Je n’arriverai jamais à bien comprendre l’acharnement de certains artisans à vouloir se multiplier et implanter leurs boutiques un peu partout, tout en perdant complètement le contrôle de la qualité des produits réalisés au sein de chacune d’entre elles. Pire encore, cela induit la mise en place de processus semi-industriels qui, s’ils sont associés à une volonté de réduire les coûts, peuvent impliquer d’importantes baisses de qualité pour les consommateurs.

Pierre Thilloux, propriétaire et fondateur de la boulangerie -et désormais enseigne- La Fournée d’Augustine, implantée historiquement rue Raymond Losserand, a ouvert il y a à peine 3 jours une nouvelle adresse, au 5 de la rue Vavin. Il remplace ainsi un boulanger existant jusqu’alors à cet emplacement, ce qui lui assure dès à présent une clientèle de quartier, habituée à se rendre ici pour acheter son pain. Même si certains clients n’aiment pas le changement, il y a fort à parier que beaucoup continueront à faire confiance à la boulangerie, par rapport à son emplacement et non pour des considérations d’enseigne ou de produit.

L’aménagement intérieur est dans la « norme » de ce qui se fait actuellement : le lieu affiche un aspect très clinique, aseptisé, avec un grand réfrigérateur pour les pâtisseries et produits traiteur. En passant devant la boutique, on pourrait très bien la rattacher à l’un des autres artisans qui se multiplient dans la capitale.
Pour autant, c’est bien à Augustine, et à sa fournée, que l’on fait référence ici. La star devrait être la baguette de tradition, car M. Thilloux ne manque pas une occasion de mettre en avant le prix de deuxième meilleure baguette de la ville de Paris, obtenu en 2004. Or, cela n’est pertinent que pour la boulangerie où le pain primé a été réalisé. Passons, ce n’est pas le sujet aujourd’hui. Comment est-elle, cette fameuse baguette ? Façonnée approximativement, ses grignes ne se développent pas à la cuisson, elle demeure très moyenne. Quant aux pains spéciaux ou même les pains de tradition, les façonnages et les cuissons sont uniformément mal réalisées, signe qu’il y a d’importants ajustements à faire dans les processus de fabrication. Espérons que tout cela se mette en place avec le temps.

Sur les autres produits, il y a là encore des marges d’amélioration : les croissants manquent de cuisson, et le fond de pâte des tartes affichent une régularité quasi-industrielle. A force de cette expansion, il semblerait qu’Augustine soit en train de perdre toute son âme et son caractère jusqu’alors défendu de « boulangerie à l’ancienne ». Dans un sens, c’est assez inévitable, mais cela n’en est pas moins regrettable. Il faut dire qu’avec 7 boutiques à Paris et en banlieue, il devient nécessaire d’être productif. On retrouve en effet La Fournée d’Augustine jusqu’à… Rungis !

On donnera cependant un bon point à l’accueil, disponible et agréable malgré l’affluence et les quelques difficultés rencontrées avec le système de caisse (ah, ces caisses gérant le paiement et le rendu en monnaie, je les aime toujours autant !). Cela a du mal, à mon sens, à compenser le manque d’humanité et de chaleur induit par le décor très standardisé de la boutique, mais il faut apprécier l’effort.

Infos pratiques

5 rue Vavin (métro Notre-Dame-des-Champs, ligne 12 ou Vavin, ligne 4) / tél : 01 43 25 73 91

10 réflexions au sujet de « Augustine (et sa Fournée) continue sa marche sur Paris et s’installe rue Vavin »

  1. Comme assez souvent, il faut garder le personnel lorsqu’on rachète une affaire (boulangerie, restaurant, peut être en fait toutes les adresses de bouche), la transition peut prendre un certain temps.
    Quant à l’intérêt pour un boulanger de monter en puissance et de multiplier les ouvertures? le même que les chaines en général : économies d’échelle, synergie (achats, logistiques, fonctions centrales mises en commun), meilleure capacité de négociation face aux fournisseurs, éventuellement centre de production. Au niveau marque, si elle a bonne réputation, cela peut marcher (ex Kayser, préférable à un mauvais boulanger de quartier).
    Niveau financement et rapports avec actionnaires/banquiers : comme on ne prête qu’aux riches et à ceux qui ont déjà fait leurs preuves, je suis quasiment sur que si Kayser ou Augustine ouvre ou rachète une nouvelle boulangerie, leurs relations avec leurs banquier et les conditions de financement seront nettement plus favorables que si un indépendant, jeune ou pas, s’y met.
    Mais il n’y a que la course au profit effréné (et éventuellement la croissance trop rapide, mal maitrisée) qui explique pourquoi la qualité n’est pas au rendez-vous.

    • Bravo Chrisos, vous avez fort bien décrit la situation. L’exemple de Kayser, porté aux nues par bien des médias en est l’illustration la meilleure sans doute.
      Un détail de la frénésie Kayser à vouloir à tout prix (et je dis bien à tout prix) à être assimilé à une chaîne de luxe sont ses sacs.
      Avez-vous remarqué comme son logo ressemble à si méprendre à celui ce la marque Chanel noir sur blanc?
      Où le contenant est devenu plus important que le contenu.
      Voilà le risque encouru. « La course effréné au profit » comme le dit Chrisos, est une course qui conduit les « chaînes » de boulangerie à la standardisation de leur produit. De très bon, ou d’excellent, on devient petit à petit bon, puis moyennement bon, puis…
      Attention à ne pas finir par ressembler aux terminaux de cuisson ou à des chaines comme PAUL.
      Il faut relire l’article de Rémi sur la maison Pichard qui est aux antipodes de ces modèles.

  2. Bonjour,

    Je voulais simplement exprimer ma tristesse face au rachat de cette boulangerie par Augustine. En effet, la boulangerie qui se trouvait à cet emplacement était absolument incroyable! Leur pain était délicieux et leurs patisseries généreuses. J’ai fait mes études scolaires et universitaires à côté et se fermeture me fait vraiment de la peine. Cette boulangerie était particulièrement aimée par tous les collégiens et lycéens du quartier pour sa viennoise aux pépites de chocolat au simple prix de 1 euro, et ce depuis 10 ans.

    • Bonjour Alex,
      Je comprends votre peine et la partage pleinement… Cette boulangerie semblait en effet être un beau lieu de vie, authentique et simple. Pas certain que l’on retrouve chez Augustine, où le décor est froid et les produits uniformisés…

      • Bonjour

        Je viens de lire avec un peu de tristesse ses commentaires sur les changements de la boulangerie qui sont souvent émis par des personnes qui ne connaissent rien de près ou de loin à ce grand métier de la boulangerie
        Dire que la fournée d’augustine est proche de l’industriel est preuve de la méconnaissance de son fonctionnement car il se trouve qu’au contraire tout est mis en oeuvre pour que la fabrication reste artisanale et de qualité égale entre les boutiques, les processus de transport et les travaux dans les laboratoires ne sont que la résultante de la pression constante que subissent les boulangers par l’armada « des normes »
        On nous parle d’authenticité, de produits véritables mais que l’on cesse de nous imposer des normes ridicules et celles ci seront maintenues
        Mr thilloux aime son métier et le fait bien quant à la boutique, l’équipe de fabrication est restée en place, c’est le même pâtissier qui réalise les mêmes délicieux streudels, pain d’épice, meringues, sablés et autres spécialités et il serait bien vexé de voir que certains ne reconnaissent même pas ses produits!!!
        Le pain est mis à l’honneur avec le lancement de nouveaux produits et le but est de répondre aux besoins d’une clientèle connaisseuse et demandeuse du quartier!
        Le changement attire souvent les critiques même lorqu’il est réalisé pour améliorer les choses car certes les produits étaient bons mais le lieu avait besoin de rénovation et les travaux étaient nécessaires!!!
        Les produits sont toujours aussi bons et le lieu est agréable que demander de plus??

  3. je suis totalement en accord avec remi et alex j’étais étudiante dans le quartier et là en venant dans le coin, j’étais déçue du résultats les formules ne sont plus les même le pain des sandwichs est dur on dirait même de la veille les viennoises aux pépites sont plus cher et moins bonne et question décor c’est froid et sombre.

  4. Je reconnais que cette boutique n’a plus rien a voir avec la petite boulangerie que beaucoup de jeunes comme moi on connu, mais deux choses sont a prendre en compte d’une part toute la clientèle du quartié correspond parfaitement a cette apparence luxueuse que possède la boutique et de plus malgrès certains produit industriels venant directement de Rungis je tiens à certifier la qualité des produits qui sont toujours aussi bons voir meilleurs pour certains. La fameuse viennoise au chocolat est toujours fabriquée par le même boulanger.

  5. je pense pouvoir dire que c’est une très bonne boulangerie,pour y avoir fait mon stage. J’ai fait la connaissance des boulanger ,des pâtissiers et des vendeuses, qui sont très sympathiques. Je peut aussi vous certifier qu’a par les sandwichs(voilà peut-être pourquoi certain ne les aimes pas!!) et les boissons ; tout les produits sont fait sur place.
    Quand au décor,il ne peut de toute façon pas plaire à tous.Il est moderne et reste assez simple…

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