Les fruits, c’est (un peu) la vie. Un concentré de saveurs, de couleurs, de fraicheur. Ils accompagnent en légèreté nos repas, nos envies… Selon les saisons, ils seront présents en quantités plus ou moins abondantes sur nos tables, et revêtiront des manteaux plus ou moins chatoyants. Leur présence demeure, toutefois. Pommes, poires, kiwis, ananas, fraises, oranges, … les choix sont nombreux et s’accordent sans difficulté avec les goûts de chacun.

Parmi toutes ces espèces et variétés, je dois confesser que j’ai un penchant naturel pour la fraise… Belle, douce, légère, je ne peux cacher ma joie quand elle revient sur les étals des maraîchers. Bien sûr, toutes ne se valent pas, et beaucoup sont malheureusement « gonflées aux hormones », cultivées hors sol et sous serre pour maximiser la productivité, mais certainement pas le goût. On commence donc la saison avec les ciflorettes et les gariguettes, pour la continuer voire la terminer avec les Mara des Bois, qui sont sans doute mes préférées.

En pâtisserie, le fruit se doit d’être mis à l’honneur, c’est à dire mis en oeuvre lorsqu’il est à pleine maturité, en saison. Ainsi, évitons les tartes aux Fraises en plein hiver, car il est aussi question de l’impact écologique de notre gourmandise : privilégions toujours un approvisionnement local, car lui seul est garant d’un minimum de maintien de l’agriculture dans nos campagnes, en plus de limiter les transports inutiles.
Ensuite, il est question de la façon d’utiliser ce fameux fruit. La plus simple et « naturelle » est bien sûr la tarte, mais nos chefs ont trouvé bien d’autres façons de mettre en oeuvre les produits dont ils disposent. Le traditionnel confit de fruit est certainement le plus commun, pouvant être utilisé par tout temps et sans contrainte particulière de saisonnalité. Cependant, il a une fâcheuse tendance à dénaturer le fruit en lui apportant des touches de sucre peu souhaitables.

Du côté de chez des Gâteaux et du Pain, dans le 14è arrondissement, Claire Damon veille à respecter le caractère saisonnier des fruits, et donc de ses pâtisseries. Ainsi, certaines ne demeurent en boutique que quelques semaines. Si j’apprécie autant les créations de cette pâtissière, c’est aussi sans doute car elle partage mon amour pour la Fraise… preuve en est de la création que je souhaitais partager aujourd’hui avec vous, le « J’adore la Fraise ». Adam en avait parlé il y a presque un an sur son excellent blog Paris Pâtisseries et je partage son enthousiasme : cet entremet est une véritable réussite. Cette année, la présentation a un peu évolué, et comme il avait pu l’indiquer, l’enrobage de chocolat blanc utilisé initialement n’est plus qu’un souvenir.
Mlle Damon n’a pas pris sa plume comme je le fais chaque jour pour chanter une ôde à la Fraise, mais a utilisé tout son talent pour mettre en avant ce fruit. Ainsi, il est décliné en diverses textures et formes, nous le faisant découvrir et redécouvrir de façons différentes, mais toujours respectueuses du produit. Biscuit moelleux aux amandes et fraises cuites, crème onctueuse à la fraise, compotée acidulée de fraise, biscuit imbibé de jus de fraise, mousse de pulpe de fraise. Le jeu serait de compter dans cette phrase le nombre d’occurrences au mot fraise, mais passons plutôt à la dégustation.

On commence tout d’abord par entamer ce délicat manteau moelleux que constitue le biscuit à la fraise entourant le gâteau, pour découvrir l’intérieur et les différentes textures. La mousse, son côté doux et presque moelleux, enveloppe la compotée où le sucre paraît avoir été oublié, mais également cette fameuse crème dont les notes lactée et onctueuses subliment la douceur du fruit. La base de biscuit moelleux, avec son parfum d’amande bien prononcé, achève de faire de l’ensemble une expérience gourmande inoubliable. En effet, l’amande relève le tout avec une belle douceur. Les fraises fraiches, en décor, sont bien parfumées et apportent un peu de consistance à l’ensemble. Le petit cube de brioche, en décor, amuse autant qu’il orne. On pourrait rechercher du croquant, du craquant, d’autres textures, mais non, ce ne serait pas respecter cet univers infiniment doux et savoureux qu’est celui de ce rouge ovoïde…

Lorsque l’on termine cette pâtisserie, on ne peut que saluer le travail réalisé ici, tant ce produit est vecteur d’émotions et de sensations. Son nom l’exprime bien, d’ailleurs. Peu de chefs parviennent à réaliser un tel travail d’équilibre et de cohérence, et c’est ce que je souhaitais souligner ici. Bien sûr, on pourra toujours s’étendre sur le prix d’une telle pâtisserie, mais au vu du travail nécessaire pour assembler ces différents éléments de façon harmonieuse et de la qualité des fruits utilisés, je serais presque tenté de trouver cela très honnête… un plaisir d’exception.

J’adore la Fraise, des Gâteaux et du Pain – Paris 15è, 7€ la portion individuelle – disponible également en entremet à partager.

Pâtisserie du jour

02
Mai

2012

Pâtisserie du jour : Carla, Angelina (Paris 1er)

Cela ne vous aura sans doute pas échappé, la période est marquée par l’actualité politique, avec des enjeux qui marqueront sans doute notre pays pour les cinq années à venir. Ainsi, tout devient politique, on se lève politique, on marche politique, on mange politique… les hommes, les femmes, autant que les partis s’opposent et s’indisposent. Cette campagne aura mis en exergue des sentiments peu reluisants, et même si nous arrivons à sa fin et qu’ils finiront par être rangés à nouveau dans les placards, ils ne disparaîtront pas pour autant. Dans tous les cas, on pourrait essayer de mettre de la politique dans le sucré, dans la pâtisserie. Pas sûr que la recette soit très harmonieuse en définitive, mais soit.

Du côté de chez Angelina, sur la rue de Rivoli mais aussi dans les nombreuses autres adresses que compte à présent l' »enseigne » portée par le groupe Bertrand, nous sommes également à l’aube d’un changement de mandat. La carte Printemps / Eté arrivera la semaine prochaine, avec quelques nouveautés (une religieuse à l’abricot et un éclair à la fraise, notamment), ce qui marquera la fin du séjour dans les prestigieuses vitrines de la « boutique des Anges » pour un certain nombre de créations. Ainsi, il se pourrait bien que deux Carla aient à quitter leurs appartements… qui ne sont d’ailleurs pas si éloignés les uns des autres.

Les deux sont douces, attirantes selon les goûts, mais celle que j’ai pu déguster est plus accessible que la seconde, bien installée et protégée au sein du Palais de l’Elysée. Au programme de la dégustation, du marron, de la myrtille, mais aussi du chocolat blanc, du cream-cheese et de la pâte sablée. Une composition complexe pour une pâtisserie qui a tout d’une grande dame, malgré une taille assez mesurée. Pensez-vous, il faut bien que Carla puisse manger Carla sans trop de complexes… Histoire de permette une savoureuse mise en abîme.

Trêve de jeux de mots, parlons plutôt du goût. Sébastien Bauer, le chef pâtissier d’Angelina, semble être un grand amoureux du cheesecake, car sa carte actuelle ne compte pas moins de trois pâtisseries en contenant. Ici, il apporte une note de rondeur en contraste avec le côté légèrement acidulé du confit de myrtille, par ailleurs bien parfumé et peu sucré. La saveur particulière du cream-cheese est bien marquée, et s’associe bien avec la douceur du marron. Ce dernier est représenté au travers d’une mousse légère et onctueuse. La base de sablé exprime un croquant et un arôme de beurre agréables, sans pour autant prendre le pas sur le reste des saveurs. Ce qui est plus regrettable, c’est l’utilisation d’une coque en chocolat blanc pour envelopper l’ensemble, car même si cela complète le jeu de texture par un apport de craquant, son côté sucré et assez gras a tendance à couvrir les autres éléments de la pâtisserie, plutôt délicats. De plus, elle rend l’ensemble plutôt difficile à déguster, en résistant sous l' »assaut » paisible des couverts, ce qui est lié à son épaisseur assez importante. Ainsi, il est presque préférable de la déguster à part, de la retirer puis de l’associer ou de la dissocier au fil des bouchées (elle est plutôt agréable à déguster avec un peu du confit de myrtilles, par exemple).
En définitive, le contraste entre les différentes textures et intensités, entre le doux et l’acidulé, confèrent à cette pâtisserie un caractère plutôt intéressant et subtil, que le chocolat blanc vient malheureusement malmener. En décor, la guimauve n’apporte qu’une note sucrée, dommage.

Dernière chose, l’inflation qu’a connu cette pâtisserie au fil des mois est assez remarquable, et le prix auquel elle est aujourd’hui proposée – 6,5€ – est très élevé, d’autant plus quand on tient compte de la taille de la portion. Malheureusement, c’est un mal assez commun dans notre belle capitale.

Il ne vous reste plus que quelques jours pour vous laisser tenter par cette demoiselle plutôt réussie, même si quelques points seraient à parfaire. Si vous vous décidez à épouser cette jeune fille par votre gourmandise, prenez bien soin d’essayer d’obtenir une pâtisserie dont la coque ne soit pas cassée… c’est malheureusement monnaie courante chez Angelina, chez qui le soin des produits ne semble pas vraiment la priorité. Il serait bien dommage et anormal de déguster un gâteau endommagé.

Pâtisserie Carla, Angelina – Paris 1er (mais également dans l’ensemble des salons de thé Angelina à Paris et en Banlieue), vendu en portion individuelle, 6,5€.

On vit une époque formidable. Si, si, croyez-moi. Rarement le monde aura autant changé en si peu de temps, rarement nos habitudes auront été bouleversées à ce point. Cela touche à peu près l’ensemble des éléments qui constituent nos vies, et ce caractère global et quasi absolu est autant fascinant qu’effrayant. Dans ce mouvement, deux choix s’offrent à nous : en être acteurs ou simplement spectateurs.

En matière de gourmandise, cela suit le même mouvement. Peu à peu dé-sucrées, revisitées, déstructurées puis restructurées, elles sont en changement perpétuel et dans un sens, on aurait bien tort de s’en plaindre. Pendant trop longtemps nous avons été otages de nos propres goûts, condamnés à l’uniformité gustative. Un peu de fraicheur ne nous fait pas de mal.
Au delà de l’aspect visuel et gustatif, il y a aussi une réflexion à mener sur la façon dont on consomme le dessert. Avec un mode de vie de plus en plus stressant et ‘nerveux’, nos habitudes en ce qui concerne les repas ont été profondément bouleversées. Pris sur le pouce, entre deux rendez-vous ou réunions, ils sont souvent peu savoureux et avalés avant même d’avoir eu le temps de chercher à les apprécier…

Doit-il en être de même pour les pâtisseries et le sucré ? On a tous des souvenirs de longs goûters pris entre amis ou en famille, de desserts après un copieux repas les jours de fête, … le sucré garde un côté sacré, même s’il peut très bien être synonyme de gourmandise ‘dans l’instant’ au travers de biscuits, viennoiseries et autres produits bien moins hautement considérés.
Pour autant, je pense que l’on pourrait tout à fait concevoir de consommer des desserts « haute couture » en les intégrant dans nos journées très actives, comme des notes d’élégance dans cette grisaille ambiante. Cela fait un peu partie du travail que réalise Christophe Adam avec son concept de « snacking sucré », qu’il décline à présent dans les deux restaurants Adam’s des 8è et 12è arrondissements.

Il n’est pas le seul à tenter de dépoussiérer la pâtisserie, en associant fraîcheur et inventivité. J’ai déjà eu l’occasion de vous parler des créations de Jonathan Blot, créateur de la sympathique boutique Acide Macaron, malheureusement blottie dans son 17è arrondissement. Ici, on casse les codes et on réalise chaque jour des gourmandises modernes et bien dans leurs baskets : macarons au bubble-gum, au yuzu et à la bergamote …, petits sablés très soignés tout en étant terriblement gourmands et régressifs, … mais aussi une gamme sans cesse mouvante de pâtisseries.
Parmi celles-ci est arrivée pour les beaux jours un surprenant « Yaourt ». Présenté dans ce petit pot très simple (le packaging est temporaire et devrait être remplacé très rapidement), il nous propose une expérience de dégustation plutôt originale et savoureuse. Si l’on se limite à l’intitulé, on peut bien entendu penser que tout cela n’a pas grand intérêt, et qu’il suffirait de se rendre dans le supermarché le plus proche pour y trouver un équivalent moins onéreux. Non, il s’agit bien là de ce que l’on peut appeler une pâtisserie, un yaourt « haute couture » si vous préférez.

Pour le déguster, pas besoin d’assiette ou de cérémonial. Une cuillère, quelques secondes de votre temps, et « vous êtes chez vous » comme l’auraient dit les publicitaires de France Télécom en leur temps. Une fois celle-ci plongée, vous découvrez alors cette association d’une crème parfumée aux agrumes, d’une gelée de fruits rouges et d’un mélange de fruits frais. L’onctueux de la partie lactique s’oppose avec le côté plutôt « froid » de la gelée, ce qui ne manque pas d’intérêt, tandis que les fraises, framboises et myrtilles craquent légèrement sous la dent avec leurs grains et pépins. Les agrumes apportent une douce saveur pour relever les fruits rouges, et leur acidité aura permis d’obtenir la texture souhaitée : en effet, la crème n’est pas trop prise comme on aurait pu le craindre, on est bien loin d’une panacotta ou équivalent, puisqu’aucune gélatine n’est utilisée ici.
C’est frais, léger, peu sucré. Une vraie gourmandise pour le printemps et l’été qui arrivent. La simplicité et la saveur du produit en font une création intéressante, avec une réelle volonté de dépasser les codes habituels de la pâtisserie. Cela n’est pas une verrine, un entremet, une tarte… Non, c’est différent. Ca n’en est pas moins joli, et très accessible.

Le Yaourt, Acide Macaron – Paris 17è, « tube » individuel vendu 3,5€ l’unité.

Joyeuses Pâques. Ce week-end pascal a du voir de nombreux lâchers d’enfants en quête d’oeufs mal cachés dans des jardins plus ou moins exigus, comme une cérémonie un peu étrange. J’avoue que je n’ai jamais vraiment compris l’intérêt d’une telle profusion de chocolat sur une courte période, celui-ci n’étant pas soumis à des problématiques de saisonnalité ou de rareté qui rendraient nécessaire sa consommation en ce début du mois d’Avril. Après tout, pourquoi pas.

A l’occasion de ces trois jours un peu « cloche » (mon humour me surprendra toujours), les chocolatiers mais aussi certains pâtissiers ont redoublé d’inventivité pour nous proposer des créations chocolatées. A la Pâtisserie des Rêves, Philippe Conticini avait élaboré un surprenant Lemonta au Chocolat, par exemple. Plus inhabituel, c’est chez un boulanger que j’ai pu trouver une pâtisserie éphémère au visuel attirant. Si vous me lisez depuis quelques temps, vous savez que j’ai tendance à distinguer nettement pâtissiers et boulangers, mais puisqu’il s’agit d’un produit proposé chez Gontran Cherrier, je ne pouvais vraiment pas faire l’impasse.

Impossible de ne pas trouver ce gâteau mignon et gourmand au possible. Nous avons bien quitté le domaine de la pâtisserie boulangère dans le cas présent, ce qui est assez rare dans les deux boutiques parisiennes de notre médiatique artisan. Néanmoins, la référence au pain et à une des façons de le consommer demeure présente : l’oeuf mouillette, c’est avant tout tremper une lichette de pain dans un oeuf à la coque… il s’agit ici d’un petit rectangle de sablé, mais l’esprit est bien là.
Tout est différent, mais tout y est. La coque, en chocolat noir poudré, accueille un blanc devenu vert – forcément, c’est une crème à la pistache – par l’opération de la magie pâtissière, saupoudré d’éclats de crumble pistaché. Au centre, une cerise Amarena représente le jaune et complète le tableau, tout en offrant une élégante opposition rouge / vert.
Le tout repose sur un nid de crème de marrons saupoudré d’éclats de pistache et un support de biscuit soufflé au chocolat et aux éclats de noisette.

L’instant le plus difficile est sans doute celui où il faut briser cet ensemble si charmant, mais un oeuf est avant tout fait pour être mangé, alors allons-y. La multiplicité des composants de cette pâtisserie laisse au gourmand un large panel de possibilités quant à la façon de la déguster. On peut ainsi choisir de tremper sa cuillère dans l’oeuf, de profiter de l’onctuosité de la crème à la pistache, bien parfumée et peu sucrée, et de la saveur acidulée et alcoolisée des cerises Amarena qu’elle renferme. Les éclats de crumble apportent alors un peu de croquant à la dégustation. Viendra ensuite le tour de la coque, dont le chocolat demeure assez doux, peu amer, ce qui est fort appréciable.
Enfin, c’est au nid qu’il faudra s’intéresser, avec tout d’abord les vermicelles de crème de marron, dont la saveur ne m’a pas réellement convaincu – un peu trop de sucre, ici. On terminera avec cette base de biscuit bien croustillante, enrichie de nombreux et savoureux éclats de noisette.
Toutefois, il est également possible de tenter des associations, de ne pas tout séparer : chocolat-pistache, noisettes-pistache, chocolat-cerises, marron-pistache, marron-chocolat, chocolat-pistache-cerise… Vous l’aurez compris, les variations sont nombreuses et c’est bien là tout l’intérêt de cette pâtisserie : au delà de son visuel, elle nous offre une vraie expérience ludique et gourmande. Dans tous les cas, les saveurs se complètent bien, la pistache, les cerises et le chocolat formant un trio bien assorti. Seul le marron demeure en retrait.

Gourmandise : c’est bien le maître mot des produits que l’on retrouve chez Gontran Cherrier, et celui-ci ne faisait pas exception. Dans tous les cas, on ne peut que saluer l’originalité de la création ainsi que la qualité de sa réalisation. Celle-ci a d’ailleurs du nécessiter une attention toute particulière de la part des pâtissiers de la maison, car l’ensemble est plus complexe et technique que les produits proposés d’habitude. Cela ne semble pas les avoir arrêtés, et c’est encore une preuve – s’il en fallait – de la valeur de l’entreprise menée par Gontran Cherrier. De plus, le tarif – 4,8 euros – était très raisonnable compte tenu du caractère créatif, ce qui ne gâche rien.

Oeuf Mouillette, Gontran Cherrier – Paris 17 et 18è, pâtisserie individuelle proposée à l’occasion du week-end pascal au prix de 4,8 euros l’unité.

Ah, la valse des saisons… Le Printemps est là, laissant derrière lui quelques mois de froid et de grisaille, même si ce début d’année n’a pas été aussi difficile à vivre qu’avait pu l’être le précédent, souvenez-vous de cette neige persistante en 2010 et début 2011… On se surprend à flâner de nouveau, à profiter de la douceur et du soleil qui commence à nous bercer.

Justement, parlons de douceurs. Cette nouvelle période est l’occasion pour nous de quitter un peu chocolat, caramel et autres pralinés qui ont jusqu’alors régné en maîtres sur nos pâtisseries et gourmandises. Certes, on pouvait toujours s’en échapper un peu grâce aux fruits exotiques, à des confits et coulis divers, mais tout cela est bien loin de valoir nos produits frais, locaux et de saison, n’est-ce pas ?

J’aime me promener et voir que les vitrines de nos pâtissiers changent de couleur, s’éclaircissent peu à peu et laissent entrer dans les rayons quelques… rayons de soleil. Ils revêtent leurs habits de jardiniers, de maraîchers, pour nous offrir des bouquets de fruits aux couleurs chatoyantes : rouge, jaune, orange, … voilà de quoi nous en mettre plein les yeux !
Parmi ces artistes printaniers, on peut compter Quentin Bailly et son équipe chez Un Dimanche à Paris, qui ont commencé à renouveler leur gamme. La boutique-salon de thé-restaurant du 5è arrondissement est certes un lieu dédié au chocolat et à « l’épice cacao », cela n’empêche pas pour autant le chef de développer des pâtisseries sur d’autres thématiques.

Ainsi, depuis ce week-end, on peut retrouver cette charmante tarte aux Fruits Rouges dans le présentoir à pâtisseries de la boutique du Cours du Commerce Saint-André. Tous les fruits présentés sur celle-ci ne sont pas encore de saison, c’est vrai. Les framboises arriveront un peu plus tard, de même que les mures qui ne sont pas à maturité dans nos régions. Pour autant, on se laisse aisément tenter par ce petit bouquet frais, qu’il faut prendre soin de cueillir et déguster au meilleur de sa fraicheur, un peu comme on le ferait pour les fruits qui la composent.
Tout d’abord, on apprécie le visuel simple et élégant, le parfait découpage des fruits et leur association élégante. Ensuite, et c’est là pour moi ce qui fait toute la différence entre une vraie pâtisserie fine et une pâtisserie plus médiocre, la tarte n’est pas peinturlurée d’une couche de gelée visqueuse et sucrée comme c’est souvent le cas, pour compenser le manque de saveur des fruits utilisés. Le choix fait ici est bien plus pertinent et savoureux. En effet, on retrouve sur le fond de tarte – bien beurré et croquant – deux fines couches qui vont relever l’ensemble : tout d’abord un peu de crème d’amandes, ensuite un délicat confit de framboises parfumé au yuzu. La première apporte un peu de douceur et renforce le parfum d’amande du fond de tarte, tandis que la seconde chatouille notre langue par son côté délicieusement acidulé.
La saveur du yuzu, entre le citron et la mandarine, s’accorde très bien avec la framboise et contribue à donner à l’ensemble une belle élégance. De plus, le confit est peu sucré, ce qui permet d’éviter tout risque d' »écrasement » des fruits frais. D’ailleurs, on pourra saluer la sélection de ceux-ci, puisqu’ils sont aussi savoureux que frais. Les gariguettes ne sont pas dopées aux amphétamines et correspondent bien à ce que l’on peut en attendre : légèrement sucrées, juteuses, un peu acidulées, elles continuent dans le même tempo que le reste de la tarte, ce qui ne serait pas le cas de l’ensemble des variétés (d’autres sont en effet beaucoup plus douces).
Les framboises, quant à elles, sont garnies du même confit qui nappe le fond de tarte, ce qui contribue là encore à relever leur parfum. Ce sont des petits détails qui font mouche, un ensemble de plaisirs qui rendent la dégustation ludique et agréable. Les mures apportent une note légèrement croquante avec leur coeur, ainsi qu’une légère acidité. Elles demeurent assez discrètes, ce fruit étant assez doux – lorsqu’issu de culture – en général.
Terminons sur cette petite guimauve disposée au sommet, cette gourmandise d’enfant rompt un peu avec le caractère sérieux et très adulte que pourrait avoir la pâtisserie sans cela… Son parfum n’est pas très prononcé, mais elle est bien moelleuse, elle fond en bouche et nous rappelle que le chef n’a pas oublié son âme d’enfant.

Au final, ce qui pourrait être une simple tarte aux fruits se révèle être une véritable création, avec une recherche d’un certain équilibre entre les saveurs, et une bien jolie façon de relever l’ensemble au travers d’un confit savoureux sans être écrasant. Merci à M. Bailly pour ce petit plaisir printanier !

Tarte aux Fruits Rouges, Un Dimanche à Paris – Paris 5è, tarte individuelle proposée tous les jours en boutique au prix de 5,2 euros.

Les goûts et les envies varient selon les régions du monde. C’est de cette façon que les produits alimentaires disponibles varient entre pays et même entre localités. J’ai toujours trouvé cela assez amusant à observer, car les hommes sont tous identiques en réalité, seule la culture peut les différencier. Bien sûr, il faut également tenir compte des climats, des matières premières accessibles en quantité, mais c’est de toute façon ce qui aboutit à l’élaboration de ces ‘coutumes’.

Les consommateurs français ont des habitudes bien marquées, que j’aurais tendance à qualifier de lassantes. Chocolat, praliné, fruits rouges (en toute saison, la fameuse tarte aux fraises en est une bonne preuve)… Peu d’envie de découvertes, ou alors il faut les baliser, que quelques influenceurs aient décrété que c’était le bon goût du moment. C’est tout particulièrement vrai dans le domaine du sucré, où seules quelques modes sont apparues, comme l’utilisation parfois surabondante du thé vert matcha, du yuzu et autres ingrédients japonisants, ou bien d’ingrédients d’ordinaire réservés au ‘salé’ (vinaigre balsamique, légumes…).

Pour ne rien vous cacher, je pense que tout cela est un peu surfait, et qu’on peut très bien se contenter de choses beaucoup plus simples pour distraire nos palais au travers de saveurs un peu originales, en dehors des codes établis. En l’occurrence, Quentin Bailly – le chef pâtissier d’Un Dimanche à Paris – a choisi d’associer la poire et la cacahuète dans ce Saint-Honoré très élégant.
Patron des boulangers, le voilà livré en pâture à notre gourmandise, en plus d’avoir été grandement détourné de son orientation caramélisée originelle. De plus, il a quitté nos beaux territoires français pour atterrir directement… aux Etats-Unis, puisque les américains sont de grands amateurs de cacahuète, à l’inverse de nous, qui nous contentons généralement de la consommer à l’apéritif et enrobées de chocolat au travers de sucreries naïves répondant au doux nom de M&M’s. Il faut un peu d’audace et d’imagination pour l’introduire dans la pâtisserie parisienne, et c’est à cela que l’on reconnaît la patte et la détermination qui peuvent faire d’un homme un chef. Au delà de ses saveurs, ce gâteau exprime donc la capacité du jeune et séduisant M. Bailly (à peine 27 ans !) à mener des hommes là où il le souhaite… dans notre cas, ce sera sur le terrain du goût, rien de plus agréable que cela.

Notre ami sanctifié fait jouer nos papilles au travers d’un aller-retour sucré-salé, entre la douceur vanillée de la poire et la rondeur de la cacahuète. Au programme, de bas en haut, un fond de pâte feuilletée caramélisée, des petits choux au grué de cacao garnis d’un confit de poire et de crème à la cacahuète, un coeur de la même crème, ainsi que quelques morceaux de poire dispersés dans ce ‘nuage’, accompagnés d’éclats de cacahuète. Du craquant, de l’onctueux, du moelleux… Voilà de quoi amuser notre palais.
La crème à la cacahuète se révèle relativement dense, ce qui est tout à fait pertinent : le fruit sec s’accommoderait mal d’une texture trop légère, d’un caractère vaporeux. Je suis en effet persuadé que nous associons des textures aux goûts, et il est important de les manier avec précision. Ainsi, une crème trop épaisse et sucrée, parfumée à la fleur d’oranger perdrait tout l’effet de fraicheur que l’on attend de ce parfum délicat.
Le confit de poire est peu sucré, bien parfumé, il garnit agréablement les choux qui se révèlent légèrement craquants sur le dessus, grâce à l’utilisation du grué du cacao, qui leur confère un parfum bien particulier. On retrouve d’ailleurs cette ‘signature’ sur d’autres pâtisseries proposées chez Un Dimanche à Paris, qui réaffirme ainsi son orientation ‘tout cacao’. Le parfum du fruit d’automne est également représenté par des petits morceaux qui fondent en bouche et cassent la rondeur de la cacahuète par leur fraicheur. Les éclats de fruit sec relancent le plaisir et l’envie par leurs notes salées et croquantes. L’ensemble affiche un bel équilibre, peut-on pourra-t-on simplement regretter le fait que la pâte feuilletée s’exprime un peu trop, et ait ainsi tendance à couvrir le goût délicat de la crème.

Le plus amusant avec cette pâtisserie, c’est certainement le fait qu’elle ait été demandée de façon plutôt répétée par les habitués de la maison, ce qui a conduit à son retour cette année. Comme quoi, si l’on parvient à proposer des créations savoureuses sans être alambiquées, les gourmands peuvent se laisser séduire et sortir de leurs habitudes. Il faut juste avoir un petit goût pour la prise de risque… mais la vie est tellement plus agréable ainsi, n’est-ce pas ?

Saint-Honoré Poire-Cacahuète, Un Dimanche à Paris – Paris 6è, pâtisserie proposée le week-end pour le prix de 6€ en portion individuelle, également disponible pour plusieurs convives. 

A force de traîner dans les boulangeries, les pâtisseries, les laboratoires, les fournils, on peut devenir complètement fou. Cet univers est aussi fascinant que potentiellement dangereux pour la santé mentale de celui qui l’approche. Il y a tellement à faire, à découvrir, à créer ou à recréer…

Dans mon cas, pas de doute, cela fait longtemps que je suis complètement givré, et c’est certainement pour ça que je suis painrisien. Peu importe, si cela peut être utile à quelques uns de mes lecteurs, ça n’est pas tout à fait perdu.
Ce qui est plus inquiétant, ou peut-être rassurant, dans un sens, c’est quand cette folie atteint des entreprises tout à fait sérieuses… Telles que la Maison Pierre Hermé Paris. En réalité, on peut dire qu’ils sont devenus… complètement baba.

Depuis hier, et jusqu’au 29 avril, le célèbre pâtissier parisien propose en effet pas moins de 8 déclinaisons autour de ce monument de la pâtisserie française. Monument certes, mais plutôt mis de côté ces dernières années par les pâtissiers. Il a peu à peu perdu de sa superbe, au profit de produits plus simples à réaliser. Le baba est un maître exigeant, qui nécessite d’être bien imbibé et d’avoir comme base une brioche de qualité pour que l’effet soit réussi à la dégustation, ainsi qu’une crème chantilly bien exécutée. 4 jours étaient ainsi nécessaires pour parvenir à le réaliser… ce qui explique sa lente disparition, en plus d’une tendance à mettre de côté les desserts alcoolisés.

Pendant 8 semaines, ce ne sera pas un mais bien 8 babas aux saveurs créatives qui s’épanouiront rue Bonaparte et rue de Vaugirard. La version traditionnelle bien entendu, mais également 7 créations autour des associations de saveurs développées par Pierre Hermé. Ispahan (Rose-Framboise-Letchi), Infiniment Vanille, Mogador (Chocolat au lait, fruit de la passion et ananas), Chuao (Chocolat noir Chuao & Cassis), Satine (Cream-Cheese, Oranges et Fruits de la passion), Carrément Chocolat ou encore Montebello (Pistache-Fraise), autant de mélanges qui donnent au Baba une toute autre dimension.
Pour les présenter, la maison Hermé avait déployé un dispositif plutôt inédit, avec notamment la distribution d’un dépliant annonçant l’opération, la décrivant et achevant de susciter l’envie par d’alléchantes photographies. Quand je vous disais qu’ils étaient fous, complètement babas de baba.
Je trouve cette démarche tout à fait intéressante et « symptomatique » pourrait-on dire d’une volonté de sortir de l’image de pâtissier-macaronnier que le fameux « Picasso of Pastry » avait pu acquérir au fil des années. Il faut dire que cette mode articulée autour de ces coques de meringue garnies s’essoufflera très certainement avec le temps – peut-être cela a-t-il déjà commencé, d’ailleurs. Dès lors, il devient essentiel de créer d’autres actualités et rendez-vous.

Certes, la pâtisserie que j’ai choisi de vous présenter aujourd’hui ne respecte pas les saisons, puisque les fraises ne devraient pas envahir nos étals comme elles le font pourtant. Néanmoins, après le froid, les courtes journées et le manque de lumière, nous avons parfois envie d’un peu de fraicheur, de couleur. C’est ce qui m’a amené à choisir ce fameux Baba Montebello, associant une Pâte briochée imbibée au sirop au vieux kirsch et à la pistache, des fraises et une crème chantilly à la pistache. Visuellement, la pâtisserie est simple mais réussie. L’ensemble des composants sont présents et s’associent avec élégance. Le vert pâle de la pistache tranche avec le rouge acidulé des fraises. Lors de la dégustation, l’effet se prolonge, puisque la douceur du fruit sec vient contrebalancer la douce acidité du fruit rouge.
La description faite par Pierre Hermé de ce gâteau correspond bien à ce que l’on obtient en réalité : une gourmandise d’une grande fraicheur, très légère et plaisante. La pâte briochée est bien imbibée, moelleuse, et exprime des notes fruitées grâce au kirsch, accompagné de la légère amertume de la pistache. Une chantilly aérienne et mousseuse, peut-être un peu trop, surplombe l’ensemble et enrobe les fruits frais, étonnamment savoureux malgré leur « avance ». On se laisse transporter dans ce monde de douceur, assez peu sucré par ailleurs. Le plaisir est relancé par les quelques éclats de pistache semés sur la pâtisserie, apportant un peu de croquant.
Annoncé comme la plus alcoolisée des variations après la version traditionnelle, le Baba Montebello demeure assez mesuré sur ce point, les fruits étant bien présents.

Une bouchée, puis deux, puis trois… Ce baba disparaît sous nos couverts et notre gourmandise, sans que l’on s’en rende bien compte. Le contrat est bien rempli, on passe un moment agréable et présentation très élogieuse qui nous est faite du produit correspond à la réalité, même si son prix demeure très élevé. Un plaisir éphémère, « rare » et donc précieux… On regrettera simplement sa fâcheuse tendance à laisser échapper son sirop et donc à se répandre dans la boite au cours du transport.

Baba Montebello (association de la pistache & de la fraise), Pierre Hermé Paris – Paris 6è, pâtisserie disponible en version individuelle pour 6,90 euros, et à partager pour 3/4 ou 6/8 convives.

Parfois je me dis que je suis parti en croisade, un peu à la façon des explorateurs en leur temps. Ma quête, mon objectif ? Trouver le bon, le beau, l’accessible et surtout l’authentique. Au final, ça n’est pas si facile de parvenir à réunir ces différents éléments , car on finit souvent par perdre l’un ou l’autre en cours de route. C’est assez humain, au final : on cherche à faire trop sophistiqué, on oublie la simplicité, on prend quelques grands airs…

Rien de tout cela chez Carl Marletti, qui parvient à garder, malgré le temps qui passe et le succès rencontré par sa petite boutique de la rue Censier, un caractère authentique, une accessibilité autant humaine qu’en terme de produits, et surtout à proposer des douceurs savoureuses et simples à sa clientèle.
Quand on regarde sa vitrine, on peut sentir une certaine volonté d’élever les pâtisseries au rang de bijoux – au travers de détails tels que les feuilles d’argent ou les perles de sucre – tout en demeurant sobre et à l’écart des excès de recherche très parisiens.

La pâtisserie est une discipline vivante, je ne le rappellerai jamais assez. Il est impossible de chercher à la rendre complètement aseptisée, lisse et uniforme. Au contraire, si l’on a cette volonté, on parvient à un résultat beaucoup moins savoureux et intéressant. Cela passe souvent par l’utilisation de colorants, d’arômes, de machines permettant de dresser avec une grande précision les différents constituants de chaque pièce… Ce qui, au final, revient à réduire la valeur ajoutée que peut avoir l’humain dans la réalisation du produit. Cela se retrouve tout à fait sur les macarons, dont la réalisation est souvent automatisée à présent, ce qui rend ces petites coques de meringues vides de tout esprit, et bien souvent de sens…
A deux pas de la rue Mouffetard, en face de l’église Saint-Médard, quelques religieuses se sont échappées du couvent pour aller se nicher dans ce temple du péché de gourmandise. En passant dans la vitrine, elles ont conservé l’ensemble de leurs caractères très humains, et qui font tout leur charme : vibrantes, imparfaites, simples et honnêtes.

On pourrait trouver que cette religieuse à la Pistache présente un dressage plutôt brouillon, mais au final, en la regardant, je vois plutôt une gourmandise simple, bien dodue et qui suscite justement l’envie. L’absence de raisonnement excessif, de recherche assidue de perfection ou de décor, la rend accessible et sympathique. Passé les salutations d’usage – la gourmandise ne devant pas exclure la politesse, surtout avec de jeunes demoiselles comme celles-ci -, passons à un examen plus approfondi et à la dégustation…
Une tête, un corps, de la pâte à choux présentant un craquelin (résultat d’un saupoudrage de sucre sur la pâte avant cuisson), un glaçage vert rappelant la couleur de la Pistache, quelques flammes de crème joignant les deux parties, et nous y sommes.

Pêchons, saisissons nous de cette religieuse. A la découpe, on apprécie le moelleux de la pâte à choux, bien fraiche et loin d’être sèche ou trop épaisse comme cela peut parfois être le cas. On découvre à l’intérieur une crème onctueuse d’un vert « honnête », dans le sens non chimique. Le chef sélectionne avec soin ses matières premières et utilise de la Pistache du Piémont pour la réalisation de cette pâtisserie, ce qui procure à la crème toute la douceur de ce fruit sec. Onctueuse sans être trop dense, elle nous transporte directement sous le soleil de cette région de l’Italie, c’est un peu la Dolce Vita sucrée qui s’offre à nous… Tout en étant accompagnée de cette fameuse pâte à choux légèrement croustillante et développant un agréable goût beurré. Le glaçage n’est pas trop sucré et est bien parfumé lui aussi à la pistache, il n’écrase pas la crème et complète le plaisir de dégustation par son côté un peu plus dense.
Les flammes en crème praliné apportent un contraste de goût intéressant, jouant un jeu amusant entre fruits secs. Noisette, pistache, cela se complète agréablement. Au final, le tout est terriblement gourmand et addictif, on abandonnerait presque les couverts pour savourer cette religieuse sans plus de cérémonie.

Le plus beau dans tout cela est certainement que cette « accessibilité visuelle » se retrouve du côté du prix, puisqu’elle est proposée à seulement 3,90 euros, une somme somme toute faible compte tenu de la fraicheur et de la qualité du produit, ce qui est d’autant plus vrai lorsque l’on compare avec les tarifs habituellement pratiqués dans la capitale.

Religieuse Pistache, Carl Marletti – Paris 5è, pâtisserie individuelle proposée au prix de 3,90 euros.

La vie est faite d’occasions. D’occasions manquées, parfois. D’occasions créées, également. En la matière, notre société de consommation est particulièrement créative, pour donner des idées à ceux qui en manquent, pour créer des instants de partage institutionnalisés. Certes, c’est assez artificiel et conformiste si on les adopte, cependant on peut leur reconnaître le mérite d’exister et de créer quelques moments de bonheur dans toute cette grisaille quotidienne…

Hier, 14 février, nous fêtions la Saint-Valentin. Fête des Amoureux, alors que l’amour devrait être une fête quotidienne, et que nous devrions nous employer à le célébrer chaque jour qui passe en partageant avec l’élue de notre coeur des attentions, des regards, des mots, des envies, des petits riens qui font que la vie est plus jolie à deux. Je m’égare. A cette occasion, nos créateurs de gourmandises avaient rivalisé d’imagination pour illuminer les yeux des couples en quête de moments d’exceptions, que ce soit au travers de menus élaborés ou de douceurs variées. Chocolats, mets fins, pâtisseries, rien ne pouvait manquer pour faire chavirer le coeur de l’aimé(e). Du rouge, des fleurs, des petits coeurs partout, voilà ce qu’il nous faut.

Du côté de la place de la Madeleine, le plus rose et noir des traiteurs parisiens s’était mis au diapason et proposait son offre dédiée à cet événement. Chez Fauchon, cette année, pas de « coeur de rockeur » plutôt tendancieux comme l’an passé. Mis à part une boîte de chocolats « 69 » plutôt équivoque, la ligne de conduite est restée sobre et élégante. La maison semble avoir à coeur (c’est le cas de le dire !) d’évoluer ces derniers mois, et de reprendre le pas sur cette image « sur le déclin » qu’elle pouvait véhiculer. Du côté de la pâtisserie, le chef Fabien Rouillard s’est employé à reprendre les douceurs en leur redonnant du goût et plus seulement un visuel comme c’était alors bien souvent le cas. Pour ma part, je trouve les améliorations assez sensibles et les dernières créations que j’ai pu déguster vont bien dans ce sens. Il reste du travail à abattre et du chemin à parcourir, notamment du côté de la boulangerie, mais la volonté semble être présente, ce qui est déjà une bonne chose. Il restera encore et toujours le problème des tarifs, qui demeurent à mon sens trop élevés. Je ne doute toutefois pas que la clientèle du quartier possède les moyens pour s’offrir les produits Fauchon.

Revenons au sujet du jour, la Saint-Valentin, les coeurs partout, le bon esprit, vous savez. A cette occasion, le chef pâtissier avait créé un entremets (je n’oublierai plus le s, promis, merci à mes lectrices férues de gourmandise, d’orthographe et d’histoire !) élégant et sobre, ne cherchant pas à trop en faire comme beaucoup d’autres propositions sucrées cette année. Un coeur poudré, une fleur, de la délicatesse. Au programme, une base de meringue craquante à la fraise, une mousse au chocolat enrobée d’une fine couche de ganache à la vanille, et deux coeurs fruités, l’un au yuzu, l’autre à la fraise accompagné d’éclats de chocolat croquants. Deux pâtisseries en une, en quelque sorte, et l’occasion d’un partage passionné entre l’acidulé du crémeux au yuzu et la douceur sucrée du coulis de fraise. On pouvait certes choisir de déguster chacun une partie, un coeur, mais le plus amusant était certainement de partager les bouchées, varier les saveurs et les sensations, partir sur l’acide puis revenir sur la douceur. L’effet est plutôt agréable, d’autant qu’il était accompagné par une onctueuse mousse au chocolat, douce et dépourvue d’amertume. La base de meringue à la fraise apportait quelques notes sucrées et fruitées, en plus d’un contraste de texture bien agréable. J’ai particulièrement apprécié la saveur du yuzu, ce fameux agrume japonais dont le goût se situe entre le citron et la mandarine, en contraste avec le chocolat noir.

La ganache à la vanille était peu présente, elle représentait simplement un « nappage », ce qui a eu pour conséquence de masquer sa saveur, car la mousse au chocolat s’exprimait beaucoup plus, que ce soit en parfum ou en volume. C’est un peu dommage, car la vanille aurait sans doute apporté une petite note de douceur sympathique.

Le jeu de texture demeurait néanmoins réussi entre les différents composants, alternant moelleux, onctueux et croquant, tout en restant assez peu sucré. L’ensemble était d’une grande finesse et pouvait très bien se déguster en dessert après un repas, et non pas uniquement seul, au goûter, comme c’est parfois le cas. Saluons également le travail réalisé par les équipes de la pâtisserie Fauchon en terme de finition.

Au final, on ne peut reprocher à cette création que son prix, 25 euros pour deux personnes, cela fait une certaine somme, et malgré tout l’amour que l’on peut porter à l’autre, c’est un budget assez conséquent… même si le moment est exceptionnel, plus qu’il ne devrait l’être d’ailleurs, mais c’est un autre débat.

Une pensée sur le coeur, Fauchon – Paris 8è, création proposée à l’occasion de la Saint-Valentin 2012, 25 euros la pâtisserie pour deux personnes

Tout le monde a ses jours un peu particuliers, où il y a un événement à fêter, que ce soit en rapport avec soi-même ou avec son entourage proche. Pour moi, c’était aujourd’hui, car je devais célébrer mon 22ème anniversaire… Je me fais vieux, bientôt la retraite… Non, pas vraiment, soyons sérieux.

A cette occasion, j’aurais pu chercher un pain d’anniversaire, mais cela devenait un tant soit peu compliqué, ce qui m’a amené à choisir la solution de facilité et à commander un gâteau, comme tout le monde.
Comme tout le monde, enfin, pas tout à fait. J’avais décidé de faire appel au chef Jonathan Blot, qui officie au sein de la sympathique boutique Acide Macaron, dans le 17è arrondissement, et dont j’avais eu l’occasion de vous parler dernièrement. Ce choix n’était pas le fruit du hasard, car j’étais certain qu’il ne manquerait pas d’idées pour rendre des instants mémorables.

Ici, pas de collection, pas de carte des pâtisseries. On fait surtout selon l’inspiration du moment, les envies et les produits présents au laboratoire. Ainsi, la gamme change plus que régulièrement, et c’est toujours avec plaisir que l’on peut se rendre dans cette zone un peu perdue de Paris pour découvrir les dernières créations du chef.
Dans le cas présent, il a imaginé un entremets bien particulier, autour du fruit et des épices. Poire, fève Tonka et sucre vergeoise, un accord gourmand et bien mené.

C’est avec beaucoup de passion et de ferveur que M. Blot m’a présenté sa création, imaginée et exécutée en à peine 24h. Tout commence sur une base de biscuit de cuisson, bien craquant et caramélisé, exprimant des saveurs ambrées qui complètent bien la douceur de la poire et de la fève de Tonka. Ensuite, le biscuit Emmanuel, une sorte de pain de gènes enrichi en amande, apporte du moelleux et le goût marqué de ce fruit sec. Impossible de ne pas tomber sous le charme de cette saveur, d’autant qu’elle est ici aussi soutenue que naturelle, signe de l’utilisation d’amandes de grande qualité. Une mousse légère parfumée au sucre vergeoise et à la fève de Tonka enrobe le tout, avec des notes sucrées et épicées, tout en parvenant à un bel équilibre, évitant l’écueil d’un dosage en sucre surabondant et écrasant.


Enfin, le confit de poire parfumé lui aussi à la fève de Tonka présentait la caractéristique d’avoir été cuit une grande partie de la journée, ce qui le rendait très dense et concentré en arôme. Cette densité avait pour conséquence naturelle de lui conférer un caractère assez sucré, contrebalancé par le reste des éléments.
Pour le décor et l’élégance, une mousse aérienne nappait ce gâteau et terminait sur une note fraiche et vaporeuse. La sobriété de la présentation est une chose agréable, à mon sens, car certains pâtissiers ont une fâcheuse tendance à verser dans un style sur-travaillé et riche, ce qui n’est pas forcément à l’honneur de leur création.

L’ensemble était d’une grande légèreté, et l’association de textures moelleuses-craquantes-onctueuses et fondantes rendait la dégustation particulièrement ludique et presque addictive. De plus, le chef avait eu l’ingénieuse idée de me proposer une association avec un thé vert japonais Genmaicha, aux éclats de riz soufflé. Ce choix était d’une grande pertinence, car en plus de contrebalancer le côté toujours un peu sucré des desserts, il apportait une note herbale, complétée par les saveurs de noisette du riz soufflé, ce qui s’associait parfaitement avec la poire présente dans l’entremet.

Bien sûr, ce billet est certainement un peu égocentré, mais je souhaitais mettre en avant le travail d’un artisan autour de quelques ingrédients et d’une vraie volonté de créer du plaisir. J’ai pu ressentir toute la passion de M. Blot et son équipe au travers de ce produit, et c’est un bel exemple de ce que doit être la pâtisserie à mon sens : une discipline vivante, menée par les envies et les produits, sans se perdre dans des concepts inutiles et parfois développés au détriment du goût et du plaisir. Tout cela n’est possible que si nos artisans ne perdent pas de vue leurs fondamentaux et continuent à s’intéresser à leur clientèle au quotidien. Certains « grands chefs » n’ont plus ces notions, ce qui a des conséquences… regrettables.
Merci à Acide Macaron pour ce beau moment. Tout le monde a besoin d’un rayon de soleil, parfois. C’était mon cas aujourd’hui, et vous n’avez pas failli. Des fois, c’est chouette d’être painrisien, pour vivre de belles expériences.