Les boulangeries doivent avoir leur identité, c’est à mon sens indispensable. Au travers de celle-ci, c’est une première occasion de partager l’univers de l’artisan avec sa clientèle, avant même qu’elle ait eu l’occasion de déguster ses produits. Pourtant, de plus en plus de boutiques sont justement de simples… boutiques. De vraies boulangeries cliniques, multipliées à l’infini. Un peu comme si le boulanger était arrivé là le matin, sans investir les lieux. Je fuis ce genre d’endroit.

A l’inverse, certains lieux que je visite ont une âme, on y trouve des caractères bien marqués et un esprit qui font que l’on se souviendra forcément de notre visite, peu importe les produits avec lesquels on en ressortira. Chez Bruno Solques, dans le 5è arrondissement, c’est tout à fait le cas.
On pourrait passer devant l’échoppe sans s’arrêter, elle est en effet petite et située dans une partie assez curieuse de la rue Saint-Jacques, mais notre regard est attiré par ces étonnantes céramiques présentées en vitrine, comme autant d’écrins pour les curieuses gourmandises qu’elles renferment.

Ici, le contenant et le contenu ont une âme, une vie. Difficile de dissocier l’un de l’autre, alors je vais m’intéresser au deux. Pour une fois, commençons par l’enveloppe et non par le message qui y est présenté. Les créations de Bruno Solques sont présentées dans… ses créations. Une sorte de mise en abîme. Pour être plus clair, notre boulanger ne se contente pas de pétrir des pâtes, il pétrit aussi de la terre et réalise des sculptures en céramique, qui accueillent non seulement les produits mais ornent également les murs de la boutique. Fleurs, têtes d’animaux, natures mortes… La créativité de l’homme semble être assez étendue.
Cette même créativité se retrouve dans les diverses gourmandises salées et sucrées qu’il propose. Les tartes, quiches, tourtes, viennoiseries et autres pâtisseries boulangères sont parfois un peu difformes, jamais identiques. Chaque produit est réellement unique, car ce boulanger, comme il le dit lui-même, n’aime pas vraiment peser et travaille à l’envie, sans s’imposer de règles. La clientèle n’a qu’à aller ailleurs si cela ne lui plaît pas, il faut prendre le tout sans faire de concession.
On retrouve ainsi de surprenants chaussons aux pommes, diverses tartes aux fruits, de petit croissants très serrés aux multiples saveurs (nature, mais également à la cannelle, aux raisins, aux fruits variés…). L’offre salée varie selon les jours, avec notamment des quiches aux légumes.

Côté pain, là encore, le style est très particulier. On trouve des baguettes, des pains complets ou au céréales, ainsi que divers mélanges de farines (épeautre, semi-complète, seigle-blé…). Les cuissons sont parfois un peu courtes, assez aléatoires, tout comme le façonnage. Comme pour le reste des gammes, les produits sont faits à l’envie, et ils l’expriment pleinement. L’autre caractéristique notable, c’est la densité des mies. En effet, l’ensemble des pains sont réalisés à partir d’un levain naturel d’une extrême douceur. Aucune acidité perceptible, mais cela ne lève pas énormément. Le travail du levain est une des spécialités de ce boulanger, ancien de la manufacture Poilâne de Bièvres et du fournil de Bernard Ganachaud.
Je ne vous conseillerais pas la baguette, à moins qu’apprécier cette concentration particulièrement dense, mais à l’inverse, les grosses pièces découpées à la demande du client et vendues au poids ne manquent pas de charme. Elles expriment un beau parfum de blé, des notes persistantes de noisette et présentent une texture humide, parfois un peu granuleuse. Leur tenue est relativement correcte, et leur conservation excellente, grâce à cette fameuse mie dense.

Cette boulangerie propose à sa clientèle une véritable expérience, que l’on apprécie ou non, cela ne peut laisser indifférent. Bruno Solques, assurant lui-même le service, partage au quotidien cette bien curieuse histoire, empreinte d’un charmant sourire et d’une belle simplicité. En entrant dans sa boulangerie, on est complètement immergés dans son univers à la fois artistique et gourmand, dans lequel il nous guide avec beaucoup de douceur et de sympathie. On regrettera cependant le caractère assez aléatoire des horaires et jours d’ouverture, il m’est parfois arrivé de trouver porte close en pleine semaine, avec parfois indication d’une ouverture tardive et d’autres… rien.

Infos pratiques

243 rue Saint-Jacques – 75005 Paris (métro Censier Daubenton, ligne 7 ou Port Royal, RER B) / tél : 01 43 54 62 33
ouvert du lundi au vendredi de 6h45 à 20h – attention toutefois, les horaires sont parfois un peu aléatoires et il n’est pas impossible de trouver porte close, sans forcément d’explication.

Avis résumé

Pain ? Les pains de Bruno Solques sont au diapason de l’homme et de la boutique, il ne manquent pas de caractère. Il embaument un levain très doux, avec une absence d’acidité. Leurs mies sont très serrées, y compris sur la baguette, mais ils ne manquent pas d’arômes. On y retrouve ainsi une belle saveur de blé, des notes persistantes de noisette… Le tout est assez gourmand, le caractère assez humide de ces pains en font presque des gourmandises que l’on mange sans façon. En parlant de façon, là encore, le boulanger marque clairement ses choix : ses produits ne sont pas ou peu façonnés, ni grignés. Il en résulte des formes aléatoires, très variables selon les jours et l’humeur des pâtes. Dommage que les cuissons ne soient pas toujours très abouties sur les petites pièces, même si elles demeurent correctes. Bonne conservation des produits, néanmoins, la densité et le travail sur levain aidant.
La qualité des matières premières est assurée, preuve en est des sacs de farine Biologique qui intègrent presque le décor de la boutique.
Accueil ? Le service est assuré par l’artisan lui-même, ce qui garantit une excellente connaissance des produits. Si cela est fait avec le sourire et une grande sympathie, comme c’est le cas ici, cela n’en est que mieux. Bruno Solques partage avec sa clientèle son univers singulier, autant au quotidien par son accueil, que par les créations qui ornent les murs et tables de sa boutique.
Le reste ? A l’image des pains, les viennoiseries, tartes et autres pâtisseries boulangères (flan, notamment) sont réalisés « librement », à l’envie, sans considération particulièrement pour l’esthétisme ou la régularité. Le résultat ? Des pièces uniques, qui ont une vraie âme et un caractère fort. Les croissants, déclinés en de multiples saveurs, sont détonnants, de par leur caractère serré. L’ensemble est très rustique, bien loin du style souvent léché et aseptisé de notre capitale.

Faut-il y aller ? Pour l’expérience, pour le décor et l’univers, sans aucun doute. Cela ne peut laisser indifférent. Marquez un arrêt devant ces surprenantes sculptures de têtes d’animaux, vous ne rencontrerez pas ceci dans d’autres boulangeries. Quant aux produits, leur style très particulier peut aussi bien inspirer le rejet, la curiosité que l’approbation. Cela ne manque pas de saveur, Bruno Solques ne triche pas et nous propose des pains savoureux, au caractère bien marqué, ainsi que des gourmandises originales, bien que traditionnelles au demeurant. Au final, cette boulangerie est profondément atypique, et c’est certainement ce qui la rend aussi intéressante et attachante.

11 réflexions au sujet de « Bruno Solques, Paris 5è, un boulang’artiste niché dans (sa coquille) Saint-Jacques »

  1. Etonnant !
    Voilà un bien joli portrait, avec des correspondances et des entrelacs entre l’homme et sa production. J’y ferai un tour, assurément, pour goûter aux pâtisseries comme au pain : autant de singularité ne laisse pas indifférent.
    Merci pour la découverte !

  2. Je ne connaissais pas. Encore une découverte grâce au Painrisien, merci !

    Un endroit unique et vraiment différent.

    Même si j’ai trouvé les produits bof-bof et chers (petits pains), il est rare de pouvoir visiter une boutique où tout reflète la personnalité du propriétaire: décor, ambiance, produits. Un artisan véritable ! …et qui ne se cache pas dans son fournil, j’ai eu avec lui une très agréable conversation.

  3. C’est un peu cher, notamment pour certaines petites pièces, mais sincèrement je trouve que son croissant (serré, c’est vrai) est terrible et son flan nature est le meilleur que j’ai goûté à ce jour.

  4. * Concernant les horaires d’ouverture : le boulanger fait une pause en début d’après midi. Vous pouvez donc vous retrouver devant une boutique fermée vers 14-15h (il peut fermer un peu avant 14h, tout dépend de l’affluence…).

    * Tous les pains sont fabriqués à base de farines Bio (minoterie Trottin pour au moins une partie de la gamme).

    * Les tarifs vont de 7€ le kg pour les pains les plus simples à la coupe (blé-seigle ; demi complet) à 10€ le kg pour le grand épeautre, le petit épeautre et le kamut. Les petites pièces aux fruits secs ont peut-être un tarif plus élevé (je n’en ai jamais acheté).

    * Depuis peu, il propose son pain demi complet (et demi complet aux graines : lin, sarrasin) en format moulé (environ 500 g). Ce pain demi complet reste frais 2-3 jours sans difficulté compte tenu de sa densité.
    * A noter le pain au kamut (100% kamut original) qui mérite de détours, à la mie jaune claire, dense, qui se conserve très bien. Il vous fera oublier tous les supposés pain au kamut des autres boulangers de la capitale, coupés au levain de froment.
    * Le pain blé seigle est parfois un délice, parfois très décevant car trop sec. Un peu plus de régularité serait appréciée, même si l’aléa fait partie du métier de boulanger Bio qui n’utilise ni conservateur, ni améliorant.
    * La brioche nature à base de levain, dense, ne plaira peut-être pas à tout le monde, mais reste agréable (5€ la brioche).
    * Le flan est un délice, crémeux (dommage que la pâte sablée ne soit pas cuite avant pour un meilleur maintien et que les ingrédients autres que la farine ne soient pas Bio, comme pour les viennoiseries, tartes…).
    * Les viennoiseries sont très particulières. Je ne suis pas fan (petites brioches variées, croissant, pain au chocolat…)
    En conclusion, un boulanger atypique par la gamme proposée assez réduite (signe d’un produit fabriqué sur place à 100%), par la décoration et la possibilité de discuter des produits (ce qui est impossible dans les boulangeries du type Saibron ou Pichard compte tenu de l’affluence).

  5. Un boulanger qui fait son pain et le vend lui meme,avec le sourire!!!J’aime beaucoup sa viennoiserie moelleuse a l’interieur et croustillante a l’exterieur,elle a un bon gout de beurre.J’aime aussi son flan qui a un bon gout de lait.
    Il a un seul défaut :il est loin de chez moi.

  6. Le ven 19/08/16,
    A l’ attention expresse de M. R. HELUIN
    Boulanger
    Responsable du Painrisien
    Paris 75
    FRANCE
    Monsieur le Boulanger,
    Merci pour vos intéressantes et utiles communications que nous ne manquons jamais de lire pour nous tenir informés autant que possible. Dans cette optique, auriez-vous quelque indication quant à la date de rentrée de la Boulangerie Bruno Solques du cinquième parisien ( Quartier Latin ) tout comme concernant les moyens de mise en contact ( autres que se présenter sur place ) avec ladite boulangerie et son singulier mais plaisant boulanger, votre collègue ? …
    Dans l’ attente de vous lire, incessamment sous peu, dès réception de la présente, merci infiniment et sincères salutations.
    MLB

  7. On ne fait pas que rentrer tête baissée pour acheter une baguette à la vas vite, on entre, on hume on lève les yeux étonnés émerveillés par ce décor impressionnant, on s’attarde et on choisit enfin parmi ces merveilles, et après avoir quitté les lieux, on est encore à l’intérieur et cet intérieur se prolonge encore quand on déguste les croissants savoureux !!!!!

  8. Venant de banlieue et suivie depuis 20 ans à l’Institut Curie tout proche, c’est tout à fait par hasard que j’ai découvert la boulangerie de Bruno Solques au 243 de la rue St Jacques il y a deux ou trois ans, affamée que j’étais en milieu d’après-midi après une interminable attente de ma consultation théoriquement en fin de matinée.
    J’y ai découvert cet univers unique mentionné par presque tous les commentaires et des produits tout aussi uniques, aussi bien en sucré qu’en salé. Je n’ai jamais acheté de toutes petites pièces, mais de bonnes parts de tartes ou quiches salées et …du flan, du merveilleux flan et à très bonne dose aussi ! Le tout m’a toujours semblé un prix raisonnable.

    Et du coup, j’y repasse chaque fois que je sors de cette consultation, lorsque je ne veux pas payer le prix d’un repas au restaurant du coin (au 239 de la rue St Jacques, au coin de la rue de l’Abbé de l’Epée, L’Orée du Parc, français traditionnel) tout aussi excellent, mais qui revient plus cher qu’une copieuse part de quiche ou de tarte salée (celle de ce jeudi 31 octobre, au potimarron, jambon, gruyère et béchamel était deux fois trop grosse pour moi, je l’ai fait couper en deux et n’en ai fait réchauffer que la moitié, gardant l’autre pour la faire déguster à la maison par mon cher et tendre) et avec l’inoubliable flan parisien que j’achète à chaque fois.
    Je voudrais répondre ici à Charles qui a écrit le 13 octobre 2013 à 12 h 04 min, qu’un flan parisien ne se fait pas dans une pâte sablée, mais que l’on verse toute la crème (ou pâte comme vous voulez, je crois que les boulangers disent « appareil » ) dans le moule et que c’est en cuisant que la farine de l’appareil forme une croûte dans le fond et les bords du flan. Raison pour laquelle, dans un flan correctement fait la croûte du fond est assez fine et molle. Ce n’est pas un reproche à faire, mais une qualité à relever !
    Y aurait-il un boulanger dans ces lieux pour confirmer mes dires ?

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