaire est une période propice aux stages. Ici, Arnaud, le responsable de production, explique à un jeune comment gratter efficacement une gousse de Vanille. Une tâche anodine, mais faisant partie du quotidien d'un pâtissier.

La fin d’année scolaire est une période propice aux stages. Ici, Arnaud, le responsable de production, explique à un jeune comment gratter efficacement une gousse de Vanille. Une tâche anodine, mais faisant partie du quotidien d’un pâtissier.

« Pour perdurer, les artisans devront être pointus et créatifs »

Puisqu’il est question d’apprentis, parlons un peu d’avenir. Benoît Castel est sensible à l’environnement concurrentiel dans lequel il évolue, avec notamment des offensives de la moyenne et grande distribution (installation de points chauds dans les supérettes Dia, …). Malgré la tentation des produits industriels, sa position est de chercher à se différencier par le goût et la qualité. Le savoir-faire des artisans demeure un élément essentiel et il doit être utilisé pour développer des produits « pointus », intégrant une large part de technique et de tours de main. Inutile de se disperser dans une gamme trop étendue et mal maîtrisée : à l’image de ce qui est pratiqué chez Joséphine Bakery, on peut très bien se concentrer sur quelques références très qualitatives…

L'essentiel de la gamme de pains est regroupé ici. Réalisés à partir des farines des Moulins Bourgeois, ils présentent chacun leur spécificité : le pain de mie, très moelleux, se rapproche de la brioche, tandis que la fougasse olive-cumin séduit par la saveur subtile des Taggiasche associée à la vivacité du cumin... Viennoises et pain cacao complètent la gamme.

L’essentiel de la gamme de pains est regroupé ici. Réalisés à partir des farines des Moulins Bourgeois, ils présentent chacun leur spécificité : le pain de mie, très moelleux, se rapproche de la brioche, tandis que la fougasse olive-cumin séduit par la saveur subtile des Taggiasche associée à la vivacité du cumin… Viennoises et pain cacao complètent la gamme.

Ces démonstrations de compétence ne doivent cependant pas rester invisibles, et la communication fait partie des axes à développer pour exister sur la « scène médiatique ». Le 42 rue Jacob n’a pas encore fait beaucoup parler de lui, mis à part pour des événements ponctuels comme les bûches de Noël ou le récent Bar à Tartines éphémère de la marque Philadelphia. A cela plusieurs raisons : l’entreprise est encore jeune, et il faut lui laisser le temps de se mettre en place sereinement. De plus, cela nécessite un budget conséquent.

Au premier plan, les meringues en forme de cupcakes attirent l'oeil. Ce qui devait être un simple produit de décoration est rapidement devenu un best-seller. C'est d'autant plus amusant que Benoît Castel avait mis au point cette idée pour faire un pied de nez aux cupcakes, meringues et macarons qu'il ne souhaitait pas proposer chez Joséphine Bakery. Au déjeuner, quiches, pizzas et autres burgers rencontrent un certain succès... tout comme les pâtisseries, le coeur de métier de notre artisan. Cheesecake et sa pipette de coulis de fruit, tartes variées (au citron frais, aux fruits de saison...), Petit Pralin, clafoutis et autres flans ou fars bretons... De la simplicité mais beaucoup de goût, à des tarifs raisonnables compte tenu de la qualité.

Au premier plan, les meringues en forme de cupcakes attirent l’oeil. Ce qui devait être un simple produit de décoration est rapidement devenu un best-seller. C’est d’autant plus amusant que Benoît Castel avait mis au point cette idée pour faire un pied de nez aux cupcakes, meringues et macarons qu’il ne souhaitait pas proposer chez Joséphine Bakery.
Au déjeuner, quiches, pizzas et autres burgers rencontrent un certain succès… tout comme les pâtisseries, le coeur de métier de notre artisan. Cheesecake et sa pipette de coulis de fruit, tartes variées (au citron frais, aux fruits de saison…), Petit Pralin, clafoutis et autres flans ou fars bretons… De la simplicité mais beaucoup de goût, à des tarifs raisonnables compte tenu de la qualité.

Pour autant, je suis persuadé que l’on ne finira pas d’entendre parler de Benoît Castel et de Joséphine Bakery, tant les projets et envies sont nombreux… avec toujours beaucoup de fantaisie et de fraicheur.

La tendance actuelle est d’accumuler les diplômes, de multiplier les écoles et années d’études. Cela répondrait à une demande des entreprises, même si la difficulté de nombreuses « têtes bien faites » à trouver du travail met sérieusement à mal cette affirmation. Surdiplômés, trop coûteux, avec des formations peu en adéquation avec les besoins opérationnels… les raisons sont nombreuses et les résultats désastreux. Alors qu’on leur avait promis une carrière dorée, ils finissent par être contraints de chercher des métiers « de base ». J’aurais bien du mal à voir quoi que ce soit de dégradant là dedans, mais tout le monde ne partage pas le même avis. A plus forte raison quand on a sacrifié plusieurs années de sa vie pour… rien ?

Il aurait été difficile de prendre ce cliché ailleurs qu'ici : Dominique Saibron est pleinement dans son élément, au coeur des pains de sa boulangerie. La baguette Alésiane et sa farine de Tradition CRC bien sûr, mais aussi la boule Bio réalisée à partir du fameux levain de miel et d'épices qui a voyagé à travers le monde...

Il aurait été difficile de prendre ce cliché ailleurs qu’ici : Dominique Saibron est pleinement dans son élément, au coeur des pains de sa boulangerie. La baguette Alésiane et sa farine de Tradition CRC bien sûr, mais aussi la boule Bio réalisée à partir du fameux levain de miel et d’épices qui a voyagé à travers le monde…

A l’autre extrémité, d’autres ont fait le choix d’apprendre entièrement par eux-mêmes. Le choix, ou l’obligation : la vie et la société ne sont pas toujours tendres avec les individus, et l’égalité des chances reste encore aujourd’hui un beau concept.
Dominique Saibron est de ceux-ci : le fameux boulanger est parvenu à acquérir les techniques du métier par la force de sa volonté et son travail acharné. Ces deux traits de caractère qui lui avaient d’ailleurs permis de tracer sa route dans la pâtisserie : c’est en effet dans le sucre que l’artisan a réalisé ses premières armes. Aide de cuisine dans une clinique privée, le chef – passionné de pâtisserie – l’a encouragé dans cette voie et a ainsi développé le goût de ce jeune de 17 ans pour un univers en pleine mutation à l’époque. Fortement inspiré par les méthodes de Gaston Lenôtre, dont les techniques faisaient référence, il s’exerce autant dans la cuisine familiale qu’au sein des cuisines de restaurant où il évolue rapidement. Etablissements gastronomiques, parfois étoilés, à Paris comme en région… Le jeune Saibron a soif d’expériences et d’apprentissage.

Pain aux raisins, aux figues, à l'épeautre... Ici, nous avons un aperçu anarchique de la gamme de pains Biologiques de Dominique Saibron.

Pain aux raisins, aux figues, à l’épeautre… Ici, nous avons un aperçu anarchique de la gamme de pains Biologiques de Dominique Saibron.

Puis vient une rencontre, le pain. En 1985, le patron de La Safranée, pour qui il travaillait alors, souhaitait réaliser le sien du fait de la difficulté à s’approvisionner en produits de qualité à cette époque. Grâce à la rigueur acquise de par sa formation de pâtissier, l’artisan intègre rapidement les éléments qui lui permettent de faire du « bon pain ». Un stage de perfectionnement chez Lenôtre et beaucoup d’essais… la machine est lancée. Deux ans plus tard, 1987, on retrouve Dominique Saibron dans sa propre boutique, place Constantin Brancusi, dans le 14è arrondissement.
Faire le tour du monde, s’installer au Japon, pour finalement revenir dans la même localité… La vie d’un artisan est un éternel recommencement, à l’image des gestes qu’il reproduit chaque jour.

Ici, tout est cuit au four à sole, y compris les macarons : Dominique Saibron a fait ce choix dès son installation. Ainsi, on obtient des croissants et viennoiseries bien "charpentés", à la sole marquée.

Ici, tout est cuit au four à sole, y compris les macarons : Dominique Saibron a fait ce choix dès son installation. Ainsi, on obtient des croissants et viennoiseries bien « charpentés », à la sole marquée.

« Chaque jour remettre en question ce que l’on a fait la veille »

Certes, les gestes sont les mêmes, mais le résultat pourra différer si l’on ne prend pas garde à la façon on les réalise, et ce caractère répétitif pourra engendrer une lassitude aboutissant quasi-inévitablement à une baisse de qualité. Au 77 avenue du Général Leclerc, la routine n’a pas vraiment de place, et l’artisan tient à ce que l’on remette en question chaque jour sa façon de travailler pour continuer à évoluer et à innover.
C’est sans doute ce qui explique sa longévité dans la profession, et le fait qu’il reste aujourd’hui une référence. Plusieurs autres acteurs se sont lancés à la même époque, mais le manque de renouvellement de leurs gammes et procédés les ont condamnés à une lente perte de vitesse.

Le grand comptoir donne une certaine force au lieu, qui acquiert ainsi un caractère "de vie" plus que "de passage".

Le grand comptoir donne une certaine force au lieu, qui acquiert ainsi un caractère « de vie » plus que « de passage ».

Même si la boulangerie est un métier très ancien, il reste aujourd’hui de nombreuses pistes de changement qu’il faut explorer : avec le développement croissant de la restauration hors-foyer, le pain n’a plus la même place dans les entreprises de boulangerie artisanale, et leur survie tient aussi à leur capacité d’adaptation, en terme d’offre et de moyens de production. Dominique Saibron l’a bien compris, et sa boutique d’aujourd’hui n’a plus grand chose à voir avec celle ouverte en 1987. Le plus frappant est sans doute l’espace dévolu à la restauration, avec un grand comptoir et une large terrasse.

La boulangerie de Dominique Saibron et sa terrasse trônent majestueusement sur la rugissante place d'Alésia.

La boulangerie de Dominique Saibron et sa terrasse trônent majestueusement sur la rugissante place d’Alésia.

En effet, à l’étranger, on ne conçoit pas une boulangerie sans places assises, permettant de consommer viennoiseries et autres gourmandises de façon commode et conviviale. Bien sûr, l’emplacement a contribué à cet aménagement, de par son caractère large et spacieux. Rien à voir avec les boutiques du Boulanger de Monge, fondées par notre artisan voyageur : le 123 rue Monge ne manque pas de charme, mais sa surface est plus que limitée.

La restauration et les hôtels constitue aussi une part importante de l'activité du fournil. Ainsi, à gauche, on découvre un produit développé pour l'hôtel Lancaster. Cette fougasse au citron confit n'est pas proposée en boutique... tout comme les buns, utilisés pour confectionner les burgers proposés en restauration sur place dans la boulangerie.

La restauration et les hôtels constitue aussi une part importante de l’activité du fournil. Ainsi, à gauche, on découvre un produit développé pour l’hôtel Lancaster. Cette fougasse au citron confit n’est pas proposée en boutique… tout comme les buns, utilisés pour confectionner les burgers proposés en restauration sur place dans la boulangerie.

« Parvenir à faire plaisir tous les jours, avec un produit de qualité égale »

Qui dit espace dit aussi personnel et activité frémissante… voire rugissante. On pourrait presque entendre parler cette boulangerie, sur la place d’Alésia. Le combat ne s’est pas tout à fait arrêté avec Vercingétorix : non, au sein du laboratoire, il est quotidien afin de proposer aux très nombreux clients (plus de 2200 par jour le week-end !) des produits de qualité égale chaque jour. Pour cela, 47 personnes s’y emploient et se relaient 7j/7 de minuit à 21h (même si la boutique est fermée le lundi, la production continue quant à elle afin de fournir hôtels et restaurants) aussi bien à la vue du client – dans le fournil – qu’en pâtisserie, cuisine et viennoiserie au sous-sol.

Les macarons représentent 30% de l'activité pâtisserie de la maison. Un chiffre important, qui justifie une production quotidienne et intensive.

Les macarons représentent 30% de l’activité pâtisserie de la maison. Un chiffre important, qui justifie une production quotidienne et intensive.

Créer du plaisir, voilà la vocation qui anime Dominique Saibron depuis toutes ces années. A la dégustation de ses produits, il souhaite offrir à ses clients une expérience qui s’inscrira dans leur mémoire gustative… et pour cela, une totale maîtrise de la chaine aboutissant au résultat final est nécessaire. Ainsi, nappages, compotes, mayonnaises pour les salades, fonds de tarte, viennoiseries, macarons, choux… sont issus du savoir-faire porté par le personnel de la maison. En cherchant bien, on pourrait toujours trouver les copeaux de chocolat, achetés déjà débités, ou même les boissons provenant forcément de fournisseurs tiers. La différence avec nombre de boulangeries-pâtisseries parisiennes ou plus largement françaises est grande.

Au laboratoire, les crêpes au sucre glace sont à peine achevées et vont rejoindre les présentoirs de la boutique.

Au laboratoire, les crêpes au sucre glace sont à peine achevées et vont rejoindre les présentoirs de la boutique.

« L’exigence fait partie de mes valeurs fondamentales »

Pour parvenir à tenir ses engagements de plaisir, l’artisan porte également une véritable exigence, et une culture du détail très poussée : des pains manquant de cuisson pour la préparation des sandwiches, des baguettes au développement trop faible, autant d’éléments qui n’échappent pas à ce passionné. Son rôle est ainsi de contrôler, goûter, accompagner la production pour maintenir ses standards de qualité. Pour cela, il est bien entendu aidé par des éléments de valeur : que ce soit Nicolas, son responsable de production boulangerie, Franck, son responsable de boutique, ou Emmanuel Martin, son associé, l’exigence reste toujours le maître mot.

L'expression pure du "style Saibron" : des produits nombreux et empilés, pour susciter la gourmandise. Macarons, cakes, sandwiches, salades, ... Rien ne manque.

L’expression pure du « style Saibron » : des produits nombreux et empilés, pour susciter la gourmandise. Macarons, cakes, sandwiches, salades, … Rien ne manque.

On la retrouve bien du côté des matières premières, où aucun compromis n’est fait malgré un positionnement prix très accessible : farine de Tradition sans additif ni correction meunière, commandée sur mesure auprès des Moulins Foricher, farine Biologique moulue sur meule de pierre par les Moulins Decollogne, beurre AOP de chez Lescure… Dominique Saibron est fidèle à ses fournisseurs et ne manque pas de les mettre en avant : ainsi, au Japon, ces éléments deviennent de véritables arguments de vente, avec notamment un affichage de sacs de farine en boutique. A Paris, à partir du 17 juin, ces valeurs d’artisanat et de respect du consommateur seront mises en valeur sur les vitrines de la boutique.

Dans les chambres froides du 77 avenue du Général Leclerc, des produits bruts prêts à être travaillés : crème Elle & Vire, beurre Lescure, viandes, légumes... Des produits frais pour plus de goût.

Dans les chambres froides du 77 avenue du Général Leclerc, des produits bruts prêts à être travaillés : crème Elle & Vire, beurre Lescure, viandes, légumes… Des produits frais pour plus de goût.

« Je n’ai pas besoin d’être présent au Japon pour contrôler la qualité de mes produits »

Justement, parlons du Japon, un pays cher à ce boulanger qui affiche fièrement sa présence sur deux continents : Paris-Tokyo, cela fait partie de sa signature. Parti explorer le territoire après la vente du Boulanger de Monge, il s’y installe en 2008 en partenariat avec Maxim’s de Paris et le propriétaire local de la marque, une filiale du groupe… Sony. L’aller-retour se concrétise un an plus tard avec l’ouverture de la boutique d’Alésia. Depuis, le développement en Asie a pris un bel essor, allant jusqu’à 13 boutiques nippones à une époque, même si nous sommes revenus à 8 aujourd’hui – les unités non rentables ayant été fermées. L’entrepreneur-artisan ne s’attendait pas à un tel succès, et la question d’un développement réalisé uniquement sur le sol japonais aurait pu se poser si l’adresse parisienne n’avait pas été ouverte « si tôt ».

Lorsque l'on passe derrière le comptoir viennoiserie, on se rend bien compte de l'étendue du choix et des possibilités gourmandes qui s'offrent à nous : parmi les incontournables, les déclinaisons de tournicotis (chocolat, pistache, pralines...) nous donnent... le tournis.

Lorsque l’on passe derrière le comptoir viennoiserie, on se rend bien compte de l’étendue du choix et des possibilités gourmandes qui s’offrent à nous : parmi les incontournables, les déclinaisons de tournicotis (chocolat, pistache, pralines…) nous donnent… le tournis.

C’est bien là que l’on peut apprécier la différence entre la France et le Japon : Dominique Saibron ne ressent pas le besoin d’être présent dans chacune de ses boutiques exportées, car le personnel local veille au respect rigoureux des recettes de l’artisan. A Paris, les variations dans l’application sont fréquentes, pour des résultats parfois discutables. Cela explique l’absence d’autres boulangeries Saibron dans notre capitale. Toutefois, cette affirmation pourrait bien être mise à mal dans les mois à venir : en effet, l’artisan recherche activement un nouveau local pour y implanter un laboratoire dédié aux productions destinées aux hôtels et restaurants. Le trafic de la boutique du 55 avenue du Général Leclerc ayant beaucoup augmenté ces derniers mois, il devient aujourd’hui difficile de réaliser sereinement ces deux activités. Même si la vocation première de ce nouveau lieu resterait la production, il n’est pas impossible qu’un espace boutique – même restreint – y soit adjoint… Affaire à suivre.

Depuis l'extérieur, impossible de manquer les pâtisseries, avec notamment les déclinaisons de millefeuilles, de tartes et autres gourmandises... Ainsi commence notre relation avec cette boulangerie, ainsi a commencé la carrière de Dominique Saibron. Un parallèle saisissant.

Depuis l’extérieur, impossible de manquer les pâtisseries, avec notamment les déclinaisons de millefeuilles, de tartes et autres gourmandises… Ainsi commence notre relation avec cette boulangerie, ainsi a commencé la carrière de Dominique Saibron. Un parallèle saisissant.

« Recruter du personnel fiable et stable est une tâche difficile »

La question du personnel est centrale en boulangerie artisanale, à plus forte raison lorsque l’on a un tel vaisseau à faire naviguer. Côté production, les ouvriers compétents manquent sur le marché et se monnayent à des tarifs élevés. Dominique Saibron est parvenu à fidéliser son équipe en leur proposant des salaires adaptés, mais aussi en donnant à chacun des perspectives d’évolution : il me présentait ainsi l’un de ses touriers, initialement embauché au poste de… plongeur ! La maison a assuré sa formation, et a ainsi réalisé une véritable mission de transmission du savoir-faire autant que d’insertion professionnelle. Cet exemple n’est pas isolé, et il reprend un peu l’histoire de l’artisan, ayant évolué par la force de sa volonté, sans diplôme ni formation.

L'histoire de cet ouvrier tourier est singulière : ayant rejoint la boulangerie de Dominique Saibron en tant que plongeur, il occupe à présent le poste du tour sans difficulté, grâce à la formation interne... tout cela malgré un français restreint. Un effort gagnant-gagnant, puisque cela fidélise l'ouvrier dans l'entreprise tout en lui apportant un vrai savoir-faire.

L’histoire de cet ouvrier tourier est singulière : ayant rejoint la boulangerie de Dominique Saibron en tant que plongeur, il occupe à présent le poste du tour sans difficulté, grâce à la formation interne… tout cela malgré un français restreint. Un effort gagnant-gagnant, puisque cela fidélise l’ouvrier dans l’entreprise tout en lui apportant un vrai savoir-faire.

Bien sûr, le fournil et le laboratoire accueillent aussi des apprentis, au nombre de 7 actuellement. Ces derniers bénéficient ainsi de l’exigence de l’entreprise et ont l’assurance d’en repartir avec des bases solides, ainsi qu’une vision large du métier : cuissons exclusivement réalisées sur four à sole, travail au levain ou avec une poolish pour la baguette Alésiane, gammes variées…

Des petits pains en devenir.

Des petits pains en devenir.

En vente, la qualité du service a longtemps été reprochée à cette boulangerie : personnel froid, pas toujours compétent, … la difficulté du travail n’y est pas étrangère, d’autant que les vendeurs ou vendeuses ont tendance à être assez volatiles. La situation s’est améliorée ces derniers mois, avec une meilleure formation des équipes, un système de primes tenant compte de la fréquentation de la boutique, ainsi que le recrutement d’un responsable de boutique expérimenté.

La farine est stockée au fond du fournil, aux yeux des clients. Ce principe est cher à Dominique Saibron, qui veut ainsi montrer à chacun que le pain est entièrement produit sur place.

La farine est stockée au fond du fournil, aux yeux des clients. Ce principe est cher à Dominique Saibron, qui veut ainsi montrer à chacun que le pain est entièrement produit sur place.

« Un véritable style Saibron »

Justement, l’espace de vente correspond à la volonté de Dominique Saibron d’offrir un visuel généreux : pas d’alignements géométriques de produits, mais des empilages qui donnent une certaine sensation d’abondance. Susciter l’envie, c’est le style Saibron. Au delà du plaisir des yeux, il se retrouve par le goût : son fameux levain de miel et d’épices fait merveille dans sa boule Bio, tout comme son Alésiane séduit par ses arômes bien marqués. Viennent ainsi pains au Maïs, brioches aux pralines, sans oublier les nombreux Tournicotis, pâtisseries, macarons (30% des ventes en pâtisserie !), sandwiches, carrés feuilletés et autres bouchées à la Reine…

Les brioches aux pralines sont divisées et pesées manuellement avant d'être façonnées et cuites.

Les brioches aux pralines sont divisées et pesées manuellement avant d’être façonnées et cuites.

« Le pain n’est pas vendu assez cher »

Ces produits ne sont pas là par hasard : ils contribuent à générer de la marge et ainsi à assurer le fonctionnement de l’entreprise. En effet, l’artisan est confronté à de nombreuses charges, et ne peut pas pratiquer des prix élevés sur le pain, produit de base par excellence. Cela a entrainé une situation difficile la première année, avec près de 65% de charges par rapport au Chiffre d’Affaires. Les rumeurs ont été bon train : affaire en redressement, déjà vendue… toujours est-il que Dominique Saibron est encore là, plus que jamais pourrait-on dire, avec une boulangerie à présent rentable, une ferme volonté de continuer à satisfaire les gourmands, et de nombreuses perspectives d’évolution.

Infos pratiques

77 avenue du Général Leclerc – 75014 Paris (métro Alésia, ligne 4) / tél : 01 43 35 01 07
ouvert du mardi au dimanche de 7h à 20h30

Difficile d’attirer des artisans vers mon projet de portraits. Timidité, manque de temps ou d’envie, … plusieurs raisons sont possibles à cette absence d’engouement. Ma démarche est pourtant positive et sincère, car elle vise bien à mettre en valeur les talents et singularités de chacun. Je ne me décourage pas pour autant et je prends donc mon petit bâton de pèlerin pour aller chercher les boulangers.

Rodolphe Landemaine dans sa boutique du 56 rue de Clichy, Paris 9è

Rodolphe Landemaine dans sa boutique du 56 rue de Clichy, Paris 9è

Qui dit portraits dit… figures. Les deux mots peuvent être vus comme des synonymes, mais tout dépend du sens que l’on y attache : ici, il s’agit d’aller à la rencontre de quelques têtes connues du secteur pour mieux comprendre comment fonctionnent leurs entreprises. S’il y en a bien une qui monte, c’est celle de Rodolphe Landemaine. En moins de six ans, le jeune – à peine 36 ans – boulanger et entrepreneur est parvenu à imprimer sa marque au sein de la boulangerie parisienne… et ce n’est sans doute pas près de s’arrêter, autant dire qu’il ne s’agit pas d’une histoire sans… Landemaine.

« J’ai reçu une éducation dure »

Dure, sans doute, mais fondée sur le respect des autres et de son environnement. Originaire de Mayenne, c’est à Paris que Rodolphe Landemaine acquiert les bases du métier de boulanger-pâtissier, avant de s’engager au sein des Compagnons du Devoir. A travers la France et l’Europe, le jeune ouvrier développe son savoir, avant de le mettre en pratique au travers d’un parcours prestigieux, chez Ladurée, Lucas Carton, Paul Bocuse ou encore Raynier-Marchetti.
C’est par la suite qu’il effectue ce « retour aux sources », en se spécialisant dans la boulangerie. En effet, pour l’artisan qu’il est devenu alors, impossible de concevoir une pâtisserie pure, qui ne répondrait pas à un besoin simple et primaire comme peut le faire le pain. Les deux disciplines sont ainsi liées… pour le meilleur comme pour le pire.

Le fournil est visible de plein pied au 56 rue de Clichy.

Le fournil est visible de plein pied au 56 rue de Clichy.

Ce parcours atypique et diversifié s’est fondé sur l’importance du travail et de la discrétion. En reprenant sa première affaire – « Douceurs et Gourmandises » – rue de Tolbiac en 2004, il n’a pas cherché particulièrement à faire parler de lui ni à écraser qui que ce soit. Au contraire, il a beaucoup construit, à commencer une vie de famille puisqu’il y rencontrera Yoshimi Ishikawa – boulangère elle aussi, et exportatrice de notre savoir-faire au travers de deux écoles de boulangerie au Japon. La Maison Landemaine s’est bâtie sur cette double culture, tout en sachant prendre le meilleur des deux mondes.

« Tout n’est pas parfait au Japon »

Souvent idéalisé de par sa capacité à produire des résultats exceptionnels, le Japon n’est pas pour autant exempt de travers, et la rigidité excessive qui y règne ne pourrait pas avoir cours au sein de notre population latine. Rodolphe Landemaine l’a bien compris et a préféré dès le début développer un mode de management « de proximité », où l’exigence s’accompagne aussi d’une part de valorisation individuelle et de reconnaissance des talents. On lui reproche souvent la qualité variable de son service, mais ce n’est pas pour autant que le chef d’entreprise a développé une quelconque aversion pour les vendeurs ou vendeuses : au contraire, il cherche des solutions durables pour fédérer et impliquer l’ensemble de l’entreprise autour d’une éthique et de valeurs communes.

Dans ce pétrin se succèdent les nombreux pains spéciaux développés par Rodolphe Landemaine et son équipe : aux ingrédients et aux farines variées...

Dans ce pétrin se succèdent les nombreux pains spéciaux développés par Rodolphe Landemaine et son équipe : aux ingrédients et aux farines variées…

Ces principes se vivent au quotidien, mais aussi dans des réunions régulières avec ses « cadres » ou au cours de voyages organisés par l’entreprise. Chaque année, les équipes se retrouvent dans le Cantal pour se découvrir autrement et mieux se comprendre. Bien sûr, la tâche est plus aisée auprès du personnel de production, chez qui le fait de créer et d’avoir une « matière » entre les mains rend le métier beaucoup plus concret et prenant.
Prenant, certes, mais point trop n’en faut : la Maison Landemaine respecte ainsi des journées de 8 heures de travail, avec 2 jours de repos par semaine, y compris pour les boulangers, pâtissiers et touriers.
La qualité de vie de chacun a un impact direct sur la régularité de la production, l’implication et la fidélité des ressources : Rodolphe Landemaine me confiait ainsi perdre très peu d’éléments de son équipe.

« Je fais l’hélicoptère au sein de l’entreprise »

La petite boulangerie de quartier du 56 rue de Clichy est rapidement devenue une PME florissante, et ce n’est pas le fruit du hasard. L’artisan a vite compris que sa place n’était plus seulement au fournil, mais aussi auprès d’avocats, de juristes, de banquiers… et de toutes ces personnes qui contribuent plus indirectement au développement d’une entreprise. Pour grandir, il fallait prendre du recul, de la hauteur, sans pour autant perdre le contact avec la réalité du terrain. Ainsi, notre entrepreneur dynamique se qualifie lui-même d’hélicoptère, sachant aussi bien voler « à basse altitude » – on le retrouve ainsi dans les laboratoires (souvent souterrains, d’où la faible hauteur !) pour goûter, choisir ou mettre au point des produits avec ses équipes, mais aussi à l’autre bout du monde, dans son école « Levain d’Antan » ou en Amérique du Nord. De ces voyages, il rapporte un regard vif et pertinent sur le monde dans lequel son entreprise se développe.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important... puis réduit considérablement.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important… puis réduit considérablement.

En parlant de développement, l’hélicoptère a tout de même l’allure d’un supersonique par certains côtés : acquisition d’une seconde boutique rue des Martyrs en 2008, seulement un an après son installation dans le 9è arrondissement, Voltaire en 2009, Roquette en 2011, Jules Joffrin en 2012, sans compter l’association réalisée avec son ami David Devant rue de Charonne… A chaque fois, l’artisan rencontre une clientèle nombreuse et séduite par une gamme large autant que qualitative. Cette réussite n’est donc pas le fruit du hasard, et elle récompense le savoir-faire porté par Mickaël, le chef boulanger, Samuel, le chef pâtissier, … et l’ensemble des personnels de la maison.

« L’artisan insuffle l’esprit de son entreprise »

Déléguer, oui, mais savoir garder le contrôle sur les décisions prises au sein de l’entreprise. Rodolphe Landemaine a ainsi choisi l’ensemble des produits présents dans ses boutiques. C’est son goût et son esprit que l’on retrouve au quotidien dans chacun des points de vente. Il souhaite aujourd’hui capitaliser autour de cette « griffe » et marquer son image : cela passe notamment par la rénovation des points de vente, entamée avec la boulangerie Voltaire tout récemment. On pourra sans doute à l’avenir associer des mots à la « marque » Landemaine, comme on le fait pour d’autres entreprises du secteur. Pour autant, hors de question de perdre l’esprit de proximité développé jusqu’alors : chaque boutique reste indépendante, avec cuisson et finition des produits sur place (les viennoiseries sont fabriquées rue de Clichy puis cuites dans chacun des points de vente, les pâtisseries sont finies au sein de chaque laboratoire, tout comme les sandwiches sont assemblés…).

Au sous-sol, on s'active pour préparer les sandwiches du service de midi.

Au sous-sol, on s’active pour préparer les sandwiches du service de midi.

« Je cultive des plants sur mon balcon, avec ma fille »

Puisque l’on vient à en parler d’indépendance, Rodolphe Landemaine a toujours tenu a conserver la sienne. Les propositions n’ont pourtant pas manqué, qu’elles émanent d’investisseurs potentiels ou des instances de la boulangerie, intéressée par le fait de compter un artisan à succès dans ses rangs. Cela n’a pas fait tourner la tête de cet homme d’un naturel plutôt solitaire, préférant rester auprès des siens que de se répandre inutilement. L’essentiel est pour lui de garder du plaisir à faire ce qu’il fait, à développer son entreprise… autant qu’à cultiver des légumes avec sa fille, ou qu’aller à la pêche. Si demain il fallait revenir à une affaire plus humble, ce ne serait pas avec frustration : au contraire, elle serait présente s’il n’avait pas seulement essayé, fait ce qu’il jugeait bon de faire.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important... puis réduit considérablement.

La quantité de pommes nécessaire pour réaliser les tartes fines est impressionnante : avant cuisson, le volume est important… puis réduit considérablement.

« Chaque génération apporte sa pierre »

L’avenir est bien sûr une préoccupation majeure, autant ici qu’ailleurs. Les défis à relever sont de taille : concurrence plus rude, concentration – y compris en boulangerie – des entreprises (rachats, cessations d’activité…). Face à une mer agitée, l’essentiel est de savoir tenir la barre, en tenant compte des tendances. On n’acquiert une vision pertinente du métier qu’avec le temps, et celle-ci permet de savoir où l’on va.
La Maison Landemaine perpétue la Tradition mais apporte aussi à la profession, comme chaque génération de boulangers. Ainsi, elle intègre dans ses rangs autant des stagiaires venus de loin (au travers de leur école japonaise, notamment), que des adultes en reconversion professionnelle. Ces derniers se font de plus en plus nombreux, ce qui fait écho à un certain mal-être au sein de notre société moderne, et à un besoin de retrouver plus de concret, de vérité… et de simplicité.

La maison propose une large gamme de quiches gourmandes.

La maison propose une large gamme de quiches gourmandes.

Parmi tous ces éléments, quelques uns se détacheront du lot. Rodolphe Landemaine et ses cadres ont à coeur de les repérer pour les entourer et leur offrir un environnement propice à leur épanouissement, autant personnel que professionnel. Chacun dispose ainsi de perspectives, et pourquoi pas celle de disposer un jour de sa propre boutique : l’avenir de l’artisanat pourrait aussi bien passer par l’accompagnement des ouvriers par leurs patrons dans le cadre de leur « prise d’envol ». Bénéficiant de la notoriété de la « marque » développée par l’entreprise, ainsi que de la logistique et d’un soutien matériel, ils auront ainsi beaucoup plus de chances de voir leur projet grandir et évoluer.

L’exemple de David Devant, ami de Rodolphe Landemaine et pâtissier de formation, caractérise bien cette pratique. Alors que l’artisan était lassé par les conditions de travail harassantes proposées par ses employeurs, il a eu la possibilité de s’installer à son compte. Le succès est aujourd’hui au rendez-vous : la boutique reçoit aujourd’hui 300 clients quotidiens supplémentaires, un an après sa reprise. Ce n’est qu’un début, même si ce dernier est plus que prometteur.

Les tartes fines aux pommes rencontrent un fort succès dans les différentes maisons Landemaine, à juste titre : bien caramélisées, ce sont des gourmandises redoutables et accessibles.

Les tartes fines aux pommes rencontrent un fort succès dans les différentes maisons Landemaine, à juste titre : bien caramélisées, ce sont des gourmandises redoutables et accessibles.

Bien sûr, face à cela, la tentation des appels au monde de la finance est grande : cela permet un développement plus rapide, mais réduit d’autant la liberté à la tête de sa boutique. Un choix qui n’a pas été fait ici, et qui ne semble pas regretté.

« Il faut mener un profond changement dans nos entreprises et notre société »

Concluons ce portrait par ce qui caractérise le mieux Rodolphe Landemaine : l’amour de son métier, mais aussi une formidable capacité à s’en détacher et à porter une vision plus globale sur notre société. Au delà de son travail au sein de ses boulangeries, il pense en effet que l’on ne pourra parvenir à assurer un fonctionnement durable et cohérent de notre société que si nous passons par un profond changement de nos pratiques, en entreprise comme dans la vie courante. L’humain doit retrouver sa place dans cette machine à broyer qu’est devenue le capitalisme. Sans le renverser, il nous appartient aujourd’hui de le transformer. La vision peut surprendre de la part d’un patron, mais c’est sans doute car ce dernier a compris l’essence même de la boulangerie… le plaisir, le partage et l’humain.

Un premier essai de vidéo pour finir …!

Infos pratiques

Plusieurs boutiques dans Paris – toutes les informations sur http://www.maisonlandemaine.com

Changer de vie, prendre des risques, se dire tout simplement que l’on ne peut pas passer son existence à compter ses RTT, et à regretter de ne pas avoir choisi une autre voie. Malheureusement, beaucoup d’entre nous vivent encore la vie de quelqu’un d’autre, sans avoir le courage de sortir du carcan parfois confortable de la routine. Ce n’est pas une fatalité pour autant, il est toujours possible de reprendre son destin en mains et redonner du sens à ses journées.

Au programme des prochains investissements, une plus grande personnalisation de la boutique et de la façade... afin que la clientèle sache toujours mieux qu'elle se rend à la boulangerie Basso !

Au programme des prochains investissements, une plus grande personnalisation de la boutique et de la façade… afin que la clientèle sache toujours mieux qu’elle se rend à la boulangerie Basso !

Camille Rosso et Florentine Bachelet ont en tout cas cru fermement en ce changement, assez pour faire le pari un peu fou de se lancer dans la boulangerie passé 25 ans, en étant des femmes qui plus est. Amies d’enfance et toutes deux diplômées de l’ENSIA, leur bagage d’ingénieurs en agroalimentaire ne les destinait pas vraiment à épouser pelles, fours et pétrins. Pourtant, cela fait presque deux ans que l’aventure s’est concrétisée ici, au 49 rue de la Jonquière, dans le 17è arrondissement.

Dans ce bac, des baguettes en devenir... Qui l'eût cru ?!

Dans ce bac, des baguettes en devenir… Qui l’eût cru ?!

« Pourquoi est-ce que vous n’ouvririez pas un Sephora ? »

Les deux jeunes boulangères portent des profils différents mais complémentaires : tandis que Florentine aspirait depuis son adolescence à diriger une entreprise, Camille a développé une grande passion pour le pain. Si leur projet commun a pris cette forme, c’est aussi grâce à des rencontres, et notamment celles de leurs conjoints, tout deux impliqués dans la filière de la boulangerie. Avec 40000 euros en poche, il a fallu convaincre les plus réticents, à commencer par les banquiers… dont certains en sont arrivés à leur proposer d’ouvrir une parfumerie. Un tel discours ne les a pas découragées, bien au contraire : elles en sont ressorties avec encore plus d’entrain et d’envie.

La Baguette de Tradition ne manque pas d'allure, même si les amateurs apprécieront la tourte de Seigle ou le pain au Sarrasin. A noter aussi la "Brioche Maison" et son sac de conservation, un produit gourmand et de grande qualité développé par les Moulins Foricher.

La Baguette de Tradition ne manque pas d’allure, même si les amateurs apprécieront la tourte de Seigle ou le pain au Sarrasin. A noter aussi la « Brioche Maison » et son sac de conservation, un produit gourmand et de grande qualité développé par les Moulins Foricher.

Il faut dire que les aventures au féminin demeurent encore rares dès lors qu’il s’agit de boulangerie artisanale. Bien peu auraient misé sur elles lors de leur formation intensive en reconversion professionnelle à l’EBP. Pourtant, de leur promotion de 12 personnes, elles sont les seules à s’être installées à leur compte : la plupart de l’effectif est retourné à son emploi précédent, ou oeuvre aujourd’hui en tant que salarié au sein de différents fournils.

« Un partage équitable des tâches »

Si leur entreprise fonctionne comme c’est le cas aujourd’hui, ce n’est pas le fruit du hasard. Camille Rosso et Florentine Bachelet sont parvenues à appliquer des méthodes issues de leurs parcours professionnels, notamment en terme de gestion du personnel : chaque boulanger ou pâtissier passe régulièrement un entretien individuel, au cours duquel sa performance dans l’entreprise est évaluée. Au quotidien, c’est aussi une véritable exigence en terme de qualité et d’application qui est développée par les deux chefs d’entreprise. Cette valeur s’accompagne néanmoins d’une véritable volonté de partager avec leur personnel les tâches, en les encadrant au fil de la journée dans la réalisation du pain ou des douceurs, avant leur mise en vente.
Ainsi, à tour de rôle, elles ouvrent ou ferment la boutique. La première arrive à 6h du matin pour organiser la production et préparer la boulangerie, tandis que la seconde la rejoint en fin de matinée pour quitter les locaux vers 21h, après la fermeture et les tâches de nettoyage.

Sur l'échelle, les viennoiseries maison ont fière allure.

Sur l’échelle, les viennoiseries maison ont fière allure.

Au cours de la journée, il s’agit de gérer les « crises » : pallier à l’absence d’un tourier, d’un pâtissier, … ou répondre à l’urgence d’une erreur dans la réalisation d’une recette, tout en parvenant à être présentes en boutique. En effet, les associées mettent un point d’honneur à conserver une forte proximité avec leur clientèle, en particulier à l’heure du déjeuner où l’affluence est importante. Non contentes d’épauler leur personnel de vente, elles développent ainsi une relation forte avec des habitués : le quartier n’étant pas touristique, la plupart des têtes finissent par être connues dans la boulangerie Basso.

Pain, Boulangerie Basso, Paris 17è

« Reprendre l’affaire en capitalisant sur ses atouts tout en imprimant notre marque »

Le choix du 49 rue de la Jonquière n’est pas le fruit du hasard : il s’agit tout d’abord d’un véritable coup de foudre pour la boutique, en plus de la volonté de s’inscrire dans un quartier vivant, entre logements et bureaux. Même si son acquisition semblait difficile de prime abord, la quantité de travaux à réaliser au sein du laboratoire a permis de l’obtenir à un prix moins élevé. La rupture profonde entre les deux anciennes ingénieures et leurs prédécesseurs s’est justement opérée ici : tandis que ces derniers misaient beaucoup sur leur capacité à vendre et l’attrait de leur boutique, elles ont apporté un vent de vérité… mais aussi de qualité.

Un élément central de la boutique : la "roue à pains", où sont mis en valeur les produits : pain des Gaults (mélange de froment et de seigle sur levain), ciabatta, pains aux fruits secs, pavés de Tradition...

Un élément central de la boutique : la « roue à pains », où sont mis en valeur les produits : pain des Gaults (mélange de froment et de seigle sur levain), ciabatta, pains aux fruits secs, pavés de Tradition…

En effet, plus de viennoiseries surgelées ou de faux Pain Bio comme cela pouvait être le cas précédemment. L’accent a été mis sur la qualité des matières premières, avec notamment la farine Label Rouge et CRC livrée par les Moulins Foricher (pas de Bio, qu’elles ne concevraient pas réaliser « à moitié », avec seulement une partie de leur gamme certifiée). Certes, le choix de ce meunier ne s’est pas fait par hasard (le compagnon de Florentine Bachelet est directeur commercial au sein de l’entreprise), mais il correspond bien à l’éthique portée par la boulangerie Basso. La bataille aura été rude, mais elle porte aujourd’hui ses fruits : de 50 baguettes Tradition vendues à la reprise, 300 sortent à présent de la boutique quotidiennement. Même constat du côté des pains spéciaux, où la tourte de Seigle, le pain au Cacao ou le pain des Gaults rencontrent un vif succès. Pour « éduquer » la clientèle, le meilleur moyen reste toujours la dégustation, bien plus frappante qu’un long discours.

Tarte fine aux pommes, flan, millefeuilles, éclairs, fraisiers... rien ne manque dans la gamme, avec à présent une qualité de réalisation tout à fait convaincante pour des prix modérés.

Tarte fine aux pommes, flan, millefeuilles, éclairs, fraisiers… rien ne manque dans la gamme, avec à présent une qualité de réalisation tout à fait convaincante pour des prix modérés.

La précédente gérante était devenue amie avec beaucoup d’habitués. Il aura donc fallu convaincre ces derniers du bien fondé du changement, même si cela n’a pas eu d’effet dans certains cas. Camille Rosso et Florentine Bachelet ont donc assuré l’ensemble du service pendant les premiers mois, affirmant ainsi leur présence.

Les croissants et pains au chocolat attendent bien sagement dans leur chambre de pousse.

Les croissants et pains au chocolat attendent bien sagement dans leur chambre de pousse.

« Nous pensions reprendre rapidement une seconde affaire »

Cette présence dans leur affaire se perpétue aujourd’hui, et peut-être à plus forte raison qu’initialement. Fraichement sorties de leur apprentissage et de leurs stages, elles portaient une vision encore partielle de la profession, ce qui les avait amenées à envisager la reprise d’une seconde boulangerie rapidement. C’était sans compter sur les difficultés à gérer au quotidien au sein de leur affaire, en plus des perspectives d’évolution qui s’offrent encore à elles dans le 17è arrondissement.

Au sous-sol, le four fonctionne toute la journée pour assurer la cuisson des baguettes. En effet, une partie de la clientèle exige du pain chaud à toute heure , au point de repartir sans rien si la chaleur n'est pas au rendez-vous.

Au sous-sol, le four fonctionne toute la journée pour assurer la cuisson des baguettes. En effet, une partie de la clientèle exige du pain chaud à toute heure , au point de repartir sans rien si la chaleur n’est pas au rendez-vous.

En effet, la certification Label Rouge pour leur baguette de Tradition fait partie des ambitions de la boulangerie Basso, et il faudra passer pour cela par d’importants travaux au sein du laboratoire – en plus de ceux déjà réalisés. L’objectif serait donc d’y parvenir à la rentrée, après la fermeture estivale.

Dans le laboratoire de pâtisserie, une grande partie des équipements ont été renouvelés. Ainsi, le batteur est neuf.

Dans le laboratoire de pâtisserie, une grande partie des équipements ont été renouvelés. Ainsi, le batteur est neuf.

La pâtisserie était également un de leurs points faibles : ni l’une ni l’autre n’a suivi de cursus du côté des arts sucrés. Si cela était à refaire, les deux boulangères en feraient autrement : leur souhait d’égalité au travers d’une formation commune les a amenées à être « menées en bateau » par de nombreux « professionnels ». Leur équipe s’est aujourd’hui enrichie d’ouvriers plus talentueux, ce que ne manque pas de porter ses fruits : les ventes ont dores et déjà augmenté.

Un indispensable pour le tourier, le fameux laminoir.

Un indispensable pour le tourier, le fameux laminoir.

« Les clients nous demandent souvent si l’on est une école »

L’équipe a toute son importance dans le bon fonctionnement d’une boulangerie. Au delà du personnel diplômé, le fournil du 49 rue de la Jonquière a accueilli dès sa reprise des apprentis (2 en pâtisserie, 1 en boulangerie actuellement), une belle façon de transmettre le savoir qu’elles ont reçu à l’EBP ou en entreprise. Cette idée de transmission se prolonge par des interventions auprès des personnes souhaitant développer un parcours en reconversion. Le plus inquiétant est sans doute de constater que leurs questions tournent souvent autour des aspects financiers de l’affaire, symptomatique de motivations… douteuses. Néanmoins, c’est avec grand plaisir qu’elles accueillent stagiaires plus ou moins âgés, et ce pratiquement chaque semaine : la clientèle s’en étonne même, au point de demander si la boulangerie Basso ne serait pas… une école !

La tourte de Seigle reste pour moi un pain toujours impressionnant... On notera le bel effort de la maison, qui rédige des étiquettes détaillées sur ses produits, avec des conseils de dégustation.

La tourte de Seigle reste pour moi un pain toujours impressionnant… On notera le bel effort de la maison, qui rédige des étiquettes détaillées sur ses produits, avec des conseils de dégustation.

« On ne s’ennuie jamais »

Une école d’une certaine façon, oui, sans doute. Pour Camille Rosso et Florentine Bachelet, c’est ici qu’elles apprennent jour après jour à vivre une vie bien différente, où l’ennui ne fait pas partie de l’équipage. 6 jours sur 7, elles s’activent pour faire tourner l’affaire, sans pour autant développer le moindre regret. La reconversion en boulangerie serait donc la voie du bonheur ? Certainement pas toujours, mais cela semble bien être le cas pour nos deux amies, dont les sourires radieux illuminent leur boutique.

Peut-être vous en souvenez vous : Camille Rosso et Florentine Bachelet avaient été présentées dans le reportage "En quête du Bon Pain", diffusé sur France 5 en 2011. Un passage qui n'avait pas manqué de susciter la curiosité des téléspectateurs, qui avaient été demander les jeunes boulangères dans les établissements où elles travaillaient alors.

Peut-être vous en souvenez vous : Camille Rosso et Florentine Bachelet avaient été présentées dans le reportage « En quête du Bon Pain », diffusé sur France 5 en 2011. Un passage qui n’avait pas manqué de susciter la curiosité des téléspectateurs, qui avaient été demander les jeunes boulangères dans les établissements où elles travaillaient alors.