Le problème de l’évidence est qu’elle se fond dans le quotidien. C’est l’occasion pour quelques personnes mal intentionnées de la détourner et de la remplacer à terme par des pratiques bien plus alambiquées, souvent dans le but de réduire les coûts de façon tout à fait artificielle. Le pain est d’ailleurs un excellent exemple : on a longtemps cherché toutes les façons possibles d’aller plus vite, de rajouter un maximum d’ingrédients et d’additifs pour augmenter la productivité… au point de presque oublier pendant un temps comme on faisait du pain « simplement bon ». Pour continuer dans le domaine de l’alimentation, notre société a passé ces dernières décennies a aller toujours plus loin pour braver les saisons, avoir des fraises en hiver, … au point de rendre le local presque exotique.

Justement, pour valoriser le terroir francilien, que l’on pensait un temps disparu, de nombreuses initiatives ont été mises en place. Coordonnées par le CERVIA Paris Ile-de-France, elles regroupent les producteurs et transformateurs autour d’une démarche commune pour rendre visible le savoir-faire et le patrimoine agricole, alimentaire et culinaire francilien.
Ainsi, du 14 au 29 septembre, ce sont les « semaines du Manger Local », en marge de la fête de gastronomie, avec comme point d’orgue une fête organisée hier et aujourd’hui en bord de Seine.

Le Stand du Moulin des Moissons à la Fête du Manger Local, avec Jules Winocour à la vente.

Le Stand du Moulin des Moissons à la Fête du Manger Local, avec Jules Winocour à la vente.

Pour les painrisiens que nous sommes, c’était l’occasion toute trouvée de découvrir les pains du Moulins des Moissons, une aventure familiale initiée depuis la fin du 19ème siècle. Cette ferme céréalière, en lisière de la forêt de Rambouillet – à Grosrouvre, pour être exact – dans le département des Yvelines, qui produit principalement du blé, du colza et du maïs.
Aujourd’hui, ils sont trois à faire vivre cette entreprise atypique, puisqu’elle assume les métiers de céréalier, meunier et boulanger. Une véritable filière courte intégrée, que Jules, Emile et Marc Winocour ont à coeur de faire partager.

Le Moulin des Moissons est sur Facebook et le met en avant : https://www.facebook.com/pages/Le-Moulin-des-Moissons/105394942884838

Le Moulin des Moissons est sur Facebook et le met en avant : https://www.facebook.com/pages/Le-Moulin-des-Moissons/105394942884838

L’idée de départ vient du père, Marc. Soucieux de transmettre à ses fils une exploitation viable économiquement, il réfléchit à des façons de se diversifier et de sortir de son statut de « simple » agriculteur, alors fortement soutenu par les aides de la Politique Agricole Commune… laquelle ne sera pas éternelle. Une formation en meunerie plus tard, il monte par ses propres moyens un moulin sur Meule de Pierre, un projet courageux que peu de banques auraient soutenu.
C’est alors que ses deux enfants le rejoignent, l’un – Emile – pour assurer la production du pain au sein du fournil, l’autre – Jules – pour gérer les commandes et les livraisons.

Cette entreprise a peu à peu acquis une notoriété locale puis régionale, en livrant cantines, grandes surfaces, restaurants et marchés. Un succès créateur d’emploi et de sens autant pour cette famille que les consommateurs : les pains sont proposés à des tarifs tout à fait convenables, et ils valorisent bien mieux la production céréalière que les filières coopératives classiques. Bien sûr, une grande part de cette dernière continue à intégrer ce circuit, mais cela n’empêche pas au Moulin des Moissons de se développer.

Brioches, Le Stand du Moulin des Moissons à la Fête du Manger Local, 22 septembre 2013

Ce qui compte au final, c’est le goût : un tel engagement n’aurait pas beaucoup de sens si le produit n’était pas à la hauteur, comme c’est malheureusement souvent le cas avec ces « paysans boulangers ».
La farine, réalisée à partir des blés certifiés « Agriculture Raisonnée » depuis 2006, ne contient pas de résidus d’insecticides de stockage, puisque les silos à grain sont ventilés, comme c’est le cas dans le cadre de la démarche CRC que je vous avais déjà décrite précédemment. Emile Winocour, le boulanger, et son équipe, travaillent sur levain naturel pour valoriser au mieux cette matière première. Cultivé sur base de farine de Seigle et de Miel, il confère aux produits une belle douceur et quelques notes sucrées, avec très peu d’acidité.

Pain Raisins-Noix

Pain Raisins-Noix

La gamme est assez courte : les baguettes sont des Epis – nature (1€ les 250g), aux graines, au sésame, au pavot (1,20€) ou au gingembre (1,40€). Ensuite, on retrouve des pains classiques, comme le « nature », aux graines, aux noix, aux figues, aux raisins et noix. L’Oreiller se distingue par sa plus longue fermentation et sa longue conservation, ainsi que son moelleux bien agréable. Sur ces produits, les cuissons bien menées, l’hydratation maîtrisée et les prix accessibles rendent l’offre du Moulin des Moissons particulièrement attractive. Petit bémol sur les brioches (nature, au chocolat, aux fruits), un peu trop « rustiques » et sèches à mon goût.

Grille tarifaire du Moulin des Moissons

Tout cela est bien gentil, mais vous me demanderez sans doute où trouver ces produits. A la Ferme (85 route de la Troche, à Grosrouvre) bien sûr, avec des ventes tous les vendredis de 16h à 19h et les samedis de 9h à 13h, mais aussi sur des marchés (notamment à Boulogne) et à Paris dans deux Monop’, lesquels sont livrés les mardis et vendredis. On pourra toutefois regretter le fait que les pains soient alors pré-tranchés et conservés dans des sacs en plastique, mais c’est le jeu : difficile de faire autrement quand il s’agit de vendre en moyenne et grande distribution. Pour profiter pleinement de l’expérience, il faudra donc se rendre sur les lieux ou dans les marchés. Vous trouverez toutes les informations au sujet des points de vente sur le site du Moulin des Moissons : http://www.lemoulindesmoissons.fr

Arriver dans un nouveau métier n’est pas une chose facile. Les reconvertis à la boulangerie peuvent sans doute en témoigner, mais c’est aussi le cas pour les entreprises qui font le choix de diversifier leurs activités. Le risque est toujours de faire des erreurs : choisir de mauvais partenaires, réaliser des produits de qualité discutable, développer une gamme mal adaptée aux attentes de la clientèle… pour un résultat douteux. C’est un peu comme une recette de cuisine, en réalité : chaque ingrédient compte, sa quantité autant que sa qualité. Il faut donc être rigoureux.

La cuisine, ça le connaît. Cyril Lignac s’est fait connaître en assumant le rôle de porte drapeau pour les émissions culinaires d’M6, puis en se multipliant un peu partout dans la capitale. Ajoutez à cela une école de cuisine, des livres et autres magazines, une star était née. Qui dit star, dit aussi une certaine propension à en vouloir toujours plus, à se répandre sur des terrains qui ne sont pas forcément les siens.

Pâtisserie Cyril Lignac, Paris 16è

Ce fût le cas avec l’ouverture de la « Pâtisserie by Cyril Lignac », il y a un peu moins de deux ans, juste en face de son Chardenoux. Le problème, c’était que la recette avait eu un peu de mal à prendre, tout du moins à mon sens : une boutique sans âme ni identité – pourtant signée par un agenceur italien, visiblement peu habitué à oeuvrer en boulangerie-pâtisserie-, un nom à l’anglicisme douteux, et des créations aux équilibres discutables.

Viennoiseries & pains, Pâtisserie Cyril Lignac, Paris 16è

Depuis, Benoît Couvrand et ses équipes ont fait du chemin et sont parvenus à se faire une place dans le paysage boulanger du 11è arrondissement. Bien sûr, difficile de refaire le lieu, ni même de changer de style : chacun appréciera ou non les entremets aux couleurs parfois tranchantes, ainsi que les textures relativement « collées ». Néanmoins, les produits affichent des finitions très soignées, que ce soit côté sucré, salé, ou en pains. J’avoue que les viennoiseries de la maison me laissent toujours autant de marbre, mais les créations boulangères n’ont pas manqué d’intérêt, comme le pain au Thym-Citron l’an passé.

Avec l’expérience acquise, le duo récidive aujourd’hui dans le 16è arrondissement. De Paul Bert à Chaillot, les compères font un peu le grand écart et passent d’une clientèle plutôt « classe moyenne aisée » à CSP++…
Pari réussi ? L’avenir nous le dira, mais en tout cas, l’identité du lieu a été soignée pour séduire et se fondre dans les couleurs locales. De longs mois de travaux auront été nécessaires pour transformer la boutique présente au 2 rue de Chaillot, une vieille affaire Banette dont les propriétaires semblaient avoir oublié de sortir de leur fournil un peu trop longtemps. Ce renouvellement de l’offre est plutôt bienvenu, dans une zone où les boulangeries de qualité se font plutôt rares. A présent, cet emplacement d’angle se décline dans un style rétro-chic plutôt élégant, bien que surprenant pour ce type de commerce.

Sur leur présentoir en marbre, les pâtisseries ne manquent pas d'allure... La maison n'a reculé devant rien !

Sur leur présentoir en marbre, les pâtisseries ne manquent pas d’allure… La maison n’a reculé devant rien !

Pour autant, il n’est pas interdit d’innover, à plus forte raison quand cela a du sens. Exit les tons grisâtres, le chaland est accueilli par des notes chaleureuses, lesquelles mettent bien en valeur les produits vendus ici. La gamme est identique, et ce à tous points de vue. Seul le quartier change, et malgré la fraicheur de l’ouverture, les locaux semblaient déjà fort à l’aise dans les lieux… à moins que ce ne soit lié à la présence nombreuse des collaboratrices du groupe.
Le chef « avé l’accent » a dit bye-bye à son « by » pour accueillir bois et marbres dans cet espace où le pain est assez bien mis en valeur. Les cases en bois expliquent sans doute l’inflation subie par la baguette de Tradition, laquelle est proposée ici à 1,20€. Globalement, les prix sont élevés voire onéreux, avec des kilogrammes dépassant allègrement les 10 voire 12€, et ont été « adaptés » au quartier. Cela n’a pas été le cas pour les pâtisseries, mais y’en avait-il besoin, avec des éclairs proposés à 5€ la pièce ? Cela me fait sourire dans je lis certains sites vanter le caractère « super-démocratique » de l’endroit… des missiles télé-guidés.

Le mur à pains... et le surprenant éclairage, une sorte de mur de roseaux.

Le mur à pains… et le surprenant éclairage, une sorte de mur de roseaux.

La production est réalisée dans le laboratoire attenant, dans sa totalité selon les annonces faites jusqu’à ce jour. Cependant, j’ai quelques doutes sur la pertinence de cette pratique, notamment pour le tourage, car cela rend le contrôle qualité difficile au quotidien, en plus de présenter un coût non négligeable. Bien sûr, les produits sont tirés à quatre épingles pour le moment : la Tradition nous offre ses belles oreilles et son levain assez présent -trop pour certains, car on ressent une certaine acidité-, les cuissons sont bien menées… et le personnel est aux petits soins. A voir sur le long terme, et si la recette prendra pour le Chef.

Coin épicerie, Pâtisserie Cyril Lignac, Paris 16è

Infos pratiques

2 rue de Chaillot – 75016 Paris (métro Iéna ou Alma-Marceau, ligne 9) / tél : 01 47 20 64 51
ouvert tous les jours sauf mardi de 7h30 à 20h

Faire croitre son entreprise est une volonté bien logique, mais cette logique ne peut être éternelle : les moyens humains et techniques finissent par imposer leurs limites, de façon naturelle. Que ce soit par la quantité de personnel au sein du laboratoire, la place au sein de celui-ci, ou l’efficacité des équipements (taille des fours, nombre de pétrins, étendue du poste de tour, …), la production d’une boulangerie atteint un jour ou l’autre un plafond. Pour parvenir à le crever, la seule façon est d’élargir les murs, une chose rarement réalisable.

La Parisienne, Paris 5è

Parmi les rares à avoir eu cette opportunité, on peut à présent compter Mickaël Reydellet. En effet, la propriétaire de la boutique attenante à sa boulangerie du boulevard Saint-Germain partant à la retraite, il a pu en profiter pour étendre sa surface de vente de manière conséquente. Cette dernière était arrivée à saturation, les produits n’étaient plus mis en valeur de façon appropriée, et le personnel de vente devait redoubler d’efforts pour assurer le service compte tenu de la fréquentation des lieux. En définitive, personne ne sortait gagnant de la situation.

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Des efforts, l’artisan en aura consenti cet été : présent jour après jour pour suivre le chantier, il n’aura pas pris de vacances… et n’envisage d’ailleurs pas d’en prendre avant quelques temps, afin de permettre à l’ensemble de se roder. Les changements ne se limitent pas à la boutique et se poursuivent au sein du fournil et du laboratoire : ce dernier était très exigu, la configuration du stockage de farine obligeait les ouvriers à développer des talents de contorsionnistes, entre autres détails peu sympathiques au quotidien. Ces caractéristiques sont malheureusement trop communes au sein des fournils parisiens, et c’est au final la qualité des produits qui s’en ressent : un personnel usé physiquement, et porteur d’un certain dégoût – à long terme – de son travail, ne fournira pas un travail optimal… et il serait bien difficile de lui en vouloir.

Pâtisseries, La Parisienne, Paris 5è

Mickaël Reydellet l’a bien compris, en donnant plus de place pour chacun des postes. De la réalisation des sandwiches à celle des pâtisseries, chacun dispose d’un espace plus important. Ajoutez à cela de nouveaux espaces de stockage en cours d’aménagement, en plus de vestiaires, vous obtenez un outil de production en ordre pour assurer la croissance de l’entreprise.

Une des nouveautés mises au point par Mickaël Reydellet et son équipe : de sympathiques ficelles garnies, bien moins pâteuses et denses que lorsque les ingrédients sont incorporés directement à la pâte. Un produit accessible, au rapport qualité/prix redoutable.

Une des nouveautés mises au point par Mickaël Reydellet et son équipe : de sympathiques ficelles garnies, bien moins pâteuses et denses que lorsque les ingrédients sont incorporés directement à la pâte. Un produit accessible, au rapport qualité/prix redoutable.

Cette croissance, elle se vit en boutique : le flux de clients est continu, et la nouvelle boutique ne peut qu’y participer. A présent, ce sont deux caisses qui absorbent le flux, l’une d’entre elles étant dédiée à l’offre traiteur et aux pâtisseries. Pour le pain et les viennoiseries, on se rend directement au fond de l’espace de vente.
Ce fond est justement un élément essentiel pour l’artisan : hors de question de négliger le mur à pains comme certains le font, il s’agit en effet des fondamentaux et ils méritent d’être mis en valeur. Fond noir et éclairage chaud soulignent la couleur des croûtes, et les cuissons globalement bien menées. La Parisienne ne se veut pas une boulangerie « tendance », mais respectueuse des traditions. Hors de question de céder aux propositions tapageuses des agenceurs de boutique, et c’est grâce à ses connaissances dans le bâtiment que l’artisan a pu encadrer précisément le projet.

Ici, nous sommes chez La Parisienne... et c'est gravé sur le mur !

Ici, nous sommes chez La Parisienne… et c’est gravé sur le mur !

Dès lors, CMC – le prestataire finalement sélectionné pour ce chantier – a suivi les instruction et a produit un lieu où des matériaux nobles s’assemblent harmonieusement : du bois, de la pierre, pour un rendu qui n’a rien de « plastique ». Je ne suis pas inquiet sur la longévité de l’ensemble, ni sur l’accueil que recevra ce large espace de circulation auprès de la clientèle.

Vue depuis le boulevard, La Parisienne, Paris 5è

Côté produits, les gammes n’ont pas explosé en variété, au contraire : une réflexion a été menée autour du soin porté aux produits, ce qui a conduit Mickaël Reydellet à supprimer quelques références, notamment du côté de la pâtisserie. Que les amateurs de sucré ne s’inquiètent pas pour autant, le choix reste généreux et sera bientôt complété par un assortiment élargi de macarons.
En pains, l’assortiment reste sensiblement le même, quelques recettes ont été réétudiées pour améliorer le rendu, à l’image de celle de la brioche, plus gourmande et moelleuse.

Ici, nous sommes chez La Parisienne... et c'est gravé sur le mur !

Ici, nous sommes chez La Parisienne… et c’est gravé sur le mur !

Souhaitons donc une longue vie à cette Parisienne revisitée, avec ses tons bleutés et élégants.

Infos pratiques

52 Boulevard Saint Germain – 75005 Paris (métro Maubert-Mutualité, ligne 10) / tél : 01 43 54 48 72
ouvert du lundi au samedi.

Dans la vie, il faut savoir faire des choix… « Choisis ton camp, camarade », comme le dit si bien l’expression. A travers ces inclinaisons, on peut ainsi affirmer son univers et ses envies, se détacher librement de la masse, parfois si étouffante. Il ne s’agit pas de se différencier uniquement pour le plaisir, mais bien pour découvrir et avoir l’occasion de construire des expériences singulières. Cela peut paraître anodin, mais j’y vois une vraie possibilité de prendre en mains ses journées, et au fil du temps, sa vie.

Workshop Gourmand La Petite Fabrique

Ce dimanche, j’aurais pu suivre la masse enthousiaste et me parer de blanc et de rose pour m’asseoir sur les pelouses de l’avenue de Breteuil, dans le 7è arrondissement. En effet, c’était là que la Pâtisserie des Rêves avait organisé son traditionnel goûter de rentrée, une occasion pour la marque de présenter ses nouveautés et de créer de l’adhésion autour de son nom.
Vous aurez sans doute fini par le comprendre, ce genre de dégustation n’est pas vraiment ma tasse de thé, et c’est du côté de Vitry-sur-Seine que je suis parti, afin de découvrir un travail tout aussi gourmand, mais intégrant à mon sens bien plus d’esprit.

Il ne suffit pas de nourrir l'esprit, Carole Belenus proposait également ses wraps voyageurs et tartes feuilletées pour restaurer les visiteurs et curieux.

Il ne suffit pas de nourrir l’esprit, Carole Belenus proposait également ses wraps voyageurs et tartes feuilletées pour restaurer les visiteurs et curieux.

J’avais eu l’occasion de vous parler de la présence, chaque week-end d’août, de Carole Belenus au MAC/VAL, le Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne. Comme pour terminer l’été en beauté, la talentueuse pâtissière était de retour ce samedi et dimanche, à l’occasion des Journées du Patrimoine.
L’idée ? Associer art et gourmandise à travers un « workshop gourmand », en présentant le travail de 5 créateurs autour de l’aliment et/ou de la nature. Zelda Georgel – scénographe, Vaulot & Dyèvre – designers, Simone Fehlinger – vidéaste et Karine Bonneval – artiste, se sont donc prêtés au jeu et ont réalisé des travaux en collaboration avec la Petite Fabrique.

Ici, le goût est déstructuré pour être représenté de façon visuelle, avec noix de muscade, chocolat, ...

Ici, le goût est déstructuré pour être représenté de façon visuelle, avec noix de muscade, chocolat, …

Ce qui me fascine particulièrement dans l’ensemble de ces réalisation, c’est la volonté de faire du goût « hors les murs », en dehors des cadres et codes que l’on développe habituellement : pâtisseries, restaurants, salons de thé, boulangeries… La représentation prend une autre dimension, notamment quand on tente de nous présenter visuellement le goût avec ces noix de muscade décomposées, la cannelle ou le chocolat exposés.

La vidéo présentait les gestes de Carole Belenus lors de la réalisation de ses fameuses "tartes minute" : un travail minutieux où le goût se construit autant que le visuel.

La vidéo présentait les gestes de Carole Belenus lors de la réalisation de ses fameuses « tartes minute » : un travail minutieux où le goût se construit autant que le visuel.

Les gestes des pâtissiers et artisans du goût étaient également mis à l’honneur au travers du travail réalisé sur support vidéo : ces mains réalisent et reproduisent chaque jour autant d’actions qui créent des douceurs et façonnent l’expérience du consommateur. Rythm, Expression, Design, Feed & Pleasure, 5 étapes qui construisent les créations de la Petite Fabrique.

Boules de Meringue, 'Cueillette', L'Homme Fruitier : des gourmandises craquantes à cueillir simplement

Boules de Meringue, ‘Cueillette’, L’Homme Fruitier : des gourmandises craquantes à cueillir simplement

Il y avait aussi l' »homme fruitier », imaginé comme un arbre mobile qui viendra

Maquette représentant l'idée de cet "Homme Fruitier", portant dans ses branches les fameuses boules à déguster.

Maquette représentant l’idée de cet « Homme Fruitier », portant dans ses branches les fameuses boules à déguster.

it à la rencontre des gourmands-cueilleurs, avec dans ses branches de bien curieux fruits : des boules colorées, à base de meringue, renfermant de nombreux délices de saison, sous différentes formes : frais, en coulis, …

Impossible de passer à côté de la réalisation la plus marquante à mon sens, la composition « Mousses », où les cloches nous présentent un univers à la fois pâtissier et végétal. Un univers où s’associent autant que s’opposent le caractère éphémère du comestible et la durabilité souhaité du végétal. C’est une histoire de vivant autant que de souvenir qui s’écrit sous nos yeux.

De telles expériences devraient être plus fréquentes : c’est une formidable occasion de prendre du recul sur son travail quotidien, d’échanger avec des individus issus d’autres horizons et au final d’enrichir sa création. Certes, il s’agit de pâtisserie dans le cas présent, mais je suis convaincu que le pain pourrait tout à fait trouver sa place dans ce type de démarche : son goût complexe, le travail des levains et des fermentations, les sensations procurées par la croûte, la mie, l’eau qui constitue le produit… autant d’éléments qui nourrissent autant le corps que l’esprit. Le pain vit en dehors des fournils, et trop peu d’artisans parviennent à saisir l’environnement riche et complexe dans lequel il évolue. Pour cela, remonter aux champs serait sans doute un « mal nécessaire » : se laisser bercer par les blés, comprendre que le produit que l’on pose sur nos tables trouve ses origines dans des terres. En plus de sublimer le goût, je suis convaincu qu’une telle démarche incorporerait beaucoup plus de vie dans le pain… mais aussi de l’art, car si l’on prenait l’artisanat à son sens premier, il y en aurait bien plus.

Côté sucré, cookies et tartes "minute" gourmandes

Côté sucré, cookies et tartes « minute » gourmandes

Je n’ai jamais su fêter des anniversaire, je l’avoue. Il paraît qu’il faut organiser des fêtes, se retrouver en famille ou entre amis, simplement pour se dire que le moment a de l’importance, qu’il faut compter les années pour mesurer le chemin parcouru… Justement, le plus intéressant pour moi n’est pas tant de faire ces points d’étape, mais plutôt d’apprécier au quotidien en quoi l’expérience et le temps nous rendent plus forts et pertinents dans nos actes. Ainsi, plutôt que de se concentrer sur cette date figée, on devrait plutôt fêter nos « non-anniversaires », plonger librement dans le pays d’Alice et ses merveilles. Je m’égare.

Baguettes de Tradition au défournement, Boulangerie Rouget, Beaumont-sur-Oise

Souhaitons tout de même un bon anniversaire à la baguette de Tradition et au décret pain. En effet, il y a tout juste 20 ans que ce dernier a été mis en application. Le 13 septembre 1993, nos pouvoirs publics s’engageaient pour tenter de faire revivre le « bon pain ». Il faut dire qu’il y avait du travail : entre baguettes bien blanches, pétrissages intensifs, additifs à ne plus savoir qu’en faire, nos boulangers avaient pris un bien sombre virage depuis les années 50, avec notamment une concurrence marquée de la grande distribution. Aujourd’hui, la bataille fait toujours rage entre industrie et artisanat, mais le niveau est globalement remonté.

Un panier de baguettes, Joséphine Bakery, Paris 6è

Au début, ils n’étaient pas nombreux à y croire. Parmi les pionniers, la famille Viron et sa baguette Rétrodor sont arrivés avec la conviction qu’un pain de qualité pouvait séduire les consommateurs, rejoints par les moulins Foricher, Eric Kayser, Patrick Castagna (au sein de leur société de conseil Panis Victor) et bien d’autres par la suite. Grâce à tous ces acteurs engagés, nous avons pu faire du chemin dans l’idée de proposer un produit sans additif, constitué uniquement de farine, de sel, d’eau, de levure et/ou de levain.

La farine de Tradition Label Rouge garantit une absence d'additifs et d'insecticides de stockage.

La farine de Tradition Label Rouge garantit une absence d’additifs et d’insecticides de stockage.

Du chemin, oui, aussi bien dans le bon que dans le mauvais sens. L’idée de départ s’est avérée difficile à mettre en oeuvre : trop peu de boulangers étaient en mesure de réaliser un pain « sans filets », et c’est pourquoi des adaptations ont été « nécessaires » : le décret a été non seulement assoupli, mais les meuniers ont eu à coeur de développer des solutions permettant d’assurer régularité et facilité de mise en oeuvre à leurs clients. Aujourd’hui, les farines sont « corrigées » avant même d’arriver dans les fournils de nos artisans : chaque minoterie réalise ses maquettes – assemblages de blés de différentes origines et caractéristiques – et va tenter de compenser les variations naturelles de la céréale (taux de protéines plus ou moins important selon les années et les conditions météorologiques, …), notamment par des ajouts de gluten, qui contribuent à donner de la force à la farine.
De cette façon, en bout de chaine, le boulanger n’a plus trop de questions à se poser d’un arrivage à l’autre.

La Charmante n'est pas une baguette de Tradition, mais on voit bien que du gluten est ajouté dans la composition. C'est aussi le cas dans les farines de Tradition.

La Charmante n’est pas une baguette de Tradition, mais on voit bien que du gluten est ajouté dans la composition. C’est aussi le cas dans les farines de Tradition.

Rajouter de genre de produit à la farine constitue-t-il une incorporation d’additifs ? A mon sens, oui. Au sens de l’appellation Tradition française, non. Il y a un aspect santé que l’on néglige un peu trop : ces ajouts ne sont pas toujours bien tolérés par les organismes… preuve en est des intolérances et allergies qui se développent. Rassurons-nous, les céréaliers travaillent déjà pour rendre ces manipulations en aval inutiles. Avec des blés modifiés et performants, plus de problème. Du moins en apparence, n’est-ce pas, car nous n’avons pas de recul en terme d’impact sur le consommateur.

La Bagatelle, Portes Ouvertes du Moulin des Gaults, 23-26 juin 2013

Malgré tout, les pratiques culturales ont tendance à être tirées vers le haut, avec notamment le développement du Bio, du Label Rouge et de la démarche CRC. Moins de pesticides, des terres plus respectées, la qualité du produit final ne peut être que meilleure. Il faut parvenir à faire passer le mot auprès des artisans, pas toujours très concernés par le sujet : rien qu’à voir le taux de sel présent dans les baguettes de certains d’entre eux, on peut se dire qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir.

Des baguettes sorties du four : on reconnaît l'utilisation de la Paneotrad aux extrémités, La Fournée d'Augustine, Paris 14è

20 ans, c’est une brindille à l’échelle de l’histoire du Pain. Notre « Tradition » n’a certainement pas grand chose à voir avec ce que fabriquaient nos ancètres. Nous avons encore beaucoup à ré-apprendre de notre passé… pour donner du goût et assurer un produit de bonne conservation. Au delà des aspects purement techniques, ce sont les éléments les plus importants pour le client final. La filière doit concentrer ses efforts sur la différenciation par le ressenti du consommateur, tout en gardant un oeil attentif sur l’accessibilité : le pain de qualité ne doit pas être un produit de luxe. Même si on l’agrémente de codes issus de cet univers, le prix ne doit pas suivre cette tendance : 1,30 euros les 250g, cela commence à devenir cher, trop cher. Les 1,10€ « psychologiques » mis en place depuis plusieurs années me paraît plus adapté. En effet, c’est avec un bon pain démocratique que nos artisans parviendront à fidéliser leur clientèle, laquelle viendra également chercher gourmandises quotidiennes et d’exception.

Quand une jeune fille nous mène à la baguette…!

Il paraît que nous vivons dans une période de retour aux classiques, que les consommateurs se tournent avant tout vers des « refuges » avec lesquels ils entretiennent un rapport affectif. C’est vrai que l’on a rarement vu les marques aussi actives sur le sujet, avec des séries de recettes autour des Carambar, Petits Beurre, Speculoos ou encore de la Vache qui Rit (chez Marabout), de nouvelles saveurs et couleurs pour les sucreries (avec notamment le Tagada Pink), mais aussi des pâtisseries anciennes ressorties des placards. J’ai déjà du parler du sujet, car il est intéressant, mais il y a bien des spécialités qui n’ont pas quitté les vitrines alors qu’elles auraient bien besoin d’un coup de jeune.

En boulangerie-pâtisserie, les fondamentaux de la viennoiserie sont le croissant, le pain au chocolat, mais aussi… la viennoise. Vous savez, cette baguette brillante, élaborée à partir de farine dite « de gruau » (donc très blanche, T45 pour les intimes), d’un peu de lait, de beurre et de sucre. Moelleuse, elle a tout de même tendance à sécher assez vite, ce qui en fait un produit à consommer dans la journée. De plus, certains artisans se plaisent visiblement à la maltraiter, en la réalisant avec des ingrédients de mauvaise qualité : farine bas de gamme, lait stérilisé sans saveur, … Une réflexion est aussi à mener sur le format : ces longues étendues de pâte seraient bien en peine de constituer une gourmandise à consommer sur le pouce, car elles sont généralement trop « copieuses ». Les saveurs manquent de variété : en dehors de la déclinaison nature ou chocolat, avec des pépites souvent trop amères, de quoi lasser même les plus persévérants.

Viennoise au Praliné Noisette, P'tit Père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Heureusement, quelques uns ont décidé de faire valser les viennoises. Jérome Duchamp est de ceux-ci. Au Pré Saint-Gervais, dans sa boutique « P’tit Père » de la rue Danton, les produits ne restent jamais bien longtemps, convoités par les nombreux gourmands qui se pressent pour découvrir les créations de l’artisan. A chaque visite, on découvre de nouvelles saveurs… et récemement, ce fut une Viennoise au Praliné Noisette. D’apparence, on pourrait croire que les pépites incorporées à la pâte sont faites d’un chocolat noir des plus classiques.

Il n’en est rien : en fondant sur la langue, elles révèlent leurs chaudes notes de noisette grillée et viennent relever la douceur lactique de la pâte, bien moelleuse mais « ferme » par ailleurs. Le dosage en sucre est bien réalisé, tout comme pour le beurre, qui assure au produit une bonne conservation. En définitive, la noisette s’invite discrètement, par surprise. On pourra rapprocher ces gouttes parfumées d’une célèbre pâte à tartiner, le côté gras et écoeurant en moins. Cette viennoise est une véritable mine d’or pour les gourmands : riche en pépites, elle se déguste sur le pouce grâce à un format adapté, idéal pour un goûter. Bien sûr, on peut choisir de la garder pour plus tard, et de la garnir d’un peu de confiture – si possible acidulée, aux fruits rouges par exemple – afin de créer encore plus de contraste avec la douceur de l’ensemble.

Viennoise au Praliné Noisette, P'tit Père, Le Pré Saint-Gervais (93)

Bien sûr, le praliné noisette n’est qu’une idée parmi tant d’autres, et cet artisan propose régulièrement d’autres saveurs. Une pratique très bien vue, car elle permet de maintenir l’intérêt de la clientèle, tout en conservant une recette de base commune. Parmi les associations que j’ai pu rencontrer dans mes visites au travers des boulangeries, celle du chocolat blanc et du citron vert est très réussie, tout comme la plus reconnue cranberries-chocolat blanc.

Viennoise au Praliné Noisette, P’tit Père – Le Pré-Saint-Gervais (93), vendue à l’unité, 1,50€ la pièce d’environ 150g.

Trouver des adjectifs pour qualifier les artisans n’est pas toujours une tâche facile. Passionné, talentueux, rigoureux, généreux, … autant de mots qui finissent par se répéter et perdre un peu de leur sens. Alors il faut se renouveler. Chercher plus loin. Mieux pénétrer les univers de chacun et saisir leur caractère singulier pour en retirer des mots justes, des mots qui peignent avec précision leur vision et leurs aspirations. Je l’ai déjà évoqué ici, mais j’essaie d’être ce « peintre », fidèle et appliqué.

Parfois, ce sont les boulangers eux-mêmes qui me donnent les mots, il ne me reste plus qu’à les retranscrire. Sur leur devanture, dans leur boutique… ou dans son nom. A Saint-Maur-des-Fossés, la boulangerie s’écrit au carré chez Frédéric Favreau. F², c’est ainsi qu’il a nommé la boutique reprise tout près de la gare de Parc de Saint-Maur, il y a un an.

Boulangerie F², Frédéric Favreau, Saint-Maur-des-Fossés (94)

En effet, c’était hier, mercredi 11 septembre, qu’il fêtait sa première année d’activité. A cette occasion, une opération dégustation avait été organisée en partenariat avec son meunier, les minoteries Viron. Au programme, petits toasts et pain « jambon-fromage » sur base de pâte de Tradition pour satisfaire les curieux et gourmands. Les ballons étaient également de la partie pour les plus jeunes, tout comme des macarons en édition limitée, parfumés au chocolat, citron vert et gingembre. Un programme de deux animations de cet ordre est planifié pour mettre en avant la Rétrodor et le savoir-faire associé à cette baguette de Tradition française. Une pratique plutôt bien vue, et que plus de meuniers devraient développer afin de valoriser la qualité de leur matière première.

Le carré se retrouve aussi bien dans le nom que dans le caractère très « carré » des réalisation de l’artisan : soignées et maîtrisées, elles correspondent bien à ce pâtissier passionné, dont le parcours est exemplaire : après avoir débuté au Pavillon Elysée et s’être perfectionné à l’école Lenôtre, Frédéric Favreau a rejoint les rangs du groupe Ducasse, où il a exercé en tant chef pâtissier à la Bastide de Moutier, puis au Japon. C’est là-bas qu’il rencontre son épouse, Mika. Ensemble, ils tiennent cette boulangerie avec simplicité et passion. Tandis que monsieur est au laboratoire pour élaborer douceurs et viennoiseries, madame tient la boutique et accueille la clientèle.

Pains, Boulangerie F², Frédéric Favreau, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Des gammes courtes pour assurer qualité et fraicheur, c’est le leitmotiv de l’entreprise, un pari qui semble en tout cas tenu : parmi les pains, la star demeure bien sûr la baguette de Tradition ou la Rétrodor, réalisées à partir de la même pâte, seul le poids change (250g et 300g), pour un produit plus ou moins « charnu ». Au fournil, Bruno, l’ouvrier boulanger, réalise un travail de qualité sur cette dernière. Façonnage très appliqué, nez chantant et parfum de froment soutenu, avec de superbes notes de crème, de beurre, … accompagnées par une mie dans les mêmes registres sans tomber dans le « pâteux », même si on pourra regretter un léger manque d’alvéolage. Un produit maîtrisé, tout autant que la tourte de Meule, le pavé, sa mie très hydratée et ses notes de Seigle, ou encore le Tigré, très moelleux grâce à l’incorporation de lait, recouvert d’un mélange de farine de riz et huile d’olive. Tarifs honnêtes – la Tradition est proposée à 1,10€ les 250g – et cuissons bien menées viennent parfaire le tableau.
Les mélanges classiques de chez Viron sont représentés, comme le Nordique ou « Hasting » et sa mie sombre, ou le Fermentain et les baguettes aux graines.

Pâtisseries, Boulangerie F², Frédéric Favreau, Saint-Maur-des-Fossés (94)

Croissants et pains au chocolat associent générosité et feuilletage très travaillé. Ces viennoiseries sont ici interprétées de façon pâtissière, et non boulangère, pour un résultat moins « charpenté » et plus aérien. Chausson aux pommes, briochettes au citron et kouglofs ne sont pas en reste.
Là où Frédéric Favreau exprime le plus sa créativité, c’est sans nul doute sur les pâtisseries. Les entremets et classiques revisités défilent au fil des semaines, et répondent aux noms de Légèreté, Mojito, Casse-Noisette, religieuse caramel ou éclair au cassis. Leur point commun, un beau sens de la finition et des tarifs accessibles – moins de 4 euros la pièce. Le week-end, la gamme est bien sûr plus variée que la semaine.
Le traiteur décline quelques sandwiches, quiches et pizzas, respectant bien la vocation boulangère du lieu, même si je pense que des efforts pourraient être engagés pour dynamiser cette offre. On s’arrêtera plus pour profiter des chocolats, macarons variés, confitures et confiseries maison.

Chocolats et traiteur, Boulangerie F², Frédéric Favreau, Saint-Maur-des-Fossés (94)

On retrouve bien chez Mika, l’épouse de Frédéric Favreau, toute la douceur et l’attention que l’on prête aux japonais. Accompagnée d’une vendeuse, elle offre à la clientèle un service à la fois efficace et charmant, bien en phase avec l’esprit simple et accessible de la maison.

Infos pratiques

6 avenue Gabrielle – 94100 Saint-Maur-des-Fossés (RER A, gare du Parc de Saint-Maur) / tél : 01 42 83 97 63
ouvert tous les jours sauf le jeudi, de 7h15 à 20h – fermeture à 13h30 le dimanche.

Avis résumé

Pain ? Ici, on redonne ses lettres de noblesse à la gamme Rétrodor : malheureusement, il m’est trop rarement donné l’occasion de rencontrer des artisans valorisant réellement la farine des minoteries Viron. Précurseur de la baguette de Tradition française, le meunier peine aujourd’hui à capitaliser sur cet atout tout en se renouvelant. Cela ne doit pas nous empêcher d’apprécier la délicieuse Tradition proposée ici : crémeuse, craquante, fondante, même si on pourra regretter un léger manque d’alvéolage, elle nous offre ses notes marquées de beurre et de froment. Pour renforcer ce parfum, une noix de beurre demi-sel et nous voilà partis dans une expérience très gourmande. Pour le reste, on retrouve les grands classiques de la maison Viron, avec le Nordique-Hasting, le pavé, … seule la tourte de Meule ou le Tigré sortent un peu de ces mélanges et de cette uniformisation meunière. La bonne réalisation des produits, façonnés et lamés avec beaucoup de soin, demeure néanmoins très appréciable.
Accueil ? Mika, l’épouse japonaise de Frédéric Favreau, fait ici merveille avec toute la douceur et l’attention que l’on prête à sa patrie d’origine. La clientèle est mise à l’aise dans cette boulangerie où règne une atmosphère simple et authentique, bien différente de ce que l’on peut trouver dans d’autres établissements situés non loin de là…
Le reste ? Le point fort de l’établissement se situe sans conteste du côté des viennoiseries et pâtisseries. Le parcours « sucré » de Frédéric Favreau n’y est pas étranger, et on retrouve là toute la précision et le goût du détail développés dans les grandes maisons et au pays du soleil levant. Entre un croissant généreux – 1 euro la pièce -, un millefeuille sur la tranche et ses deux crèmes, les choux et éclairs variés ou encore les macarons classiques ou créatifs, les produits sont aussi soignés qu’accessibles. L’artisan propose un choix limité, assurant ainsi la fraicheur de l’ensemble de la gamme. Le traiteur est moins intéressant, avec quelques sandwiches, pizzas et quiches.

Faut-il y aller ? Face aux institutions implantées non loin de là, la boulangerie F² apporte son identité propre et une simplicité dont certains devraient s’inspirer. Cette dernière ne sous-entend pas pour autant que les produits sont de moindre qualité, bien au contraire : avec des gammes courtes et maîtrisées, Frédéric et Mika Favreau ainsi que leur équipe proposent ainsi une superbe baguette de Tradition, des viennoiseries gourmandes et des pâtisseries soignées. Autant de points qui n’ont pas échappé à sa clientèle, laquelle a inscrit l’entreprise au concours de la Meilleure Boulangerie de France sur M6… où l’artisan sera présenté ce soir.

Faire son chemin discrètement ne signifie pas pour autant avancer doucement. Une boulangerie, d’accord, deux, pas mal, trois, vous êtes gourmand, quatre, vous quittez définitivement le terrain de l’artisan « traditionnel »… et ensuite ? Les histoires de ce type ne sont pas si nombreuses, mais elles ont souvent en commun une certaine perte de valeurs, la tentation de céder à une dimension plus ou moins industrielle, très « cost-effective » comme diraient nos amis anglo-saxons. En plus d’être plutôt triste, ce fait ne profite à personne, et certainement pas à l’artisan devenu entrepreneur, tout du moins sur le long terme.

De l'extérieur, rien n'a changé... mais une fois dans la boutique, toutes les gammes sont différentes.

De l’extérieur, rien n’a changé… mais une fois dans la boutique, toutes les gammes sont différentes.

Je parlais de discrétion en premier lieu, car ce genre de progressions est souvent accompagné d’un dispositif de communication. L’objectif ? Faire le « buzz ». Parler et faire parler. On en oublierait presque l’essentiel… la satisfaction du client au quotidien.
D’autres préfèrent faire le Buzz… l’éclair. Vers l’infini et au delà ? Yoshimi et Rodolphe Landemaine semblent bien partis pour cet objectif. En effet, c’est ce matin qu’ils signaient leur Clan des Sept… avec leur nouvelle boulangerie, au 2 rue Crozatier, dans le 12è arrondissement. Vous savez, cette série de romans pour la jeunesse, dans la droite ligne du Club des Cinq. Des classiques écrits par la talentueuse Enid Blyton, pour occuper le temps libre et l’imaginaire des aventuriers en culotte courte.

Pour cette "réouverture", les pâtisseries provenaient du laboratoire de la rue de Clichy : la maison bénéficie de son outil de production déjà en place, ce qui ne serait pas le cas pour un artisan "indépendant".

Pour cette « réouverture », les pâtisseries provenaient du laboratoire de la rue de Clichy : la maison bénéficie de son outil de production déjà en place, ce qui ne serait pas le cas pour un artisan « indépendant ».

Ainsi, vous associez la modernité – Buzz l’Eclair – et la tradition – des romans policiers, et vous obtenez la maison Landemaine, cette fière troupe de rangers de l’espace.
La transition aura été rapide, presque réalisée en un éclair -si, si-. Pas de fermeture, si ce n’est l’hebdomadaire. Ce lundi, l’activité aura été intense dans le fournil et les laboratoires : grand nettoyage, reprise en main du matériel, … Exit les prémixes et autres équipements dépassés, autant vous dire que les sacs poubelle se comptaient par dizaines pour faire table rase. Un travail auquel le couple a fini par s’habituer au fil de ses implantations, et qui n’était pas si évident que cela au départ : le nouvel arrivant a toujours tort, et il faut gérer les nombreux problèmes liés à l’ancienne direction. Avoirs, produits différents, … toutes les raisons sont bonnes pour venir accueillir avec délicatesse le repreneur. L’occasion de faire connaissance avec la clientèle, très variée et changeante selon les heures : ici, de nombreuses classes sociales cohabitent, même si le quartier reste assez populaire.

Cette partie de laboratoire, visible depuis la boutique, sera entièrement réaménagée et réduite pour accueillir un espace salon de thé.

Cette partie de laboratoire, visible depuis la boutique, sera entièrement réaménagée et réduite pour accueillir un espace salon de thé.

Il y aura du travail pour parvenir à pleinement redresser les lieux, et l’artisan en est bien conscient. Le laboratoire, bien que spacieux, nécessite d’importants investissements pour être à nouveau efficace, tandis que la boutique doit aussi se transformer. Au programme, un espace salon de thé plus large en lieu et place d’une partie du laboratoire, ainsi que la mise en lumière du travail des pâtissiers, installés – pour une fois ! – de plein pied.

Tartes fines, Rodolphe Landemaine Crozatier, Paris 12è

Avant de réaliser ces changements, les équipes de la maison, Yoshimi Landemaine en tête, vont reprendre en mains le service, sur lequel l’entreprise concentre ses efforts depuis quelques mois. En effet, ce point lui était souvent reproché, et bien souvent à juste titre. Intégrer des éléments déjà présents, leur transmettre le goût des produits, la philosophie de l’enseigne… autant de chantiers clé.

Yoshimi Landemaine veille au grain... ou au pain.

Yoshimi Landemaine veille au grain… ou au pain.

Dans tous les cas, on ne peut qu’apprécier cette nouvelle arrivée dans une zone où les boulangeries de qualité ont tendance à se faire rare… en réalité, ce sont les commerces de bouche en général qui ne sont pas légion ici. Entre composants informatique et autres produits de ‘haute technologie’, on a toujours besoin d’un peu d’authentique, de traditions… comptons donc sur les Landemaine pour les défendre sur cette charmante place, bercée par sa fontaine centrale.

Rodolphe Landemaine connaît bien les macarons : chez Ladurée, il a eu l'occasion d'en réaliser de nombreux. A présent, une personne est dédiée à plein temps sur cette activité au sein de son laboratoire.

Rodolphe Landemaine connaît bien les macarons : chez Ladurée, il a eu l’occasion d’en réaliser de nombreux. A présent, une personne est dédiée à plein temps sur cette activité au sein de son laboratoire.

Infos pratiques

2 rue Crozatier – 75012 Paris (métro Reuilly-Diderot, lignes 1 & 8) / tél : 01 43 43 80 50
ouvert du mardi au dimanche.

On entend tellement parler de projets de reconversion professionnelle en Boulangerie que l’on pourrait penser que ça y est, les portes sont grand ouvertes à tous, engouffrons-nous dans ce nouvel eldorado que peut paraître ce métier pour des personnes situées « à l’extérieur ». En effet, quand une affaire tourne bien, elle est génératrice d’un chiffre d’affaire confortable, mais cela ne se fait pas sans sacrifices humains et personnels : avant de parvenir à construire une entreprise stable et pérenne, de longs mois peuvent se passer… et encore, tout n’est jamais gagné, tant l’humain est important et volatile dans ce métier artisanal.

Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que tout cela est bien loin d'être suffisant pour devenir un bon boulanger !

Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que tout cela est bien loin d’être suffisant pour devenir un bon boulanger !

Dès lors, j’ai fini par me demander si se reconvertir « sur le tard » dans cette branche n’était pas un luxe, en définitive. A cela plusieurs raisons :

  • Il n’existe pas – à ma connaissance – de formations en « cours du soir » comme c’est le cas pour d’autres CAP. Dès lors, les aspirants boulangers ne peuvent acquérir les compétences théoriques et pratiques sans quitter leur emploi, mis à part en choisissant de se former par eux mêmes puis de passer l’examen en candidat libre. Dans ce dernier cas, il faut trouver un artisan prêt à prendre le risque de vous accueillir au sein de son fournil afin de transmettre les tours de main indispensables dans la pratique quotidienne du métier. J’insiste sur la notion de risque, car il n’y a pas de statut couvrant les deux parties, dès lors, le moindre accident peut prendre des tournures de drame. Les conventions de stage ne sont réservées qu’à des individus scolarisés, ce qui n’est précisément pas le cas ;
Les prix du module CAP Pro Boulanger en 2014 à l'INBP, issus de leur brochure.

Les prix du module CAP Pro Boulanger en 2014 à l’INBP, issus de leur brochure.

  • Les formations accélérées (3, 4 ou 6 mois) en reconversion professionnelle présentent un coût élevé : plus de 7000 euros, que ce soit à l’INBP de Rouen, à l’EBP de Paris ou encore à l’école Ferrandi. Même si des aides existent, elles ne sont pas forcément simples à obtenir et le financement peut alors s’avérer un véritable chemin de croix. Bien sûr, il reste la voie de l’alternance, mais tout le monde n’est pas prêt à l’emprunter – du fait de sa durée plus longue, au minimum un an -, et quand bien même : dès lors que l’apprenti est âgé de plus de 20 ans, son coût devient particulièrement élevé pour l’entreprise… Ce qui a pour conséquence directe un refus net et sans appel de la plupart des artisans, dont les moyens demeurent limités ;
  • Au delà de la formation en elle-même, une pratique du métier en tant qu’ouvrier est nécessaire pendant une à deux années. Ce point est souvent négligé, à tort : pendant cette période, le jeune et frais boulanger aura tout le loisir de confronter sa vision du métier à la réalité du quotidien, et parfois à mesurer le fossé qui existe entre les deux. De plus, cela lui permettra de devenir un professionnel efficace et à même de tenir les différents postes du laboratoire. Ce n’est pas le cas des adultes en reconversion professionnelle qui font le choix de reprendre une affaire dès l’obtention de leur CAP, et c’est une grave erreur : en effet, en cas d’absence inopinée de l’un de leurs salariés (et elles sont malheureusement fréquentes), ils ne sont pas en mesure de le remplacer « au pied levé », ce qui met en péril l’équilibre de leur entreprise et sa capacité à assurer sa production. Certes, des solutions d’intérim existent, mais elles sont coûteuses et il est difficile d’y recourir si l’on vient de reprendre son affaire, avec toutes les charges que cela implique.
    Une telle situation est ressentie non seulement par le client – puisqu’il voit la qualité varier – mais par les salariés de l’entreprise : ils détiennent en effet un véritable pouvoir sur leur patron, car ce dernier est pleinement dépendant de leur présence et de leur implication. Avec des rapports hiérarchiques quasi-inversés, la situation devient vite intenable et ce n’est qu’une question de mois avant que le « château de cartes » s’effondre.
Un exemple de reconversion que l'on peut qualifier aujourd'hui de réussie : celle de Camille Rosso et Florentine Bachelet. Installées depuis maintenant deux ans dans le 17è arrondissement, elles sont parvenues à faire leurs preuves. Même si l'histoire continue de s'écrire au quotidien, le chemin n'aura pas été de tous repos pour les deux amies.

Un exemple de reconversion que l’on peut qualifier aujourd’hui de réussie : celle de Camille Rosso et Florentine Bachelet. Installées depuis maintenant deux ans dans le 17è arrondissement, elles sont parvenues à faire leurs preuves. Même si l’histoire continue de s’écrire au quotidien, le chemin n’aura pas été de tous repos pour les deux amies.

Au vu de ces éléments, il faut donc disposer d’un capital important avant de se lancer dans cette aventure, ou bien être dans une situation personnelle qui nous laisse une certaine liberté. Dès lors, les conjoints peuvent être mis à contribution, et l’aventure devient familiale…
Dans tous les cas, mieux vaut oublier l’idée de se lancer dans la boulangerie pour faire travailler les autres et récolter les fruits de leur labeur. Malheureusement, c’est un mal qui a tendance à se faire de plus en plus courant. Sans vouloir me lancer dans un jeu de pronostics malsain, de nombreuses affaires de ce type finiront par être de nouveau sur le marché de la vente… si ce n’est pas déjà le cas.

On a tous été témoins, au moins une fois dans notre vie, d’un événement troublant et potentiellement grave pour les personnes impliquées. Accidents de la route, de chemin de fer, … la logique voudrait que l’on ne reste pas figés à regarder la scène, mais il nous est toujours difficile d’en détacher notre regard. Un peu comme un aimant, cette catastrophe nous pétrifie et se rappelle sans cesse à notre mémoire.

Le concours mis en avant dans la vitrine de Stéphane Vandermeersch.

Le concours mis en avant dans la vitrine de Stéphane Vandermeersch.

C’est un peu la même chose avec moi et l’émission d’M6, la Meilleure Boulangerie de France. Si ce n’est que j’aurai une bonne raison de regarder cette semaine, puisque c’est la région Ile-de-France qui sera visitée du 9 au 13 septembre. Au fil des informations que j’ai pu récolter et des extraits présentés, j’ai reconstitué une grande partie de la liste des boulangeries candidates :

A Paris, la Boulangerie Basso (17è arrdt), la boulangerie de Stéphane Vandermeersch (12è arrdt) et Aki Boulangerie (1er arrdt) ;
Dans les Hauts-de-Seine (92) : Fabrice Capezzone à Courbevoie, Le Régal de Sophie au Plessis-Robinson ;
Dans le Val-de-Marne (92) : Boulangerie F² – Frédéric Favreau – à Saint-Maur-des-Fossés ;
En Seine-et-Marne (77) : Boulangerie Lemarquis à Melun ;
Dans les Yvelines (78)La Flûte de Chaud Pain à Houdan ;
En Essonne (91) : Les Traditions Gourmandes à Mennecy ;
Dans le Val d’Oise (95) : Boulangerie Rouget à Beaumont-sur-Oise et le Four à Bois à Taverny.

Il me manque une adresse, vous m’excuserez de cette omission. Je ne vous gâcherai pas le suspense en vous annonçant les noms des 4 finalistes de vendredi, sinon quoi vous n’auriez plus d’intérêt à regarder cette semaine.

Journal local, Boulangerie Lemarquis, Melun (77)

Néanmoins, j’ai pu visiter la plupart de ces adresses, et le constat qui en ressort n’est pas vraiment à l’honneur du travail de sélection réalisé par les équipes de la chaîne : peu de ces boulangeries excellent dans la réalisation du pain.
Stéphane Vandermeersch réalise de très bon kouglofs et millefeuilles, Fabrice Capezzone est un pâtissier créatif et talentueux, la boulangerie Aki propose des curiosités plutôt distrayantes… Bien sûr, certains ont tenté de porter leur savoir-faire autour de la panification, comme Christophe Rouget ou les associées de la boulangerie Basso, sans forcément en avoir réellement la possibilité : la production a imposé des choix sur la sélection des produits, en privilégiant ceux qui seraient le plus « télégéniques ».

Boulangerie Lemarquis, Melun (77)

J’en profite pour vous parler un peu de la boulangerie Lemarquis à Melun, car s’il s’agit de l’une des meilleures boulangeries de France, je crois que je peux dès à présent arrêter toute activité autour du pain.

Les viennoiseries & gourmandises chez les Lemarquis à Melun.

Les viennoiseries & gourmandises chez les Lemarquis à Melun.

Même si les pâtisseries sont très correctes, plutôt soignées et originales, et que les déclinaisons autour du mi-cuit au chocolat surprennent, le pain est quant à lui… détonnant. Appréciez plutôt cette superbe baguette de Tradition, dont les trois grignes diagonales ne correspondent à aucune convention, en plus de ne s’être pas ouvertes correctement au four. Quant au goût, seul le sel s’exprime fortement dans cette mie pâteuse. Ajoutons à cela des cuissons très courtes, un service complètement dépassé (les parfums des macarons ne sont même pas maitrisés), vous comprendrez bien qu’il y a des raisons d’être surpris… ou plus vraiment, en définitive.

Chez les Lemarquis, les boulangers sont des artistes du façonnage et de la grigne... mais ils ont visiblement mal choisi leur art.

Chez les Lemarquis, les boulangers sont des artistes du façonnage et de la grigne… mais ils ont visiblement mal choisi leur art.