Rond, carré, rectangle, … en matière de forme de pâtisserie, on tourne souvent… en rond. Si, si, je vous assure. Il faut dire que les pâtissiers finissent par être tributaires de la créativité – ou en l’occurrence de l’absence d’inventivité – des fabricants de moules, dans lesquels ils vont réaliser leurs créations. Enfin, créations, le problème est que finalement les gâteaux se ressemblent parfois du fait des formes communes. C’est d’ailleurs assez amusant de rencontrer deux pâtisseries moulées de façon identique dans deux boutiques différentes.

Quand j’ai vu ce triangle chez Un Dimanche à Paris, j’ai été agréablement surpris. Voilà quelque chose d’intéressant, au moins. Un triangle équilatéral, trois côtés de même mesure, il fallait donc que le goût soit à la hauteur de cette perfection géométrique. Je dois dire que je n’ai pas été déçu, et que cette pâtisserie exprime bien tout le savoir faire et la finesse du chef Quentin Bailly. Ce dernier a d’ailleurs été nommé Capitaine de l’Equipe de France de Pâtisserie pour le mondial qui se tiendra en janvier prochain à Lyon. Profitons donc de cette occasion pour le féliciter, mais également à l’encourager à ne pas abandonner les gourmands parisiens que nous sommes.

Oui, Quentin, continuez à nous emmener en balade comme vous le faites si bien au travers de cette pâtisserie. Une balade automnale, certes en retard, mais il est toujours agréable de se promener par les sens et les papilles.
L’intitulé de cette création est assez long, mais c’est ce qu’il faut pour décrire les différents éléments la composant. Ainsi donc, nous trouvons dans ce fameux triangle une mousse au chocolat au lait, une mousse de marrons, des pommes en brunoise légèrement vanillées, un biscuit moelleux au cacao amer, une chantilly au caramel, des éclats de marron glacé et de sablé à la fleur de sel.
Cela pourrait paraître beaucoup, mais au final, un bel équilibre se créé entre les saveurs. La pomme vanillée et le marron s’associent harmonieusement, la première apportant une note acidulée à la douceur du second, et le chocolat au lait prolonge agréablement ces saveurs tout en restant assez discret, en n’écrasant pas le reste des parfums. Le caramel s’invite en légèreté vaporeuse sur le dessus et s’accompagne volontiers des éclats de sablé. Leurs pointes de sel relancent le plaisir, assaisonnent la pâtisserie et lui donnent une autre dimension en sortant du simple domaine du sucré, tout en apportant un peu de croquant. Les touches de marron glacé fondent en bouche et renforcent la douce saveur vanillée de ce fruit d’automne. Le biscuit moelleux au cacao n’est pas très présent, mais il complète bien la pomme.
En dessous, une plaque de chocolat au lait apporte à son tour un contraste de textures intéressant, de par son craquant et sa finesse.

Au final, c’est un dessert fin, léger et d’une belle fraicheur fruitée qui s’offre à nous, il se déguste lentement, on prend plaisir à associer ou dissocier les différents éléments, car ils sont tous exécutés avec beaucoup de soin et expriment des saveurs agréables. Ces caractéristiques se retrouvent généralement dans les créations de Quentin Bailly, qui parvient à proposer des tartes, entremets ou choux assez équilibrés et travaillés, en plus d’être visuellement attirants. La clientèle ne s’y trompe pas, car elle est sans cesse plus nombreuse et les espaces de dégustation sur place rencontrent un vif succès. Si vous souhaitez profiter de votre douceur dans les meilleures conditions, je ne peux que vous conseiller un arrêt au Lounge, installé à l’étage, et ouvert de 16h à minuit. Des sièges confortables, une ambiance calme et détendue, rien de mieux pour se laisser aller au plaisir de la dégustation.

Duo Pomme Granny-Marron, Un Dimanche à Paris – Paris 6è, pâtisserie individuelle proposée à 5,8 euros la pièce à emporter.

Si l’on s’y intéresse, il est assez frappant de voir que les différents arts se rapprochent au final. Il en va de même pour les métiers artisanaux, et ce d’autant plus quand ils sont élevés au rang d’arts, de par une réalisation exceptionnelle et consciencieuse de l’artisan. La boulangerie et la pâtisserie ne sont pas exclus de ce constat, bien au contraire. J’en ai des preuves tous les jours : comment ne pas qualifier d’art les marguerites de Jean-Paul Mathon, les tourtes de seigle-miso de Gontran Cherrier, et bien d’autres exemples ?

En pâtisserie, la vitrine du Café Pouchkine ne peut laisser indifférent. Emmanuel Ryon, son chef pâtissier – Meilleur Ouvrier de France et Champion du Monde de Pâtisserie – y propose des créations au visuel très recherché, dans un style assez singulier. Certes, on peut trouver cela trop chargé, trop « baroque »… Dans tous les cas, on ne peut que s’incliner devant le tour de force réalisé, qui est de parvenir à proposer de tels produits en boutique, où il faut toujours prendre en compte les contraintes du transport.

Si je vous parlais en introduction de rapprochement des arts, c’est aussi car ils s’inspirent les uns les autres. Les femmes sont de formidables égéries pour les créateurs, et la pâtisserie du jour a été nommée en hommage à la danseuse Anna Pavlova, pour sa grâce et son caractère « aérien » indiscutables. On retrouve bien ces éléments dans la meringue Pavlova, que M. Ryon a revisité à l’occasion du nouvel an russe, célébré le 14 janvier.
Belle façon de commencer l’année, avec gourmandise et élégance.

Ce que les photographies ne pourront pas vous dire, c’est que les meringues sont parfumées à la cerise, que la crème prise entre les deux est parfumée à la vanille, et qu’elle renferme un délicat confit de cassis.
L’ensemble ainsi formé est aussi harmonieux sur le plan du goût que du visuel. En effet, la meringue légèrement craquante, assez moelleuse à l’intérieur, s’associe très bien avec le crème à la vanille, très onctueuse et bien ferme. Le cassis vient apporter une note acidulée dans cet ensemble et relève le tout avec beaucoup de justesse.

Le talent et l’intelligence du chef s’exprime aussi dans des détails qui pourraient paraître anodins de prime abord. La meringue étant assez sucrée – puisque c’est un des composants principaux de cette douceur -, Emmanuel Ryon a eu l’idée de ne pas sucrer à la crème vanillée, ce qui créé une balance intéressante entre les deux éléments et évite ainsi à notre palais d’être saturé par le sucre, et de ne plus ressentir les saveurs par conséquent. En parlant de saveur, le parfum de cerise est bien présent et contribue à donner à ce dessert un caractère fruité dominant.
On prend grand plaisir à associer et dissocier les éléments, à associer le doux à l’acidulé, à déguster cette crème vanille bien parfumée… Cela reste assez sucré bien entendu, mais pas autant que l’on aurait pu le craindre.
C’est une pâtisserie à la forme plutôt singulière, et au caractère aérien intéressant. On appréciera également le fait que malgré ces efforts visuels, le transport ne pose aucune difficulté, grâce à un boitage bien étudié et ajusté à la plaque supportant le gâteau, ainsi qu’à un montage bien solide de la pâtisserie en elle-même.

 

Un seul bémol demeure à mon sens, les fruits utilisés en décor n’ont pas de saveur et n’ont qu’une fonction esthétique. La demi-fraise utilisée sur ma pâtisserie n’était pas mûre et était donc complètement insipide. Certes, ce fruit n’est pas de saison, et c’est pourquoi il faudrait chercher à en utiliser d’autres pour finir cette création. Cela demeure anecdotique, certes, mais chaque détail compte, d’autant plus dans le domaine du luxe. Ne boudons pas notre plaisir pour autant !

Pavlova Cassis, Café Pouchkine – Paris 9è, 6 euros 90 la pièce individuelle.

A jours d’exception… Mets d’exception. Cela devait être le cas la semaine dernière, d’ailleurs, mais disons que mon parcours vers le bon et le beau est parfois parsemé de buches… Enfin, d’embuches. Dans un sens, il faut aussi des ratés pour mieux apprécier les réussites.

Je ne sais pas si je vous ai déjà parlé de l’admiration et du respect pour le travail réalisé par Claire Damon, la chef patissière de chez des Gâteaux et du Pain. Tout d’abord parce que c’est une femme, et qu’il est difficile de travailler dans ce secteur pour elles. Cela ne l’a pas empêchée de réaliser un parcours prestigieux et étoilé. Ensuite, et c’est pour moi le plus important, la qualité de ses créations est exceptionnelle. Elle parvient à exprimer un style propre, ne cédant pas aux tendances, toujours en finesse et justesse. Ainsi, ses gâteaux sont peu sucrés, travaillent les textures de façon pertinente et intelligente, tout en affichant un visuel apuré et élégant. Tout cela pour des tarifs très raisonnables compte tenu du niveau de qualité, de la saveur et de la fraicheur de l’ensemble. Certains trouveront que la boutique tient plus du musée que de la boulangerie-pâtisserie, mais les produits sont si soignés et fins qu’il serait difficile de les présenter dans un autre écrin. Tout cela n’est pas nouveau, j’en avais déjà parlé précédemment.

L’objet de ce billet est un gâteau bien particulier, créé tout spécialement pour cette année qui débute à peine. Idéalement, on souhaiterait qu’elle commence sous les meilleurs auspices, qu’elle s’annonce lumineuse et… savoureuse. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela semblait bien parti avec cette pâtisserie.
Son intitulé est bien mystérieux, et lors de la commande, il est difficile de se faire une idée de la forme que tout cela pourra bien prendre.
« Baba imbibé de très vieux rhum agricole , gelée de jus de raisins blonds au poivre Timut, mousse ambrée rhum raisin. Baba bouchon et gros raisin jumbo, ambre de rhum vieux. »
Peut-être imagine-t-on un baba traditionnel, avec quelques couches rajoutées… Au final, pas du tout. Le fait de commander cet entremet « à l’aveugle » est assez intéressant, puisqu’on est forcément surpris. On obtient donc un entremet, qui pourrait être tout à fait classique si l’on ne le découpait pas pour le déguster.

Mes photographies ne rendent pas forcément hommage au travail réalisé par Claire Damon et son équipe, mais l’idée est de vous montrer les différentes couches et textures que l’on retrouvait dans cette création. Allons donc de bas en haut. On retrouve bien entendu la fameuse pâte à baba, bien imbibée tout en restant fine et moelleuse. Vient ensuite la mousse ambrée, une couche de gelée et à nouveau de la mousse. Des raisins accompagnent le tout de façon aléatoire.
Lors de la dégustation, l’association des différentes textures est particulièrement intéressante. La mousse est légère, douce et onctueuse. On y trouve des parfums ambrés, des notes de caramel et de vanille. Vient ensuite la gelée de jus de raisins blonds, qui pourrait se limiter à un apport en température, par son côté « froid », mais en réalité c’est une certaine chaleur qui s’en dégage, elle exprime en effet un caractère acidulé et d’intéressantes notes d’agrumes, apportées par le poivre Timut du Népal. Cette épice apporte une touche exotique et très raffinée, en prolongement de la surprise qui caractérise cette pâtisserie.
Les gros raisins blonds résistent légèrement sous la dent avant de libérer leur jus, bien imbibé en rhum, ce qui relance le plaisir, à la façon de petites notes de fraicheur. On termine sur le baba, moelleux et fin, où l’on retrouve là encore de belles notes de vanille. L’alcool utilisé est de bonne qualité, il sait rester à sa place et n’écrase pas le reste des saveurs.

Il se dégage de cet ensemble une belle sensation de légèreté et une fraicheur particulièrement appréciables en fin de repas. Ce n’est ni un entremet traditionnel, ni un baba. Cela joue sur plusieurs registres, et c’est certainement ce qui explique le temps pris pour sa mise au point, qui a été assez longue, comme me l’indiquait Claire Damon.
On regrettera uniquement le caractère très éphémère de cette création, puisqu’elle n’était proposée que pour la Saint-Sylvestre. Cependant, pour les quelques heureux clients l’ayant dégusté, le souvenir demeurera sans aucun doute.

Gâteau du Nouvel An – Rhum Brun / Raisins Blonds, des Gâteaux et du Pain – Paris 15è, proposé pour les 31 décembre 2011 et 1er janvier 2012 en deux tailles, de 4 à 5 convives (34€) ou de 8 à 10 convives (65€).

Plus que quelques jours avant Noël, et le temps ne nous y a pas vraiment préparés : il fait ces derniers jours une douceur assez surprenante, d’autant plus comparé à l’hiver rigoureux que nous avons vécu l’an passé. Où sont passés la neige, le froid, les vêtements chauds… ? Bonne question.

Ce n’est pas pour autant qu’il faudrait se laisser abattre et renoncer de donner à nos repas des allures de fête. Nous avions déjà parlé du pain, faisons un tour du côté des gourmandises et plus particulièrement des desserts. Les possibilités ne manquent pas, les différentes pâtisseries de la capitale ayant, comme chaque année, développé de belles gammes de bûches et autres entremets, destinés à satisfaire les gourmands en quête d’une fin de repas en fanfare.
Vous finirez bien par le comprendre, je suis toujours à la recherche de gâteaux à l’esthétique soignée, quelque chose qui parvienne à faire pétiller l’oeil avant d’en faire de même avec les papilles. Malheureusement, il arrive que seul un des deux effets soit présent… et je dois dire que dans le cas présent, ce fut un peu le cas.

Comment résister à ce chapeau de Père Noël ? Immédiatement, c’est mon âme d’enfant qui m’a fait entrer dans la boutique Fauchon de la Place de la Madeleine, et indiquer promptement mon choix au personnel de vente. Nom de code de l’opération ? Baby Choc. Que cache cette étonnante pâtisserie ? En réalité, la partie supérieure colorée en rouge est une coque de chocolat au lait, sous laquelle se cache un macaron au chocolat noir. Seule la base constitue à proprement parler la pâtisserie, renfermant sous un enrobage de mousse de lait un coeur de ganache au chocolat au lait ainsi qu’une mousse également parfumée avec ce type de chocolat. Le petit pompon est une guimauve nature.
Certes, les yeux sont satisfaits, mais qu’en est-il pour le goût ? Malheureusement, c’est ici que cela pèche : l’ensemble est assez sucré, le chocolat au lait n’aidant pas. De plus, le macaron ne trouve pas vraiment sa place dans cet ensemble, en plus d’être uniformément mou. La coque n’est pas légèrement craquante comme elle devrait l’être. Pour le reste, la mousse de lait est agréable, même si la ganache qu’elle renferme est légèrement collante.

Néanmoins, la dégustation demeure assez ludique, on se surprend à essayer des accords entre les différents composants fondants, croquants et moelleux de la pâtisserie, ce qui n’est pas désagréable. Cela peine tout de même à compenser les défauts cités précédemment. D’autant plus quand on considère le prix de cette création… 12 euros ! Voilà de quoi se payer plusieurs pâtisseries dans des maisons tout à fait respectables de la capitale. J’ai du mal à comprendre cette politique tarifaire réellement élitiste, mais soit, si la clientèle du 8è arrondissement est prête à mettre ce prix… Pour moi, c’est un raté, et c’est bien dommage car je dois admettre que j’avais été plutôt séduit par les dernières créations du nouveau chef Fabien Rouillard. Espérons simplement que cela ne soit qu’une tâche d’huile dans un océan de douceurs.

Baby Choc, pâtisserie proposée chez Fauchon, 24-26 place de la Madeleine – 75008 Paris à l’occasion des fêtes de fin d’année, 12 euros la pièce individuelle.

A force de déguster des pâtisseries, les gourmands finissent par se rendre compte que les créations des chefs présentent des ressemblances frappantes, autant en terme de réalisation que d’association de saveurs ou encore de formes. A force, l’ennui aidant, on se détourne de ces gourmandises pour aller voir autre chose, en espérant que cela ne soit pas encore une fois la même histoire…

Cependant, on peut trouver des créations assez originales, souvent issues de chefs empreints d’autres cultures, ayant vu des horizons différents. Cela leur permet d’intégrer dans leurs pâtisseries des notes surprenantes, en dehors des « normes ». Un souffle d’air frais.
C’est le cas du chef Hisayuki Takeuchi, de la maison Kaiseki. Celui-ci a élaboré des douceurs pour le compte de l’Epicerie Générale, et elles étaient proposées en boutique tout au long des mois de septembre et d’octobre. Madeleine au thé vert et à l’huile d’olive, Financier au thé vert, Financier au curcuma et meringue… et un cheese cake. Comme pour le reste des propositions, ce n’est pas un cheese cake « ordinaire », puisqu’il est réalisé à partir de fromage de chèvre frais, d’encre de seiche et d’un nappage aux fruits frais.

L’encre de seiche n’a pas un apport particulier ni déterminant dans la saveur de l’ensemble, mais elle colore naturellement le fond de pâte, lui donnant cette teinte d’un noir profond, en contraste avec la clarté de l’appareil. Parlons-en, de ce fameux appareil. Bien ferme et crémeux, il satisfera les amateurs de cheese cakes assez denses, en plus d’exprimer une saveur marquée et reconnaissable, du fait de l’utilisation du fromage de chèvre. Cela pourrait constituer un dessert presque salé, mais le nappage aux fruits, fin, léger et peu sucré, nous ramène dans les domaines du sucré. Il relève délicatement l’ensemble et s’exprime bien malgré sa finesse, en apportant une petite touche acidulée en contraste avec la douceur de l’appareil. Au final, cela apporte une note de fraicheur bienvenue, nous évitant tout risque d’écoeurement.
Le fond de pâte n’est pas extrêmement croquant mais plutôt sablé. En terme de saveur, sa présence demeure limitée mais son intérêt est tout justifié sur le plan des textures, au travers d’une certaine résistance à la cuillère / fourchette.

J’ai particulièrement apprécié la belle cuisson sur le dessus du gâteau, donnant à l’ensemble un parfum un peu caramélisé qui allait à ravir avec le nappage de fruits. On termine ainsi la pâtisserie sur une note agréable et un peu relevée, ce qui ne manque pas d’intérêt.

La portion peut paraître assez petite, mais c’est une bonne chose : en matière de cheese cake, il vaut mieux éviter de proposer des parts trop copieuse, car cela représente des risques d’écoeurement et de dégoût, deux choses qui ont tendance à gâcher le plaisir. Au final, ce cheese cake à l’intitulé surprenant s’avère plutôt réussi, avec une belle présence de la saveur de chèvre et une texture bien ferme, très agréable en bouche. Le nappage nous rappelle que nous dégustons une pâtisserie, donc quelque chose de sucré. Ici, le sucre est peu présent, uniquement par notes. On termine par le fond de pâte, certes discret, mais bien agréable en contraste avec la « douceur » de la texture de l’appareil.
Je m’y prends un peu tard pour vous présenter cette création, en effet, elle ne sera plus disponible en boutique passé demain. Il vous reste encore une chance de profiter de ce produit atypique et surprenant. N’hésitez pas à appeler cette charmante épicerie aux alentours de 13h afin que l’on vous mette une part de côté, elles partent très vite.

Cheese cake au chèvre frais, à l’encre de seiche et nappage aux fruits frais, Chef Hisayuki Takeuchi pour L’Epicerie Générale, 5,5 euros la part.

La plupart des pâtissiers ont l’habitude de nommer leurs pâtisseries, à l’inverse d’autres qui font le choix de se limiter à une description purement factuelle de leurs créations. Cela peut aller parfois chercher assez loin, si bien que l’on ne voit pas vraiment le rapport avec le gâteau proposé.

Au Pain de Sucre, les noms sont toujours très mignons, on trouve parfois des prénoms, donnant à leurs pâtisseries des visages d’enfants, dans cet univers ludique et gourmand que déploient Didier Mathray et Nathalie Robert sur la rue Rambuteau.
Aujourd’hui, le petit gâteau « Terre de feu » prolonge un peu l’été qui s’achève, au travers d’une composition fraîche et fruitée. Pâte sablée aux amandes, pulpe de fraise, fraises Mara des bois, crémeux et biscuit à la fleur de sureau, voilà pour l’aspect « technique ».

Difficile de classifier ce type de pâtisserie, un peu hybride entre la tarte, du fait de la présence de la pâte sablée, et l’entremet, car on retrouve plusieurs éléments et textures. Cette forme en dôme donne à l’ensemble un aspect charmant, et si l’on doit atterrir sur une terre de feu, espérons qu’elle soit aussi douce et agréable que celle-ci.
Le fond de pâte est bien croquant, il diffuse un goût de beurre agréable et apporte un contraste net avec le reste des composants, assez moelleux. Cela accompagne agréablement la pulpe de fraise, assez peu sucrée et bien parfumée.

Pour moi, tout l’intérêt de cette pâtisserie réside dans l’utilisation de la fleur de sureau, que l’on retrouve trop rarement dans les créations sucrées, à mon sens. Pourtant, les parfums floraux procurent un côté très frais et agréable aux gâteaux. La fleur de sureau n’y fait pas exception, avec un goût non sans rappeler celui du litchi, on ferme les yeux et on se balade dans les champs pendant quelques instants. La texture du crémeux est onctueuse et douce, le biscuit n’est pas forcément indispensable même s’il apporte une texture supplémentaire, ainsi qu’un petit goût d’amande plutôt sympathique. L’association avec la fraise est vraiment bien trouvée, et l’ensemble se déguste avec plaisir en quelques bouchées.
Le petit morceau fraise fraiche en décor est amusant, piqué de sa gousse de vanille épuisée, que l’on se surprend à sucer pour en retirer quelques notes d’exotisme.

M. Mathray et Mme Robert signent ici une création bien maîtrisée, visuellement simple mais attirante, tout en n’associant pas un nombre trop important de saveurs, ce qui nous permet de bien garder la ligne directrice de la pâtisserie et d’en profiter pleinement. Une jolie douceur pour nous accompagner dans cet été indien.

Terre de feu, Pâtisserie Pain de Sucre – Paris 3è. 6 euros la portion individuelle. Proposé également en entremet pour plusieurs convives (4, 6 et 14 personnes).

 

En regardant des pâtisseries, je me surprends parfois à imaginer quel a été le processus créatif de l’artisan pour en arriver au résultat présenté en vitrine. Une inspiration soudaine, une recherche longue et torturée, … Tout est possible, d’autant quand le visuel et les saveurs sont complexes.

Concernant l’Ivoire, proposé chez Arnaud Larher, dans les hauteurs de Montmartre, ma grande imagination a pensé à une chaude soirée d’été… Ce Meilleur Ouvrier de France aurait donc été en terrasse, en train de plancher sur sa création. « Bon, et bien, créons quelque chose autour des fruits exotiques… Mangue, passion, noix de coco… Ensuite, je suis un chocolatier, donc mettons-y du chocolat… blanc, ce sera très bien, assez doux… Pour la forme, je vais faire un dôme et… ». A ce moment-là, sa femme l’appelle pour venir manger. D’où le résultat. Un dôme blanc. C’est tout. Terrible sentiment d’un travail abandonné, d’une esquisse inachevée.

Pour le reste, on ne peut dire que M. Larher ait été tellement plus travailleur. Le nom ? Ivoire est le nom du chocolat blanc proposé par Valrhona, chez qui il achète ses couvertures. Bel hommage à cette maison. Quoique, je ne suis pas certain que l’hommage soit si vibrant que cela : la coque et la forte présence de la mousse au chocolat blanc procurent une saveur assez sucrée à ce dessert. De plus, elles perdent le coeur de crémeux aux fruits de la passion, certes bien acidulé et agréable, mais il ne peut pas s’exprimer pleinement face à tant de douceur. Sentiment accentué par la base de biscuit à la noix de coco, qui achève de donner à l’ensemble un côté doucereux, en plus de masquer le reste des saveurs si on l’inclut à la bouchée.
Quant aux dés de mangue pochés ? Ils sont minuscules et peu nombreux, dommage, car ils sont assez parfumés et agréables.

Côté textures, c’est également assez plat, peu de contrastes, beaucoup de moelleux et d’onctueux, peu de croquant mis à part la coque, trop épaisse à mon goût d’ailleurs. Cependant, la mousse au chocolat blanc et le coeur de crémeux passion sont bien réalisés, assez légers et ils se dégustent sans forcer. Dommage que l’équilibre entre les deux n’ait pas été atteint.

Je terminerai sur la finition, qui, comme vous pouvez le voir, n’est pas excellente malgré la simplicité visuelle du gâteau. Globalement, ce n’est pas une mauvaise pâtisserie, mais ça n’en est pas une bonne non plus. Assez sucrée, peu d’intérêt en terme de textures, manque d’équilibre entre les éléments. Les saveurs promises sont tout de même présentes, ce qui est positif, mais loin d’être suffisant.
Encore une fois, je trouve que le titre de MOF manque de sens : il sanctionne la capacité à réussir un ‘examen’, mais pas celle de réaliser des produits de qualité au quotidien.

Ivoire, « Fin biscuit à la noix de coco avec une délicate crème légère Ivoire, son crèmeux aux fruits de la passion et ses cubes de mangue pochée. », Arnaud Larher – Paris 18è. 4,90 euros la portion individuelle. Proposé également en entremet pour plusieurs convives.

 

Vous l’aurez certainement remarqué, mais j’ai une fâcheuse tendance à accorder une importance toute particulière à l’aspect des gourmandises que je déguste. Pour moi, le goût en serait parfois presque secondaire, je veux que le pâtissier me fasse rêver, me donne envie de rentrer dans son univers. Ainsi je passe sûrement à côté de beaucoup d’excellents pâtissiers, simplement parce que leur style ne me plaît pas. Tant pis pour moi, mais d’un côté, cela me permet de vous montrer de bien jolis gâteaux.

Hier, une petite ballade dans le quartier des Batignolles avant de passer chez Gontran Cherrier, et un détour par chez Acide Macaron. J’aime y passer car justement, le visuel est toujours très soigné, mignon et sobre. Autant pour les macarons, certains sont poudrés d’argent, d’autres affichent de bien vives couleurs… que pour les pâtisseries. Jonathan Blot travaille autour de la « bouchée », donnant aux plaisirs sucrés proposés dans sa boutique une petite taille et un aspect très éphémère. Rien de complexant ou de lourd, une façon très painrisienne de voir la gourmandise : dans l’instant, sans penser à l’instant suivant !

Pour les pâtisseries, la gamme est très courte, maximum 3 à 4 variétés. Cela permet d’assurer une grande fraicheur des produits et une finition soignée pour chacun d’eux, les pâtissiers n’ayant pas à produire à la chaîne. Egalement, seuls des fruits de saison sont travaillés, en plus du chocolat ou du caramel.
M. Blot porte visiblement un grand amour pour la fraise, et je garde un très bon souvenir d’une fraisier parfumé à la verveine dégusté plus tôt dans la saison. Ce samedi, les Mara des bois – ma variété préférée – étaient à l’honneur au travers d’une charmante tarte, où elles étaient associées avec une crème pistache, une crème à la vanille ainsi qu’un délicat confit de fraise et un fond de pâte sablée.

En pâtisserie, le plaisir tient à peu de choses, et notamment à la fraicheur. Mon expérience chez Un Dimanche à Paris un peu plus tôt dans la semaine le prouve : trop de temps au réfrigérateur et l’effet est gâché, même si la création n’est pas dénuée d’intérêt. Ici, ce n’est pas le cas : le fond de pâte était bien beurré, croquant, si bien que l’on prendrait plaisir à le déguster seul. Cependant, ce serait se priver du plaisir de l’associer avec ces petites fraises bien mures et parfumées, qui se marient si agréablement avec le goût du beurre.

Les crèmes étaient légères, bien parfumées et assez peu sucrées. Elles cachaient de plus d’agréables inserts de confit de fraise, qui renforçaient la saveur des fruits frais. Au final, l’ensemble est cohérent, agréable et frais. De la douceur, du croquant, de l’onctueux, voici une sympathique pâtisserie de saison, qui pourrait paraître trop petite de prime abord, mais qui peut ainsi terminer un repas en l’absence de toute lourdeur inutile.
Ajoutez à tout cela un service toujours souriant et agréable, un prix assez raisonnable, que pourrait-on demander de plus ? Peut-être que la boutique ne soit pas si perdue dans Paris, mais dans un sens, j’aime bien fuir cette concentration de pâtisseries dans des quartiers tels que Saint-Germain-des-Prés. Non seulement les tarifs augmentent, mais cela finit par perdre toute authenticité… Tout l’inverse d’Acide.

Tarte Fraise Mara des Bois – Pistache, Acide Macaron – Paris 17è. Proposé en portion individuelle, 3,90 euros.

En terme de pâtisseries, il devient toujours difficile à un certain point de se différencier en proposant des formes originales, des créations sortant des « carcans » habituels. Tartes, entremets, pâtes à choux… Les gourmands finissent par tourner en rond.

Heureusement, quelques chefs prennent les choses en mains et se décident à proposer en « pâtisserie boutique » des produits un peu différents, à mi-chemin entre le dessert traditionnel et celui proposé en restauration. C’est notamment le cas du Hugo Framboise, une vraie gourmandise d’été.
Son aspect est sympathique, à la fois sobre et travaillé. L’ensemble des composants de la pâtisserie sont visibles : de bas en haut, la dacquoise amande, le disque de chocolat blanc, la marmelade de framboise, les framboises fraiches, le mousseux au lait d’amande et enfin le « cerceau » de chocolat blanc.
Ce côté inhabituel nous force à réfléchir sur la façon de déguster la douceur, en effet, il est difficile d’envisager l’utilisation d’une cuillère seule, le résultat serait assez chaotique. L’emploi d’un couteau et d’une fourchette à dessert est préférable, d’autant que cela permet de créer ses propres associations plus facilement.

Comme la plupart des créations d’Hugues Pouget, le Hugo Framboise est très léger, peu sucré et il constitue une vraie pâtisserie de saison : en Eté, je ne suis pas certain que nous soyons réellement attiré par des gâteaux lourds et volumineux. Certes, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse, et proposer une portion dont la taille serait frustrante. C’est un peu le cas pour moi ici, l’ensemble étant tellement fruité que l’on en mangerait bien un peu plus.

Si l’on met ces considérations de côté, les accords ont été bien travaillés et les matières premières utilisées sont de qualité, c’est incontestable. L’amande et la framboise sont deux éléments dont l’association fait merveille, la première apportant une note de douceur à l’acidulé du fruit. Le chocolat blanc, peu sucré et agréable, contribue à cet effet. Le fait qu’il soit intégré en deux plaques apporte du croquant, le jeu de textures est agréable. Les framboises fraîches sont bien parfumées, ce qui est trop rarement le cas, beaucoup de pâtisseries faisant le choix de rogner sur la qualité des fruits, ceux-ci représentant la plupart du coût d’un gâteau.

Les saveurs sont délicates et subtiles, c’est un style assez singulier et à contre courant de la démarche adoptée par nombre de pâtissiers, qui proposent des créations saturées en saveurs. L’exemple le plus poignant à mon sens est la mode des macarons, bien souvent sucrés et fortement aromatisés. Le parti-pris d’Hugues Pouget peut rebuter les plus « gourmands », j’avoue avoir été parfois déçu, notamment en raison du fait d’une trop grande « douceur » à la dégustation. Pour autant, la framboise étant un fruit au goût marqué, cela fonctionne bien ici.

Hugo & Victor nous propose donc là une création moderne et réussie, même si on pourrait lui reprocher un rapport taille/prix peu intéressant pour le client final, mais en matière de pâtisseries, mieux vaut privilégier la finesse et la légèreté, qui sont bien mieux adaptés à nos modes de vie urbains et contemporains.

Hugo Framboise, Hugo & Victor – Paris 7è et 1er,  proposé jusqu’à aujourd’hui (désolé de ne le goûter que tardivement !), 6 euros la portion individuelle.

Quand les choses vont bien, que les produits sont beaux, il faut le dire… mais à l’inverse, s’il y a lieu de faire des remarques, des déceptions, c’est aussi utile d’en parler. C’est ainsi que l’on avance, car même si les champs de roses sont beaux, ils n’incitent pas vraiment à se remettre en question.

Aujourd’hui, je me suis rendu chez Dominique Saibron pour acheter un peu de pain… et une pâtisserie, les qualités de l’artisan dans ce domaine m’ayant été vantées par des communiqués de presse : « Dominique Saibron n’est pas seulement le boulanger passionné reconnu de tous, c’est aussi un pâtissier de talent. ».

Justement, j’avais reçu un communiqué de presse au sujet de ce gâteau, l’Abercoc. J’aurais pu me contenter de le recopier, comme certains blogs l’ont fait. Au final, j’aurais présenté une photographie qui n’est plus en adéquation avec la réalité. En effet, le visuel de cette pâtisserie a été revu quelques semaines après sa mise en vente, les clients pensaient qu’elle contenait du chocolat du fait de sa couleur brune. A présent, sa robe orangée nous met plus facilement sur la voie.

L'Abercoc tel que présenté initialement

« L’abercoc est un biscuit financier aux pistaches, au cœur marmelade d’abricot et bavaroise au miel de 1000 fleurs. Cette pâtisserie a le bon goût de notre enfance, souvenir du parfum frais des abricots du verger et de l’effluve sucrée du miel. » Voici donc pour la description commerciale faite par l’agence de relations publiques de Dominique Saibron. Le problème, c’est que l’on ne retrouve pas la saveur du miel. La bavaroise est très peu parfumée, même si elle est légère et peu sucrée – il semblerait que les 1000 fleurs n’aient pas eu beaucoup de saveur, cette année. La marmelade d’abricot est assez douce, j’aurais aimé retrouver le côté acidulé du fruit mais il serait difficile de le préserver sous cette forme confite. Le fait que le gâteau en soit nappé et en contienne une autre couche rend l’ensemble assez sucré et « sirupeux », ce qui n’est pas très agréable.
La base de biscuit financier à la pistache est certainement l’élément le plus réussi de l’Abercoc, puisque son goût est bien présent et on le déguste avec plaisir. Cela a toutefois un effet de bord : étant donné que le reste n’est pas très soutenu, la pistache finit par prendre le pas et devient dominante au fil des bouchées.
Les plaques de chocolat blanc disposées sur les côtés n’apportent rien, si ce n’est qu’un renforcement de l’aspect sucré de l’Abercoc.

Reste enfin la question de la texture, et en l’occurrence, la pâtisserie est uniformément molle, sans contraste entre les éléments, seul le morceau d’abricot posé sur le dessus ainsi que la coque de macaron résistent légèrement à la cuillère.

Au final, la déception est grande, même si le tarif reste assez raisonnable pour une pâtisserie parisienne, d’autant que la finition des petits gâteaux n’est pas toujours au point (particulièrement avec la première version de l’Abercoc, d’ailleurs, qui était très souvent endommagé en vitrine !). Je me contenterai du pain, à l’avenir.

Abercoc, Dominique Saibron – Paris 14è, 4,40€ la portion individuelle, 23.50€ pour 4 pers, 31.50€ pour 6 pers, 39.90€ pour 8 pers.